Interview

Marie Courtes: «La négociation sur l’apprentissage doit aboutir»

Marie Courtes dirige l’entreprise La Maison Dupuis, qui emploie 35 personnes en charpente, couverture et maçonnerie à Cailly (76). Elle préside l’Association Bâtiment CFA Normandie, qui pilote 7 CFA, emploie 300 personnes et accueille 4200 jeunes, et répond aux questions du Moniteur des Artisans sur les enjeux  de la négociation en cours sur l’apprentissage dans le BTP.

Réservé aux abonnés
Marie Courtes
Marie Courtes

La négociation sur l’apprentissage dans le BTP pourrait remettre en cause l’existence d’une tête de réseau pour piloter les CFA paritaires. Une telle structure n’est-elle donc plus légitime ?

Une tête de réseau a bien sûr une légitimité, et d’ailleurs le CCCA-BTP nous a bien accompagnés lorsque nous avons fusionné les associations régionales de Basse et de Haute-Normandie. Mais le Gouvernement a souhaité inscrire l’apprentissage dans un champ concurrentiel, c’est le sens de la loi de 2018. Notre responsabilité collective, c’est de mettre en œuvre cette loi dans les meilleures conditions possibles. Et pour cela, nos outils de formation doivent s’adapter. Il ne s’agit pas forcément de faire table-rase du passé, mais le système doit évoluer.

Le CCCA-BTP ne vous apparaît-il pas comme une protection, un bouclier dans ce contexte de mise en concurrence ?

C’est justement parce que nous sommes désormais exposés à la concurrence que nous devons évoluer ! Par exemple, les CFA sont fermés en juillet et en août. Or, puisque les CFA doivent désormais regarder aussi du côté de la formation continue, ils devraient pouvoir proposer durant l’été aux entreprises de former leurs équipes, lorsque l’activité ralentit.

La structure et l’organisation des CFA paritaires ne nous permettent pas aujourd’hui cette souplesse. Les CFA deviennent des entreprises, ce qui impose des contraintes. Ca ne veut pas dire moins de protection pour les formateurs en CFA, mais une plus grande liberté pour innover en fonction des réalités de chaque territoire.

"Les CFA en zone rurale sont clairement menacés"

A propos de territoires, justement, des craintes ont été exprimées au sujet de l’avenir des CFA en zone rurale. Les partagez-vous ?

Les CFA en zone rurale sont clairement menacés. C’est une raison de plus pour laisser davantage d’autonomie et de faculté d’adaptation aux associations régionales. Sur chaque territoire rural, nous devrons sans doute nous regrouper avec d’autres structures, les CFA des chambres consulaires par exemple, dans d’autres univers que le BTP. Nous partageons les mêmes préoccupations de transport, d’hébergement, de restauration et nous devons pouvoir trouver des réponses communes pour maintenir les CFA sur ces territoires. C’est d’ailleurs vrai aussi dans les zones urbaines !

Si demain une entreprise, comme elle peut le faire maintenant, ouvre un centre de formation à côté d’un des miens, je dois pouvoir réagir.

Donc, vous souhaitez à la fois de la souplesse et une coordination nationale ?

Exactement. Tout doit repartir des territoires, qui doivent d’ailleurs peser dans la négociation en cours. Mais en tant que présidente de l’Association BTP CFA Normandie, j’ai aussi besoin de mutualiser certaines fonctions et de m’appuyer sur un réseau apporteur de solution, par exemple pour aller chercher certains financements nationaux ou européens.

"La négociation en cours est polluée par trop d’autres questions"

Craignez-vous l’échec de la négociation ?

On n’a pas le droit d’échouer, on n’a pas le droit d’être moins responsables que nos prédécesseurs, qui ont créé le CCCA-BTP, l’OPPBTP et tant d’autres avancées dans notre secteur. Mais la négociation en cours est polluée par trop d’autres questions : les statuts de Constructys, les branches, la représentativité patronale…

Les partenaires sociaux doivent mesurer l’importance du sujet. Sans accord, que ferons-nous ? Je ne m’imagine pas un instant devoir licencier les 300 personnes qui travaillent dans les 7 CFA paritaires de Normandie, ni ne plus pouvoir accueillir les jeunes à la rentrée ! Ce serait contraire aux intérêts des entreprises comme à ceux des jeunes et des familles. La négociation sur l’apprentissage doit aboutir.

Marie Courtes est membre du comité exécutif national de la FFB, préside la commission Emploi de la CPME et siège au conseil d’administration de France Compétences, la nouvelle structure issue de la loi de 2018 et chargée de piloter la formation professionnelle en France.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !