Projet de loi SVE : les sénateurs veulent pérenniser le plafond de 100 000 € pour les marchés publics de travaux sans formalités

C’est l’un des principaux apports du Sénat au volet « commande publique » du projet de loi de simplification de la vie économique. Au total, une dizaine d’amendements relatifs aux marchés publics ont été approuvés à l'occasion de l’examen du texte dans l'hémicycle du palais du Luxembourg. 

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Travaux publics
Le seuil en deçà duquel des marchés publics de travaux peuvent être passés sans formalités est fixé à 100 000 € à titre provisoire jusqu'au 31 décembre 2024.

La commande publique a inspiré les sénateurs durant l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique (SVE) les 3, 4 et 5 juin 2024. Avec dix nouveaux articles, le titre qui lui est consacré dans le texte en ressort largement enrichi.

Pérennisation du plafond de 100 000 € pour les marchés de travaux de gré à gré

Sept amendements sont l’œuvre de Nadège Havet (Finistère – Renaissance), l’une des cinq auteurs du rapport « Rendre des heures aux français » qui a alimenté le projet de loi présenté par Bercy. La sénatrice a souhaité graver dans le marbre de la loi le seuil de 100 000 euros en deçà duquel des marchés publics de travaux peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence. Ce plafond, en vigueur à titre provisoire depuis la loi Asap de 2020, et dont la prolongation a été décidée lors des Assises du BTP et actée par un décret du 28 décembre 2022, doit normalement disparaître le 31 décembre 2024.

Le gouvernement, pour qui « le dispositif a montré son efficacité pour les acheteurs publics et les PME », s’est montré favorable à cette mesure. Si elle aboutit, elle devrait satisfaire les fédérations du secteur du BTP. Cette pérennisation est notamment attendue par la Capeb - qui regrette tout de même la faible utilisation du mécanisme temporaire par les communes - et par la FFB. Laquelle, avec ses partenaires de l'Alliance pour le logement, plaide même pour un relèvement du seuil jusqu’à 200 000 euros.

Les offres variantes autorisées sauf mention contraire

Les sénateurs ont aussi adopté l’amendement visant à autoriser par principe la présentation de variantes dans les procédures formalisées des pouvoirs adjudicateurs. Un renversement de la règle actuelle, figurant dans la partie réglementaire du Code de la commande publique (CCP), qui proscrit les variantes dans ces procédures « sauf mention contraire dans l’avis de marché ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt ».

Cette disposition, travaillée avec la CPME, vise à favoriser l’usage de ces offres alternatives qui « constituent un levier trop peu utilisé par les acheteurs publics », peut-on lire dans son texte de présentation.

Encadrer le délai de notification

Autre mesure provenant de la CPME, l’introduction d’un article dans le CCP pour préciser que la notification du marché au titulaire ne peut pas intervenir plus d’un an après la décision d’attribution. « Encore trop d’acheteurs tardent à signer leur marché après avoir avisé l’entreprise qu’elle en est l’attributaire pressenti », est-il ainsi indiqué dans l’objet de l’amendement.

Etendre le recours aux Semop

Approuvé lui aussi, l’amendement visant à élargir le recours aux partenariats public-privé institutionnalisés (PPPI). Ces PPPI sont définis par la Commission européenne comme « une coopération entre des partenaires publics et privés qui établissent une entité à capital mixte qui exécute des marchés publics ou des concessions ». Les sociétés d’économie mixte à opération unique (Semop), créées par une loi de 2014, en sont aujourd'hui la seule illustration en droit français. Mais elles sont réservées aux seules collectivités territoriales, déplore Nadège Havet, qui souhaite dès lors étendre le dispositif à tous les acheteurs publics.

Deux mesures pour les opérations immobilières publiques

La sénatrice a également proposé de créer une nouvelle catégorie de marchés publics globaux sectoriels, dédiée à la conception, la construction et l’aménagement d’infrastructures ou d’équipements publics au sein d’un ensemble immobilier comprenant un programme de logement. Une mesure qui vise à faciliter les cessions foncières avec charges, dans lesquelles la personne publique vend un terrain à un promoteur à condition que celui-ci s’engage à répondre à certaines obligations en matière d’aménagements ou d’équipements. Ces montages sont notamment utilisés pour la réalisation de programmes immobiliers mixtes. L’amendement adopté autorise à transférer au promoteur la maîtrise d’ouvrage globale du projet et à ne pas l'allotir.

Dans le même esprit, les sénateurs se sont prononcés en faveur de la mesure visant « à basculer les ventes et les baux en l’état futur d’achèvement (Vefa et Befa) publics dans le régime des contrats exclus » des règles de la commande publique. Une disposition qui doit permettre non seulement de conclure ces contrats de gré à gré, ce qui peut déjà être le cas à certaines conditions, mais aussi de les soustraire au régime d’exécution des marchés publics notamment en matière de paiement. Il est ainsi noté que « dans une Vefa privée le prix est payé selon un échéancier cohérent, alors qu’une Vefa publique appelle un versement trimestriel qui ne correspond parfois pas aux besoins du projet ». Pour les Befa, l’interdiction du paiement différé applicable aux contrats de la commande publique n’apparaît pas non plus compatible avec le versement de loyers.

Pas de paiement direct en cas de transfert de la maîtrise d’ouvrage

Dernière proposition de Nadège Havet, un amendement pour que les règles de la commande publique relatives à la sous-traitance ne s’appliquent qu’aux marchés dans lesquels l’acheteur conserve la maîtrise d’ouvrage. Il s’agit de faire en sorte notamment que le paiement direct ne soit pas maintenu dans le cas où la personne publique aurait transféré la maîtrise d’ouvrage à une personne privée.

Achat circulaire et innovant

Deux autres articles relatifs à la commande publique proviennent du groupe socialiste. Le premier, travaillé avec l'Institut national de l'économie circulaire, a pour objet d’intégrer dans la catégorie des achats innovants pouvant être passés sans formalités en-dessous de 100 000 €, les marchés dans lesquels est prévu l’emploi de matériaux provenant du réemploi, du recyclage ou de la réutilisation.

Un « Small Business Act » pour l'Outre-mer

Le second prévoit que les marchés d’un montant supérieur à 500 000 € peuvent contenir une clause réservant une part minimale, fixée à 20 %, d’exécution aux PME et aux artisans locaux. Cette disposition ne serait applicable que dans les régions, départements et collectivités d’outre-mer, et seulement pour cinq années.

Encore un cas d’exclusion

Enfin, un amendement du groupe communiste a également été adopté. Il prévoit un nouveau cas d’exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics, ciblant les entreprises qui n’ont pas déposé leurs comptes annuels conformément aux dispositions du Code de commerce.

Le vote solennel sur le texte par le Sénat est programmé mardi 11 juin après-midi. Le projet de loi, sur lequel le gouvernement a engagé une procédure accélérée, sera ensuite examiné par les députés.

Bilan en demi-teinte pour les mesures portées par Bercy

Le texte initialement présenté par le gouvernement comportait deux articles portant sur la commande publique. Le premier, qui rend obligatoire la plateforme dématérialisée des procédures « Place » aux opérateurs de l’Etat, aux hôpitaux et aux organismes de sécurité sociale, a été adopté par les sénateurs. Lesquels y ont ajouté la possibilité pour les collectivités territoriales d’utiliser librement cette plateforme.

Les parlementaires ont confirmé leur opposition au projet d’unification du contentieux de la commande publique en faveur du juge administratif, malgré la proposition de Bercy de reporter au 1er janvier 2026 l’entrée en vigueur de cette mesure.

 

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