Le cap des 1 000 résidences services seniors (RSS) en France a été franchi en 2022. Et malgré la conjoncture, les perspectives à moyen terme demeurent positives.
« Entre fin 2022 et fin 2024, 264 nouvelles résidences ouvriront leurs portes, contre une moyenne de 170 ouvertures tous les deux ans habituellement », annonce au « Moniteur » Jean-Christophe Briant, directeur d’études chez Xerfi spécialiste des RSS.
Pour rappel, la France comptera chaque année, d’ici 2030, 250 000 nouvelles personnes de plus 75 ans. « Ces potentiels clients ne sont pas tous intéressés par les RSS, dont l’âge d’entrée moyen s’élève à 82 ans », mais ils aiguisent toujours autant l’appétit des promoteurs-exploitants.
Coup de frein sur les mises en chantiers
Domitys se présente comme le numéro un français, avec 22% de parts de marché. Présidée par Olivier Wigniolle (ex-Icade), la filiale du groupe Ægide, détenu par AG2R La Mondiale (67%), Nexity (18%) et les fondateurs (15%), s’apprête à inaugurer son 150e site hexagonal à Poissy (Yvelines).
Citons d’autres gros poissons comme Les Jardins d’Arcadie (Bouygues immobilier), qui compte une soixantaine de résidences ouvertes et une vingtaine en chantier.
Le marché est également animé par des entreprises familiales comme Villa Beausoleil (famille Boughaba) et des constructeurs-exploitants d’Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) comme Orpea, qui revendique une trentaine de mini-RSS d’une quinzaine de logements sous la marque Nahoma, généralement situées à proximité de ses maisons de retraite médicalisées.
Complémentaire de l’habitat participatif perçu comme une alternative à l’Ehpad pour rompre l’isolement, le produit RSS a toujours la cote auprès des collectivités. Si le rythme mensuel des permis de construire délivrés décroît depuis cet été, le secteur des logements collectifs ou gérés tient bon grâce au coliving et aux résidences seniors ou étudiantes, en hausse de 12,3% sur un an à fin avril, tandis que les autorisations de logements collectifs ordinaires stagnaient, selon le ministère de la Transition écologique.
En revanche, le coup de frein sur les mises en chantiers se ressent, comme dans le logement classique ou social, faute d’équilibre économique. Fin avril, les mises en chantier de logements collectifs ou en résidence reculaient sur un an de 9,4 %, pour s’établir à 203 600, au plus bas depuis 2016. Et les logements en résidence (-10,7%) semblaient moins bien résister que les logements collectifs ordinaires (-8,3%).
« La question de l’exploitation se pose après l’achat du terrain »
Attention, donc, à ne pas s’emballer. « Il y a un risque de fuite en avant chez certains acteurs portés par une croissance rapide, alerte Jean-Christophe Briant. La promotion générant plus d’argent que l’exploitation, les promoteurs-exploitants poussent la promotion, quitte à sauter sur l’occasion dès qu’un foncier se présente. » De quoi renchérir le prix final du logement à louer… Le taux d’occupation moyen se situe toutefois au-dessus de 80%, récentes mises en exploitation incluses, estime-t-il.
Enchaînant ouverture sur ouverture, certains promoteurs, généralistes ou spécialistes du résidentiel géré, devraient toutefois peaufiner leur stratégie d’implantation. « Tous les acteurs ne cochent pas le critère de base qui est d’être à 500 mètres de marche du centre-ville et des commodités, pour faciliter la vie aux locataires. Trop souvent, la question de l’exploitation se pose après l’achat du terrain et ils corrigent le tir en utilisant des navettes, mais c’est insuffisant », remarque Jean-Christophe Briant.
En outre, l’expert pointe « la sous-estimation de la concurrence, car les acteurs n’ont pas tous une bonne vision de ce qui va se construire dans deux ans, notamment dans les grandes villes comme Lille, saturées en termes de résidences ».
Pour les investisseurs, un rendement inférieur à l’inflation
Autre sujet à surveiller : la commercialisation. Primo : les particuliers en quête de rentabilité pourraient être découragés par les rendements proposés, autour de 4%, soit moins que l’inflation annuelle de 5,1% à fin mai.
Secundo : la création de résidences repose essentiellement sur la vente en bloc aux investisseurs institutionnels, peu actifs ces derniers mois à cause de la remontée des taux d’intérêt. « Le marché n’est pas épargné par la crise en termes d’investissements, mais il reste celui qui suscite le plus d’intérêt, avance Jean-Christophe Briant. Les ventes en bloc n’ont reculé que de 10% à 15% en 2022 par rapport à 2021. »
D’après Immostat, 530M€ ont été investis sur l’ensemble des actifs résidentiels au premier trimestre (1T) 2023, en baisse de 83% par rapport au T1 2022. Le résidentiel classique a plus souffert (-88%) que le résidentiel géré (-51%).