Décryptage

Loi Industrie verte : ce qu’il faut retenir des mesures en urbanisme et environnement

Le texte qui doit permettre à la France de se positionner comme « le futur leader européen de l'industrie verte » a été définitivement adopté par le Parlement le 11 octobre 2023. Il pourrait être promulgué d’ici une quinzaine de jours, sous réserve d’une saisine du Conseil constitutionnel.

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Ce qu'il faut retenir des mesures urbanisme et environnement de la loi relative à l'industrie verte.

Participation du public, réhabilitation des friches, dérogations espèces protégées… Les mesures législatives qui doivent permettre de réindustrialiser le pays - et de le faire vite - tout en favorisant la transition écologique revisitent de nombreuses procédures environnementales et d’urbanisme. Panorama des principales dispositions de la loi relative à l’industrie verte, adoptée définitivement le 11 octobre 2023 après une commission mixte paritaire conclusive.

Planification industrielle

Son titre 1er résume bien l’essence même du texte : faciliter et accélérer les implantations industrielles. Dans cette perspective, le chapitre 1er de la loi met l’accent sur la planification industrielle dans les territoires. Celle-ci vise à contribuer à l'atteinte des objectifs de réindustrialisation ainsi que de réutilisation plus fréquente du foncier déjà artificialisé pour l'accueil de nouvelles usines. Et c’est au niveau régional que cette planification s’organisera. En particulier, le texte complète l’article L. 4251‑1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) relatif aux enjeux et thématiques portés par le Sraddet par un objectif « de développement logistique et industriel, notamment en matière de localisation préférentielle ».

De son côté, l’Etat devra élaborer une stratégie nationale pour l’industrie verte couvrant la période 2023-2030, qui déterminera les filières stratégiques devant être implantées ou développées prioritairement sur le territoire national.

Lesétablissements publics fonciers (EPF) sont également mis à contribution puisqu’il est désormais expressément prévu que dans le cadre de leurs compétences, ils peuvent participer au développement des activités économiques, « notamment pour faciliter les projets d’implantations industrielles ».

Consultation du public plus moderne

Le chapitre 2 de la loi a pour objet de moderniser la consultation du public et de mieux sécuriser les procédures en matière d'autorisation environnementale. L’objectif étant de réduire « les délais réels d'implantation de 17 à moins de 9 mois ».

Parmi les retouches du Code de l’environnement, un nouvel article L. 181-10-1 est créé afin d’organiser la consultation du public plus tôt dans le déroulement de la procédure, dès la recevabilité du dossier de demande d'autorisation environnementale. L’instruction se déroulera dorénavant en deux phases (contre trois aujourd’hui) : une phase d’examen et de consultation suivie d’une phase de décision. Aujourd’hui, l’étape de la consultation est séparée de celle de l’examen (art. L. 181-9 du Code de l’environnement). Le texte prévoit également deux réunions publiques – d’ouverture et de clôture  entre le porteur de projet et les citoyens, organisées par le commissaire enquêteur. Selon l’exposé des motifs de la loi, ces temps d'échanges ont vocation à permettre « une concertation de meilleure qualité entre les parties prenantes ».

Les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture « sont réputées faire partie du dossier de demande, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu’elles n’en modifient pas l’économie générale ». Le commissaire enquêteur (ou la commission d’enquête) rend son rapport et ses conclusions motivées à l’autorité administrative, après concertation avec le pétitionnaire dans un délai de trois semaines à compter de la clôture de la consultation du public. La réception de ce rapport et de ces conclusions motivées clôt la phase d’examen et de consultation et ouvre la phase de décision.

Selon le ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, « en organisant en parallèle les phases d'instruction [...] et la consultation du public, le délai théorique total sera réduit de 9 à 6 mois ». Il aurait même d'ores et déjà constaté une accélération des dossiers par les services instructeurs, en anticipation de la loi. Et « environ 100 ETP seront fléchés dans le projet de loi de finances pour renforcer » ces services, indique l'entourage du ministre.

Débat public global

Par ailleurs, la loi prévoit la faculté de mutualiser, lorsqu'elle est requise, la concertation amont des projets. Ainsi, dans les zones de fort développement industriel et économique, la personne publique pourra demander l’organisation d’un débat public ou d’une concertation préalable globale sur une zone géographique déterminée afin de présenter au public une vision d'ensemble des projets envisagés au cours des huit années à venir sur la zone concernée au lieu de réaliser des concertations préalables successives projet par projet (nouvel art. L. 121-8-2 du Code de l’environnement).

Les projets seront par la suite dispensés de débat public propre (ou de concertation préalable) s’ils sont mis en œuvre dans les huit ans. Par exemple, dans la zone du grand port maritime de Dunkerque, « où une demi-douzaine de gigafactories vertes sont envisagées », le public pourrait être consulté via cette concertation préalable globale ou ce débat public global, « puis, dans un second temps donner son avis projet par projet, via la phase de consultation du public, […] prévue dans le cadre de la procédure d'autorisation environnementale conduite pour chaque projet », illustre l’exposé des motifs.

Recours abusifs

Sur le volet contentieux (art. L. 181-17 du Code de l’environnement), à l’instar des recours contre les autorisations d’urbanisme, la loi prévoit la possibilité pour le bénéficiaire d’une autorisation environnementale de demander au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui verser des dommages et intérêts en cas de comportement abusif de la part du requérant.

Friches industrielles

Gros morceau de la loi, le chapitre concernant les friches. Pour l’essentiel, il s’agit d’accélérer et de faciliter le renouvellement et la réhabilitation du foncier industriel pour des sites arrivant en fin d'activité ou d'ores et déjà en cessation d'activité. La procédure du tiers demandeur (art. L. 512-21 du Code de l’environnement) notamment, est légèrement revue et son champ d'application adapté pour faciliter sa mise en œuvre. En particulier, un tiers intéressé pourra demander au préfet, par anticipation et avec l’accord de l’exploitant, l’autorisation de se substituer à lui en cas de future cessation d’activité.

Sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation 

Toujours dans ce chapitre dédié aux friches, sont créés des « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » (art. L. 163‑1 A et suivants du Code de l’environnement), en lieu et place des actuels sites naturels de compensation. Baptisé « site naturel de restauration et de renaturation » dans le projet de loi initial, ce dispositif doit permettre « aux porteurs de projet de réaliser des opérations de compensation par anticipation, y compris pour des projets isolés, par exemple pour des sites "clés-en-main" », précise l’exposé des motifs. Ces sites donneront lieu à la délivrance d’unités de compensation, de restauration ou de renaturation qui pourront ensuite être utilisées au titre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité prévues par le Code de l'environnement. En outre, ces sites pourront donner lieu, sous certaines conditions, à l’attribution de crédits carbone au titre du label « bas‑carbone ».

Déclaration de projet

Le chapitre 5 de la loi vise plus particulièrement les industries vertes. En raison de leur nature stratégique pour la souveraineté nationale, ces projets nécessitent très souvent la mise en compatibilité des documents de planification et d'urbanisme. « Or, aucune des procédures prévues par le Code de l'urbanisme ne permet une mise en compatibilité suffisamment rapide et sécurisée ». L’article 8 de la loi inclut donc explicitement dans le champ de la déclaration de projet – qui permet de mettre en compatibilité de manière simple et accélérée les documents de planification et d’urbanisme – l'implantation d'activités industrielles qui participent aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable, y compris des entrepôts de logistique situés sur le site et nécessaires au fonctionnement de cette installation (art. L. 300-6 du Code de l’urbanisme).

En outre, lorsqu’elle est prononcée par l’Etat, la déclaration de projet peut, si la réalisation du projet nécessite une dérogation dite « espèces protégées », lui reconnaître, dans des conditions qui seront définies par décret, le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM).

Implantations industrielles d’intérêt national majeur

Par ailleurs, les projets industriels qui revêtent, eu égard à leur objet et leur envergure, notamment en termes d’investissement et d’emploi, une importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale, pourront être qualifiés - par décret - de projet d’intérêt national majeur (nouvel art. L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme).

Pour ces projets, la loi prévoit un cadre « exceptionnel » de mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme, directement engagé par l'État mais après accord du maire de la commune sur laquelle le projet industriel pourrait être implanté  - ou du président de l’EPCI dans le cadre d’un PLUi - et celui de la région correspondante lorsque son document de planification doit être mis en compatibilité. Les autorisations d'urbanisme de ces projets industriels d'intérêt national majeur seront délivrées par l’Etat.

DUP

De plus, pour renforcer la solidité juridique d’un projet industriel, la loi prévoit là encore de lui reconnaître le caractère de projet répondant à une RIIPM, bien avant la finalisation du dossier d'autorisation et l'engagement de la phase de travaux, dès la phase de déclaration d’utilité publique (DUP) du projet (nouvel art. L. 122-1-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique). L’idée est de purger en amont les éventuels contentieux liés à la RIIPM et permettre à l’opérateur de se projeter sur la procédure de dérogation espèces protégées dès la DUP.

Autorisation d’exploitation commerciale

Enfin, la loi entend aussi accélérer la transformation des zones d'activité économique (ZAE) en facilitant le remembrement commercial pour accueillir de nouveaux projets, notamment industriels. Il s'agit ici d’exonérer les opérations de remembrement commercial d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC), en assortissant la dérogation de conditions précises liées en particulier à l'inscription de ce regroupement au sein du cadre d'une grande opération d'urbanisme (GOU) [art. L. 752‑2 du Code de commerce)]. Cette dispense est en outre étendue, à titre expérimental pendant trois ans aux EPCI. Pour les sénateurs, à l’initiative de cette expérimentation, l’objectif est de favoriser les regroupements de surface de vente pour libérer du foncier » dans les ZAE.

Sous réserve d’une saisine du Conseil constitutionnel, la loi pourrait être promulguée d’ici une quinzaine de jours.

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