Les marchés publics de travaux seraient particulièrement propices aux retards de paiement. Pour remédier à cette difficulté, l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) et le Médiateur des entreprises ont publié le 9 septembre un guide sur les bonnes pratiques de facturation et de règlement dans ces marchés.
Contexte tendu
Une publication attendue, qui intervient après un regain de tensions fin 2023 – début 2024 sur les délais de paiement. La FNTP et la FFB, qui ont participé aux travaux d’élaboration du document (1), alertaient alors sur une hausse des retards de la part des collectivités. Un constat en partie confirmé par le rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement paru en juin dernier : si le délai réglementaire de 30 jours est globalement respecté, le nombre de retards a augmenté dans les départements, les régions et les communes de plus de 50 000 habitants.
En outre, les professionnels du BTP déplorent que ces chiffres ne prennent pas en compte les « délais cachés », soit toutes les pratiques qui conduisent à décaler le point de départ du délai. Celles-ci seraient légion dans les marchés de travaux, compte tenu de leur circuit de paiement complexe, en plusieurs étapes.
Peu de souplesses mais des bonnes pratiques
Etapes que déroule le guide, qui suit un plan chronologique allant des paiements mensuels jusqu’au paiement du solde du marché. Il rappelle l’ensemble des règles applicables à la matière, en particulier celles régissant l’établissement du décompte général et définitif.
Surtout, il mentionne plusieurs bonnes pratiques pour fluidifier le processus de facturation. Il est ainsi recommandé de privilégier le circuit de paiement prévu par le CCAG travaux. Si les parties peuvent y déroger, dans les conditions rappelées dans le guide, « la mise en place de procédures particulières ne doit pas avoir pour effet de retarder le point de départ du délai de paiement et de déroger aux délais de paiement réglementaires », précise le document. Au contraire, les maîtres d’ouvrage sont plutôt invités à prévoir des délais plus courts que ceux du CCAG travaux, notamment pour les commandes de faible montant.
Chorus Pro
La plateforme de dématérialisation des factures Chorus Pro fait également l’objet de développements. Elle doit en effet « obligatoirement être utilisée pour la transmission des pièces de facturation relatives à l’exécution des marchés publics de travaux ». C’est le dépôt de la facture sur cette plateforme qui déclenche le point de départ du délai de règlement.
« Le maître d’œuvre ne peut donc pas exiger une validation préalable hors du circuit Chorus Pro », est-il rappelé dans le guide. Autre pratique à éviter selon Bercy : l’utilisation par les collectivités de systèmes intermédiaires de gestion des marchés en amont de Chorus Pro. Ceux-ci généreraient « des délais supplémentaires de paiement ».
Multiplicité d’intervenants
Il est donc préconisé d’assurer tout le suivi financier de son marché via Chorus Pro. Ce qui peut s’avérer « plus complexe qu’avec un système intermédiaire car il y a plus d’acteurs impliqués que dans d’autres marchés : le titulaire, le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage », reconnaissait en décembre dernier Armelle Degenève, directrice de l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat, l’entité qui gère la plateforme.
Et après le maître d’ouvrage, la facture doit passer entre les mains du comptable public, chargé du paiement. Ce dernier « rejette les factures en cas d’erreur » même minime, en particulier d’arrondis, ce qui peut susciter l’agacement du titulaire du marché. Le guide cite deux bonnes pratiques pour éviter de tels rejets : « Etablir une convention en matière d’arrondis et prévoir explicitement dans le CCAP la règle de l’arrondi arithmétique ».
Contrôler l’intervention du maître d’œuvre
De manière générale, l’OECP et le Médiateur des entreprises recommandent de caler l’ensemble du process de facturation, les pièces justificatives à remettre et le formalisme à respecter avant le début du marché, à l’occasion d’une réunion de lancement de chantier.
Laquelle doit également servir à préciser le rôle du maître d’œuvre, qui intervient notamment pour valider les projets de décomptes mensuels et le projet de décompte final. Le guide conseille de prévoir dans le marché du maître d’œuvre, qui doit être rédigé en cohérence avec le marché de travaux, « une procédure palliative en cas de carence de sa part », avec notamment l’application de pénalités à son encontre et l’organisation d’une procédure de validation tacite.
Intérêts moratoires
Car le maître d’ouvrage conserve en tout état de cause la responsabilité en cas de retard de paiement. Il doit donc veiller à ce que le maître d’œuvre intervienne de façon à ce que les délais soient respectés. A défaut, le titulaire a droit aux versements d’intérêts moratoires, et ce dès le premier jour de retard. Le titulaire n’a pas à les réclamer, rappelle le guide qui précise tout de même que « le maître d’ouvrage doit les mandater auprès du comptable public » pour que leur paiement puisse être réalisé.
En cas de différend sur les factures survenant en cours d’exécution du marché public, Bercy préconise de privilégier les modes de règlements amiables. Sont mentionnées la médiation et la conciliation.
Soutenir la trésorerie
Enfin, au-delà de la seule problématique des délais de paiement, le guide formule plusieurs recommandations pour soutenir la trésorerie des entreprises titulaires. D’abord verser une avance même si celle-ci n’est que facultative, y compris dans les marchés de maîtrise d’œuvre. Et pour les avances obligatoires, les maîtres d’ouvrage sont incités à aller au-delà du taux réglementaire, qui varie de 5 à 30 % du montant total du marché.
Bercy rappelle également les règles applicables aux retenues de garanties. Celles-ci ne sont pas systématiques et le cas échéant peuvent être adaptées à la durée des travaux ou à la taille du titulaire. Elles peuvent également être remplacées par des garanties financières. En outre, il est précisé que le mécanisme de la retenue n’est pas adapté aux marchés de maîtrise d’œuvre, qui prévoient déjà un dispositif de plafonnement de paiement avant le règlement définitif du solde.
(1) Ont également contribué la Capeb et Syntec-ingénierie.