Artificialisation : plaidoyer intercommunal pour un travail de dentelle

Par une motion adressée le 9 mars aux 50 parlementaires de son réseau, l’Assemblée des communautés de France a exprimé la déception que lui inspire l’article 49 du projet de loi Climat et résilience. Sans remettre en cause l’objectif de sobriété foncière, l’association s’insurge contre une approche exclusivement fondée sur la planification et traduite dans un chiffre : réduire de 50 % la consommation d’espaces d’ici à 2030, par rapport à la décennie écoulée.

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Sébastien Miossec
Sébastien Miossec, président délégué de l’Assemblée des communautés de France (AdCF)

« Une mesure uniquement quantitative n’apporte pas la bonne traduction à l’ambition de sobriété foncière ». Président délégué de l’Assemblée des communautés de France (AdCF), Sébastien Miossec réagit à l’article 49 du projet de loi Climat et Résilience avec le mental d’un bon élève injustement puni. « Après un an et-demi de débats très riches, réduire le Zéro artificialisation nette à un chiffre nous apparaît comme une négation de l’épaisseur des enjeux », renchérit Philippe Schmit, secrétaire général et conseiller urbanisme de l’association.

Efforts non reconnus

« Comment considère-t-on la trajectoire déjà suivie par les territoires » ? La question posée par le secrétaire général trouve son illustration dans l’itinéraire du président délégué de l’AdCF, qui préside la communauté de communes de Quimperlé (Finistère).

« Quand je suis devenu maire de Riec-sur-Bélon en 2008, le plan d’occupation des sols prévoyait 240 hectares de zones à urbaniser, de loin pas consommés depuis lors. Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI, NDLR) en cours de révision réduit ce chiffre à moins de 10. Nous n’avons fait que soustraire », rappelle l’élu du bourg de 4000 habitants en pleine expansion démographique, sur le littoral breton.

Application uniforme

Malgré leur déception, les élus intercommunaux espèrent encore une issue heureuse des travaux parlementaires en commission : « Pendant cette étape, nous n’allons pas contribuer à la cacophonie par une foultitude d’amendements. Attendons de voir la nouvelle copie qui en sortira », raisonne Philippe Schmit.

Alors que les futurs élus des régions redessinées en 2015 ne prendront leur marque que cet été, la remise sur le métier à marche forcée de l’ensemble des documents de planification régionale et locale attise la défiance des communautés. L’expérience des premiers schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) alimente ce sentiment : « Les objectifs fonciers de ces schémas s’appliquent de façon uniforme », constate Philippe Schmit.

Besoin d’accompagnement

Alors que les PLUI couvrent désormais près de la moitié du territoire, les communautés ressentiraient une nouvelle injonction de l’Etat dans le domaine de la planification locale comme contreproductive. « L’hétérogénéité de la maturité technico-politique des communautés requiert d’abord un accompagnement de celles qui commencent tout juste à prendre la mesure des enjeux », estime le secrétaire général. Les futurs contrats de relance et de transition écologique offriraient un cadre adapté au travail de dentelle requis par la réduction des consommations foncières.

« L’élu communautaire anime localement un débat de société autour d’un héritage qui le dépasse, avec les agriculteurs, les entrepreneurs ou les associations. Embarquons tous ces acteurs, avant d’établir des cartes et des zonages qui bloquent », plaide Sébastien Miossec. En réduisant la lutte contre l’artificialisation des sols à la seule approche planificatrice, le législateur passerait à côté de leviers déterminants.

Débats escamotés

L’élu finistérien évoque le dilemme posé par le développement économique, source de richesse pour les collectivités et donc de concurrence foncière entre les territoires. « Désintoxiquer les entrepreneurs qui exigent une grande parcelle au bord de la quatre voies n’a rien d’évident ». Le frein culturel n’empêche pas la communauté de communes de Quimperlé d’inciter à moderniser et densifier les immeubles d’activité existants, plutôt que de reconstruire.

Philippe Schmit développe l’exemple de la vacance dans les sites patrimoniaux remarquables : « La lutte contre l’artificialisation aurait pu créer l’occasion de débattre de l’adaptation de ces quartiers aux besoins contemporains, quitte à admettre des démolitions pour aménager des jardins ou construire des balcons ». Et le secrétaire général de conclure : « Actionner un seul morceau de la chaîne, ça n’aide pas » !

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