Les fraudes aux aides à la rénovation au centre d’une commission d’enquête du Sénat

Les sénateurs ont notamment pris note des faiblesses exploitées par les escrocs aux aides à la rénovation énergétique.

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Fraude

« Je le jure ! » Sept observateurs de différents profils ont été auditionnés, le 12 avril, par une commission d’enquête du Sénat portant sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. A l’ordre du jour : les escroqueries aux aides à la rénovation. MaPrimeRénov', CEE, la fraude est massive dans le secteur, a commencé par expliquer Romain Roussel, sous-directeur Industrie, santé et logement à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : « Sur notre plateforme de signalements des consommateurs, il s’agit de l’un des secteurs qui ressort le plus fortement avec plus de 10 000 plaintes. »

Et du côté des sanctions, la tendance correspond : « Nous avons procédé en 2021 à 131 avertissements, 111 injonctions administratives, 34 procès-verbaux administratifs et 89 procès-verbaux pénaux, énumère Romain Roussel, des chiffres bien supérieur à la moyenne des autres secteurs de la DGCCRF. » L’ampleur des fraudes est telle que l’organisme a doublé les contrôles entre 2017 et 2021, passant de 352 à 679 contrôles annuel. Et pour l’heure, aucun signe de ralentissement : « On ne constate pas de décru des anomalies, notamment sur les démarchages téléphoniques, pourtant interdits. »

Une fraude systémique

Tout l’enjeu de ces discussions s’est situé dans la capacité de l’Etat à proposer des aides capables d’articuler massification de la rénovation et lutte contre la fraude. Oussama Djeddi, président et cofondateur du bureau d’étude Spekty, et Pierre Pichère, rédacteur en chef du Moniteur des Artisans à l’origine d’une enquête sur les escrocs de la rénovation, ont pointé les différentes fragilités des modèles de financement des projets de travaux.

Pour Oussama Djeddi, le principal problème rencontré au niveau des bureaux d’étude « sont les conflits d’intérêts entre des bureaux de contrôle, à qui on demande de l’impartialité, et des entreprises de travaux… ou des fraudeurs tout simplement. » Ces entreprises qui doivent diagnostiquer les performances énergétiques d’un bâtiment avant et après travaux peuvent donc donner « l’illusion d’une politique de contrôle qui n’existe pas » conclut-il. Et une étude réalisée par le bureau d’étude à montré que sur 36 000 inspections représentant 400 000 chantiers, 25 % sont non-conformes, 50 % le sont, et 25 % sont non-vérifiables. « Dans les non-conformités, nous avons des fraudes à la quantité d’isolation pour gonfler les primes CEE, mais aussi des problèmes de qualité des travaux », analyse le président de Spekty.

Pierre Pichère a quant à lui rappelé tous les mécanismes qu’utilisent les fraudeurs : fiche Bar TH-164 pour les CEE, faux comptes pour toucher les aides de l’Anah, etc.  Avec en ligne de mire, la capacité des fraudeurs à s’adapter aux nouvelles politiques publiques très rapidement.

Les consommateurs vulnérables ciblés

De son côté, l’UFC-Que Choisir, représenté en partie par Lucille Buisson, chargée de mission énergie, environnement et transport, a pointé du doigt la capacité des fraudeurs à s’attaquer aux cibles les plus fragiles, avec de vieilles méthodes toujours aussi efficace.

« Nous avons de nombreux litiges avec les contrats souscris dans les foires et salons, qui ont un droit spécifique, avec par exemple l’absence délai de rétractation. Nombre d’entreprises y affichent frauduleusement le label RGE lors de ces événements. » Car si le démarchage téléphonique reste un problème de taille, c’est bien le démarchage physique qui inquiète l’association de consommateurs : « Les deux tiers des litiges sont liés à ce type de démarchage. Cela reste un fléau, et il serait nécessaire de mettre en place une interdiction sectorielle. 

»

Néanmoins, les fraudeurs ont encore de la marge, et Oussama Djeddi n’a pas hésité à pointer les les lacunes des politiques publiques : « Prenons Mon Accompagnateur Rénov (NDLR : nouvel outil de politique publique pour accompagner, grâce à des mandataires privés, les particuliers dans leurs travaux) : nous savons pertinemment qu’il y a un potentiel de fraude. Il faut en être conscient, et ne pas croire que les fraudeurs n’en profiteront pas. »

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