Décryptage

Loi Climat et Résilience : les mesures de lutte contre l’artificialisation adoptées par les députés

Près de trois jours auront été nécessaires aux parlementaires réunis en Commission pour adopter la dizaine d’articles du projet de loi censés mettre un coup de frein à l’artificialisation des sols. Outre le vote des amendements aux dispositions initiales, les députés ont créé de nouveaux dispositifs comme les « contrats de sobriété foncière ». Les friches sont également définies pour la première fois dans le Code de l'urbanisme.

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Artificialisation des sols
Les mesures de lutte contre l'artificialisation adoptées en Commission

Les chapitres III et IV du titre IV « Se loger » du projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » auront bien mobilisé les députés cette semaine encore. Il faut dire que l’enjeu est de taille. Les onze articles du texte doivent en effet permettre à la France d’ « atteindre, en 2050, » l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols, ainsi que le prévoient l’amendement n° 3881 et le sous-amendement n° 5411 à l’article 47, déposés respectivement par Jean-Luc Lagleize (MoDem, Haute-Garonne) et le rapporteur, Lionel Causse (LREM, Landes).

Territorialisation au sein des régions

Disposition très critiquée et donc longuement discutée, l’article 49 qui place les régions en première ligne dans la lutte contre l’artificialisation. Sur les 348 amendements déposés, 29 ont été adoptés. Parmi eux, l’amendement n° 3169 qui vient ajouter un alinéa pour préciser que les règles générales prescrites par les Sraddet pour la réduction du rythme de l'artificialisation seront territorialisées entre les différentes parties du territoire régional. Pour son auteur, Alain Perea (LREM, Aude), « cela permettra de mieux tenir compte des contraintes et dynamiques propres aux différentes parties du territoire régional.»

L’amendement n° 4068 vise lui, à permettre aux élus locaux de mieux intégrer les enjeux liés au grand cycle de l’eau dans les documents d’urbanisme. Il ajoute ainsi un alinéa à l’article L. 151 9 du Code de l’urbanisme disposant que le règlement du PLU « peut définir des règles de limitation de l’imperméabilisation des sols, de désimperméabilisation des sols et de compensation de toute imperméabilisation nouvelle. »

Calendrier assoupli pour l’évolution des documents d’urbanisme

Par ailleurs, les amendements n° 5242, 5243, 5244 et 5086 proposent une adaptation des délais imposés aux documents de planification régionale (Sraddet, PADD de Corse, schéma d’aménagement régional et schéma directeur de la région Ile-de-France) pour intégrer les objectifs de la loi. Un délai d’un an (au lieu de 6 mois prévu dans le texte d’origine) leur est ainsi accordé.

La collectivité pourra en outre « engager la procédure d’évolution de son document d’urbanisme selon la procédure de la modification simplifiée, plus rapide, sans fermer la possibilité de recourir à la procédure de révision », indique le rapporteur, Lionel Causse.

Et, « afin de mieux s’intégrer dans leur calendrier de mise en œuvre, les documents de rang inférieurs [Scot, PLU, carte communale] seront mis en compatibilité dès leur première révision, au moment de leur bilan, et au plus tard, dans un délai de cinq ou six ans suivant l’adoption du schéma régional intégrant les objectifs de la loi, ou à défaut, deux ans après l’entrée en vigueur de la présente loi, si le document régional n’a pas été modifié dans le délai imparti » (amendements n° 5246, 5247, 5249, 5250, 5251, 5252).

Encourager les bonnes pratiques

Par ailleurs, l’article 49 dispose aussi que si le PLU ou la carte communale n’a pas intégré les objectifs de réduction d’artificialisation fixés par la loi avant le 1er juillet 2025 (à noter que l’amendement n° 5252 remplace cette date par un délai de 6 ans à compter de la promulgation de la loi), aucune autorisation d’urbanisme ne pourra être délivrée jusqu’à l’entrée en vigueur du document d’urbanisme modifié ou révisé à cette fin.

L’amendement n° 4212 prévoit que cette mesure ne s’appliquera pas aux collectivités qui ont déjà pris dans leurs documents d’urbanisme « des objectifs chiffrés et datés de réduction de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers ». Selon la députée LREM Sandra Marsaud, « 37 % des Scot ont fixé déjà une réduction de plus de 50 % d’ici 2030 et 63 % ont fixé cette diminution de 50 % avec un objectif de temps compris entre 2031 et 2040 ». Il s’agit donc à travers cet amendement « d’encourager les bonnes pratiques et les initiatives locales ».

Observatoires de l’habitat et du foncier et PLH

Par ailleurs, il est proposé de créer des observatoires de l’habitat et du foncier (art. L. 302-1 du Code de la construction et de l'habitation – amendement n° 5351). L’idée est de capitaliser sur les dispositifs existants d’observation foncière. « Le renforcement de l’observation foncière doit participer aux outils mis à la disposition des collectivités locales pour lutter contre l’artificialisation des sols sans mettre à mal leurs projets de développement », soutient Lionel Causse.

Une série d’amendements visant à encourager très fortement la mise en place de programmes locaux d’habitat (PLH) a également été votée. Là encore, dans l’optique de donner des outils aux collectivités pour atteindre des objectifs ambitieux en matière de sobriété foncière.

Contrats de sobriété foncière

Autre nouvelle mesure adoptée : la création de « contrats de sobriété foncière » conclus entre les collectivités et l’Etat. Ces contrats auraient pour « objet la mise en œuvre du projet global de territoire et du programme d’action » porté par les collectivités pour lutter contre l’artificialisation (amendements n° 3450 et 5414).

Modifié à la marge, l’article 50 concernant le rapport sur l’artificialisation des sols que doit présenter l'exécutif de la collectivité compétente en matière d'urbanisme, au conseil municipal ou à l’assemblée délibérante, prévoit que cette présentation se fera tous les trois ans et non plus chaque année. L'objectif étant d’« éviter des lourdeurs pour les collectivités, qui ne sont pas toujours suffisamment outillées pour y veiller dans de bonnes conditions ».

Autre mesure adoptée : l’obligation de prévoir, pour les opérations d’aménagement faisant l'objet d'une évaluation environnementale, « la réalisation d’une étude préalable sur le potentiel de densification de la zone ou du périmètre concerné. Les conclusions en résultant devront être intégrées à l’étude d’impact du projet. » (amendement n° 3898).

Aménagement commercial...

Côté aménagement commercial, l’article 52 du projet de loi fixe un principe général d’interdiction de délivrer des autorisations d’exploitation (AEC) pour des surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols. Des dérogations sont toutefois possibles. L’amendement n° 5325 vient préciser les modalités d’obtention de l'AEC. Trois conditions sont notamment nécessaires : l’insertion du projet en proximité avec le tissu urbain existant, dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, et la réponse aux besoins du territoire.

... et logistique

En outre, afin de renforcer la capacité des collectivités territoriales à planifier le développement de l’implantation des entrepôts logistiques à vocation commerciale, le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) - composante obligatoire du document d’orientation et d’objectifs (DOO) du Scot - change de nom et devient le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL). Il devra comporter « une analyse de l’implantation des constructions logistiques commerciales en fonction de leur surface, de leur impact sur les équilibres territoriaux notamment au regard du développement du commerce de proximité, de la fréquence d’achat ou des flux générés par les personnes ou les marchandises ».

Les friches définies dans le Code de l’urbanisme

Les friches, présentées comme l’une des solutions à l’artificialisation, n’étaient jusqu’ici pas évoquées dans le projet de loi.  Elles auront désormais une définition « officielle ». Se référant au récent rapport d’information parlementaire sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives, l'amendement n° 3976 les définit dans un nouvel article L. 111-26 du Code de l’urbanisme comme étant « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et, dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable ».

Parmi les autres modifications proposées, l’inventaire des zones d’activité économiques (ZAE) que doivent réaliser les collectivités compétentes en la matière. Ce document devra être finalisé dans les deux ans après la promulgation de la loi (et non plus dans le délai d’un an) (amendement n° 2750 et sous-amendement n° 5432). Cet inventaire est un outil d’observation détaillé de l’occupation de ces zones. Il doit permettre d’identifier les secteurs de sous-occupation propices à des opérations de remembrement foncier, de réhabilitation et de densification.

Surélévation des bâtiments

Par ailleurs, l’article 54 prévoit la réalisation par le maître d’ouvrage lors de la conception d’un projet de démolition, de construction ou d’aménagement, d’une étude du potentiel de réversibilité du bâtiment. Pour les bâtiments existants, le maître d’ouvrage devra y ajouter l’obligation de réaliser une évaluation du potentiel de surélévation du bâtiment préalablement aux travaux de démolition (amendement n° 3889).

Enfin, l’article 57 rétablit le droit de préemption, au profit des départements, dans les espaces naturels sensibles afin de renforcer leur protection face au risque d’artificialisation. L'amendement n° 3563 vient préciser que le titulaire de ce droit peut demander à visiter le bien.

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