L’étude que avez rédigée avec l’association Négawatt et le bureau d’études Enertech porte sur les « modélisateurs » des secteurs du bâtiment et de l’immobilier, comme le Cerema, la DHUP, EDF ou encore l’OID. Quels en sont les principaux points positifs ?
J’en note quatre. La premier, c’est qu’il y a une richesse des modèles et des organismes*. Le deuxième, c’est que des sujets sont très bien traités. Sur la rénovation des logements par exemple, les modélisateurs partent d’une solide base de données d’observation, ce qui leur permet de proposer des prospectives robustes, sous différents angles : la prise de décision des ménages, l’impact du changement d’un vecteur ou de tel ou tel geste… Le troisième, c’est que les modélisateurs sont plutôt bien outillés sur la dimension énergie-carbone. Enfin, le quatrième, c’est la diversité des modèles. Certains sont axés sur les prises de décision, d’autres sur les enjeux techniques comme les effets de l’installation d’une pompe à chaleur, d’une isolation BBC…
Parmi les pistes d’amélioration figurent un meilleur partage et une meilleure analyse des données environnementales : consommation d’eau, occupation des sols… D’où viennent ces carences et comment y remédier ?
Le secteur du bâtiment s’est d’abord intéressé à l’énergie, puis à la dimension carbone, et enfin à l’eau ou encore à l’adaptation au changement climatique. Sur ces sujets plus récents, les modélisateurs ont du travail. Les politiques publiques vont les aider à suivre cet élargissement de la prise en compte des enjeux. Par exemple, plus les assujettis au décret tertiaire déclareront leurs données sur la plateforme Operat, plus la base sera riche, et plus les modèles seront fiables.
Vous notez également un manque de documentation sur les bâtiments agricoles et industriels. Quelles conséquences et comment s’améliorer ?
Contrairement au secteur du logement très suivi, en particulier sous le prisme de la rénovation, le tertiaire est moins riche en données. Et au sein du large segment non-résidentiel, ces deux catégories sont les moins bien renseignées. Il n’existe pas d’endroit qui donne accès aux données relatives au développement du e-commerce, une tendance qui mériterait d’être mieux modélisée. Des entrepôts sont enregistrés dans le tertiaire (non-résidentiel, NDLR), d’autres dans l’industrie.
Au-delà du manque de documentation sur les bâtiments agricoles et industriels, il existe un large éventail de facteurs et de questions de prospective qui sont mal ou pas du tout couverts, comme la résilience aux crises et la dynamique des marchés immobiliers.
C’est problématique, surtout en période de crise immobilière, qui touche aussi bien le résidentiel que le bureau ou le commerce…
L’écosystème a plus une culture technique, du bâtiment, qu’économique. Or, plus on avance, plus l’immobilier prend de l’importance dans la transition, comme le montre la loi Climat et résilience qui instaure une interdiction de louer les passoires thermiques. Concernant le financement de cette transition, l’immobilier est incontournable : peut-on mobiliser du patrimoine immobilier ? La transmission du patrimoine peut-elle participer à l’effort financier pour la décarbonation du secteur et plus largement de l’économie ?
Actuellement aucun modèle n’est capable d’anticiper les stratégies des décisionnaires dans le résidentiel et le tertiaire, aussi bien des entreprises (promoteurs, foncières…) que ménages. Or, il serait intéressant de savoir quand ils vont acheter ou vendre, s’ils vont continuer à louer leur bien ou au contraire à le retirer du marché locatif… pour aider les acteurs publics et privés à anticiper et in fine à trancher.
Quelle suite donner à la démarche ?
Il sera intéressant, dans cinq ans, de répéter l’expérience pour voir le chemin parcouru. Cette première page doit permettre aux communautés du bâtiment et de l’immobilier de se parler davantage. Elle doit aussi servir de repère aux modèles. Ceux qui ont accepté de participer sont essentiellement des organismes publics. Les acteurs privés qui souhaitent collaborer sont les bienvenus.