Jurisprudence

Marchés publics : la Cour de cassation étoffe le régime du contentieux des travaux publics

Un litige entre deux intervenants à un marché public de travaux relève par principe de la compétence du juge administratif, y compris s'il oppose deux personnes de droit privé. Dans une décision récente, la Cour de cassation applique ce principe au conflit entre un maître d'ouvrage délégué et un sous-traitant.

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Un marché public de travaux relève par principe de la compétence du juge administratif.
Marchés publics

Par une décision du 25 avril (Cass. 3e civ., 25 avril 2024, n° 22-22912, publiée au Bulletin), la Cour de cassation vient compléter le régime des litiges nés de l’exécution d’un marché de travaux publics. Elle énonce que relèvent du juge administratif « les litiges relatifs au paiement direct au sous-traitant, par le maître d’ouvrage délégué, du prix des travaux exécutés dans le cadre » d’un tel marché.

Pour la réalisation d’un péage rail-route, une entité adjudicatrice avait délégué la maîtrise d’ouvrage d’un marché de travaux publics à une société de droit privé. Laquelle s’est alors chargée de conclure les marchés publics avec les titulaires des différents lots. Suite à la faillite de l’un de ces titulaires, son sous-traitant sollicite auprès du juge judiciaire le paiement direct de ses prestations par le maître d’ouvrage délégué. Ce dernier soulève toutefois une exception d’incompétence, estimant que le litige aurait dû être porté devant le juge administratif.

L’exécution de travaux publics

La troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le titulaire d’un marché public peut sous-traiter l’exécution d’une partie des prestations de son marché (art. L. 2193-3 du Code de la commande publique). Le sous-traitant bénéficie du droit à paiement direct par l’acheteur s’il a été accepté et si ses conditions de paiement ont été acceptées (art. L. 2193-11 du CCP), ce qui était ici le cas. Les juges mentionnent également l’article L. 2422-6 du CCP portant sur les missions pouvant être confiées au maître d’ouvrage délégué, pour indiquer que le mandat peut notamment porter sur « le paiement des marchés publics de travaux ».

La Cour déduit de ces dispositions que le sous-traitant et le maître d’ouvrage délégué prennent part tous les deux à une opération de travaux publics et qu'est en jeu dans leur conflit l’exécution d’un marché public. Or, « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ». Ce principe, issu d’une décision « de Castro » rendue en 1997 par le Tribunal des conflits (T.confl., 24 novembre 1997, n° 03060, publiée au recueil Lebon), est désormais bien établi.

Un nouvel exemple

La Cour de cassation en fait ici une nouvelle application concernant le litige opposant le sous-traitant et le maître d’ouvrage délégué. Ils ne sont liés par aucun contrat, de sorte qu’il n’est pas question de trancher un contentieux portant sur l’exécution d’une convention de droit privé. Les juges estiment également qu’il est sans incidence que le sous-traitant et le maître d’ouvrage délégué soient deux personnes de droit privé : dès lors que le litige concerne « les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté », il est du ressort du juge administratif.

Attractivité de la notion de travaux publics

Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de décisions rendues par le Tribunal des conflits, par exemple pour un litige opposant deux cotraitants participant à l’exécution d’un marché public de travaux (T. confl, 8 février 2021, n° C4203, mentionné dans les Tables). Dans cette affaire, les cotraitants étaient bien liés par un contrat de droit privé. Mais ils n’ont pas engagé leur action sur le fondement de la responsabilité contractuelle mais sur celui de la responsabilité quasi-délictuelle au titre de l’exécution de leurs prestations respectives dans le cadre du marché public. Le Tribunal en a conclu que ce litige ne concernait donc pas l’exécution du contrat unissant les deux cotraitants, mais portait sur les conditions dans lesquelles le marché de travaux publics avait été exécuté, et relevait dès lors de la compétence du juge administratif.

Autre illustration récente de l’attractivité de la notion de travaux publics : une décision de 2022 (T. confl, 10 janvier 2022, n° C4231, mentionnée dans les Tables) par laquelle Tribunal des conflits a jugé que l’action subrogatoire de l’assureur d’un cotraitant à l’encontre d’un autre participant à l’exécution du marché de travaux doit être portée devant la juridiction administrative.

Cass. 3e civ., 25 avril 2024, n° 22-22912, publiée au Bulletin

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