En janvier 2020, votre objectif était de produire 15 000 logements par an d’ici 2022. Quels sont-ils aujourd’hui ?
En 2022, nous serons entre 12 000 et 13 000. Il s’agit d’une année de rattrapage après avoir pâti de retards dans la délivrance de permis de construire et de l’impact de la crise sanitaire. Nos résultats au premier semestre ont été marqués par une reprise spectaculaire du cycle de production avec un taux d’écoulement de 11% et un taux de désistement de 25%. Avec nos 8 nouvelles agences dans les villes moyennes et nos grands quartiers qui créent du volume, nous visons à terme les 18 000 logements par an. Mais je ne donne pas d’horizon. C’est impossible dans la conjoncture actuelle. La seule prévision que je peux faire, c’est que 2023 ne sera pas une année record en termes de ventes.
Quelles mesures appliquez-vous ou comptez-vous appliquer pour que les ménages, pris en étau entre l’inflation et le taux d’usure, restent en capacité d’acheter vos logements ?
La situation actuelle rend plus difficile l’acquisition d’un logement pour de nombreux ménages. En termes de lots vendus, le poids des investisseurs particuliers et institutionnels (NDLR : qui pesaient 76% des réservations au premier semestre) va croître, car ces derniers ont une vision long terme. Par ailleurs, le prix de revient va continuer d’augmenter à cause de la hausse du coût de construction, alors que le prix du foncier ne baisse pas. Nous faisons et ferons tout ce qui est possible de faire, à travers le bail réel solidaire par exemple, pour que les particuliers puissent continuer d’acheter nos logements.
Vous détenez à 50% Woodeum, la branche résidentielle de WO2 Holding, depuis 2019. La suite logique est d’acquérir les 50% restants. D’ici la fin d’année ?
Ce ne sera pas pour la fin d’année. Nous croyons en Woodeum, qui a déjà atteint le palier 2028 de la RE 2020 sur la quasi-totalité de ses opérations, car pour l’instant, seul le bois le permet. Notre objectif est que toutes nos marques (NDLR : Cogedim, Pitch Immo…) soient décarbonées. Le m² décarboné peut coûter 100 ou 200€ plus cher aujourd’hui, mais tous les acteurs de la filière travaillent pour réduire, à terme, ce surcoût.
Votre trajectoire carbone consiste à baisser de 37% par m² vos émissions de gaz à effet de serre entre 2019 et 2030 sur la promotion (scope 3) et atteindre la neutralité carbone sur l'activité de foncière commerciale (scopes 1 & 2). Quels autres leviers actionnez-vous ou comptez-vous actionner ?
Sur la foncière, nous mettons en place un plan de sobriété énergétique. Nous poursuivons le travail initié il y a plus de dix ans dans nos centres commerciaux. Outre les travaux d’optimisation que nous allons continuer d’engager, nous comptons passer à 100% d’énergie verte d’ici 2024.
Sur la promotion, nous avançons à mesure que nous découvrons les moyens. Prenons Issy Cœur de Ville : nous nous sommes battus pour installer de la géothermie alors que personne n’y croyait en 2016. Résultat : le système permet d’alimenter l’ensemble du quartier à 73% en énergies renouvelables, soit 36% d’émissions de CO2 en moins par rapport à un quartier classique de même taille. Et ce réseau va être étendu aux logements sociaux avoisinants. Sur nos 830 opérations de logements en développement, une trentaine font l’objet de tests : isolants biosourcés, matériaux décarbonés, solutions d’énergie renouvelable... Cela nous permet d’être en avance sur la règlementation. Les directions techniques de chaque marque du groupe pilotent leur trajectoire carbone, en intégrant des solutions en bois, en mixte bois-béton, en béton décarboné…
Quels leviers actionnez-vous ou comptez-vous actionner pour faire face à la baisse de 51% entre 2019 et 2021 de votre chiffre d'affaires (CA) tertiaire, principalement porté par le bureau ?
Le marché tertiaire se regarde sur dix ans. Nous avons sécurisé nos projets. C’est une chance dans cette phase de révolution pour l’immobilier de bureaux, challengé par le dispositif Eco Energie Tertiaire (qui oblige propriétaires et locataires à réduire les consommations énergétiques du bâtiment, NDLR) et le développement du télétravail.
En Ile-de-France, nous devons reconstituer le pipeline. Notre savoir-faire va nous permettre de réaliser un certain nombre d’opérations, avec une montée en puissance de la transformation de l’existant. Nous allons par exemple restructurer à horizon 2027 le plus grand bâtiment tertiaire de Paris, dont nous sommes propriétaires : l’ancien siège de CNP Assurances à Montparnasse (Paris, XIVe). Altarea Entreprise est la meilleure équipe spécialisée sur ce créneau de la restructuration. Je pense au siège des Parfums Christian Dior à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), à la tour First à La Défense et à notre propre siège rue à Paris (IIe)…
Dans les métropoles régionales, notre activité tertiaire se développe fortement depuis trois ans, avec un CA annuel de 200M€ en moyenne. Nous continuerons sur cette lancée. Le contexte et les usages ont changé mais l’immobilier de bureaux garde un fort potentiel.
Votre plus grosse opération tertiaire lancée commercialement en 2022 (Bâtiments 3, 4 et 5 sur 171 000 m², à Bollène – Vaucluse) est logistique. Quelle part dans le CA global visez-vous pour ce marché sous-offreur et très prisé des investisseurs ? Comment y parvenir ?
Notre activité en logistique n’est pas nouvelle. Sur les vingt dernières années, Altarea a développé 30 grandes plateformes pour le compte d’acteurs de la logistique, de la grande distribution et du e-commerce, soit 1 million de m² en France. En 2021, le groupe a accéléré le développement de cette activité en livrant ou développant 9 plateformes partout dans le pays. Nous avons également de fortes ambitions dans la logistique urbaine, avec notamment une première opération « La Manufacture de Reuilly » à Paris (XIIe) et une prise de participation dans Corsalis Logistics Real Estate, jeune entreprise spécialisée dans la logistique et la distribution urbaine. A moyen terme, notre objectif de chiffre d’affaires sur cette activité est de 150M€ en moyenne par an.
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Comment comptez-vous régler le litige avec le gestionnaire d’actifs Primonial, que vous avez finalement renoncé d’acquérir ?
C’est entre les mains du tribunal de commerce de Paris, qui pourrait se prononcer d’ici fin 2023. Comme l’achat à 1,9Md€ n’a pas été conclu, nous avons la plus forte structure financière de tous les promoteurs. Nous avons donc les capacités de réaliser des logements de qualité, décarboner nos activités et saisir les opportunités de marché.
Vous avez 74 ans. Comment préparez-vous votre succession ?
Ma succession n’est pas ouverte. J’ai une équipe de direction solide avec le directeur général Jacques Ehrmann, le comité exécutif… Le groupe est bien organisé, fait face aux différents enjeux et obtient de bons résultats.
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Issy Coeur de Ville, la nouvelle référence d’Altarea
« C’est le summum de ce qu’a réalisé le groupe. » C’est ainsi qu'Alain Taravella, président-fondateur d’Altarea, présente Issy Cœur de Ville. Livré en une seule tranche l’été dernier puis inauguré le 19 octobre en présence du ministre du Logement Olivier Klein, ce quartier mixte propose plus de 100 000 m² de logements, bureaux, commerces… ainsi que 13 000m² d’espaces verts.
Pilotée par Engie Solutions, une boucle géothermique permet d’alimenter ce « morceau de ville (…) rendu aux Isséens après le départ du Centre National d'Études des Télécommunications », rappelle la Ville d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), ainsi que plus de 300 logements sociaux avoisinants. Un quart des 607 appartements créés sont des HLM gérés par Seine Ouest Habitat et Patrimoine (SOHP) et Seqens.