Le constructeur alsacien KS Groupe va devenir propriété de sa fondation

Les dirigeants de l’entreprise de 400 salariés, déjà devenue à mission, instaurent la cession progressive sur dix ans de leurs parts à un fonds de dotation. Celui-ci se rendra ainsi majoritaire dans une dizaine d’années. Le mécanisme doit prémunir contre toute velléité de rachat.

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Edouard et Jérôme Sauer KS Groupe
Edouard (à gauche) et Jérôme Sauer ont choisi la transmission à la fondation d’entreprise notamment pour ne pas mettre leurs enfants, encore jeunes, dans une situation d’obligation morale à reprendre KS Groupe.

C’est une rareté en France, tous secteurs confondus. Une fondation va se rendre progressivement propriétaire d’une entreprise, en l’occurrence KS Groupe qui évolue dans l’univers de la construction depuis l’agglomération de Strasbourg (Bas-Rhin). Les deux frères dirigeants, Edouard et Jérôme Sauer, ont pris la décision de transmettre gratuitement l’entreprise à un fonds de dotation créé depuis trois ans créé par KS Groupe et atteignant un montant d’1,6 million d’euros à ce stade.

Ils en enclenchent le mouvement d’ici au 15 décembre prochain, par la cession de 5 % des parts. L’opération est programmée pour se répéter à intervalles réguliers dans les prochaines années, de sorte à faire passer la part du fonds au-delà des 50 % dans environ 10 ans.

L’initiative ne concerne pas un « poids léger », puisqu’au cumul de ses 11 filiales, KS Groupe totalise un effectif de 400 salariés pour un chiffre d’affaires qui se situera à 170 millions d’euros cette année, dans des activités de gros œuvre et génie civil, contractant général, promotion immobilière (tertiaire, parcs d’activités, plateformes logistiques), aménagement intérieur, électricité, chauffage-climatisation, ingénierie…

Projets de logements par le promoteur Spirit dans le quartier Archipel de Strasbourg
Projets de logements par le promoteur Spirit dans le quartier Archipel de Strasbourg Projets de logements par le promoteur Spirit dans le quartier Archipel de Strasbourg

Parmi les 11 filiales du groupe, KS Construction assure l’activité de gros œuvre et génie civil, illustrée ici par l’édification en cours d’un programme de logements du promoteur Spirit dans le quartier Archipel de Strasbourg. © Spirit

Les deux frères à la tête de l’entreprise familiale (la lettre S renvoie au patronyme Sauer de leur grand-père fondateur en 1958) n’en sont pas à leur coup d’essai en matière de renouvellement des « codes » de la gouvernance d’entreprise dans le BTP, puisqu’ils ont fait adopter à la leur le récent statut de société à mission, fin 2023. La nouvelle étape s’inscrit dans cette mouvance.

Connu surtout en France par l’exemple des laboratoires Pierre Fabre mais plus répandu en Allemagne (Carl Zeiss, Bosch…) et en Scandinavie, ce modèle de fondation propriétaire « nous est apparu comme la réponse à plusieurs des problématiques que nous nous posions, d’ordre privées, d’entreprise, et sociétales », expose Jérôme Sauer.

Pas de pression sur les enfants

La première peut se résumer ainsi : « éviter d’éventuelles dissensions familiales et soulager nos enfants du poids de la reprise sans leur enlever la possibilité de s’engager à leur tour dans cette aventure entrepreneuriale, à la condition d’en avoir la motivation et les compétences » exposent les deux frères. Ils prennent ici de l’avance, puisque leurs progénitures ne sont âgées que de… 2 à 11 ans – le cadre juridique les obligera, d’ailleurs, à confirmer à leur majorité leur choix de renoncer à la voie de la transmission héréditaire.

Vis-à-vis de l’entreprise, le montage mis en place aura une conséquence forte, dans la mesure où il permet de verrouiller les hypothèses de rachat extérieur. En revanche, il laisse la porte ouverte à la montée au capital d’une partie des salariésvia l’attribution gratuite d’actions (AGA). Les dirigeants visent un seuil de 15 % du capital aux mains des collaborateurs, contre 3 % aujourd’hui.

Des bénéfices pour le financement des actions de la fondation

Enfin, le fonds de dotation trouvera, si l’entreprise continue à bien se porter, des moyens financiers pour les objectifs sociétaux qu’il poursuit : l’inclusion du handicap, l’accès au logement, le retour à l’emploi. « Comme tout actionnaire, il touchera la rémunération attachée aux bénéfices, dont il percevra une partie », précise Edouard Sauer. Quant à chercher un avantage fiscal déguisé dans cette initiative, les frères Sauer coupent net aux spéculations : « Ce mécanisme est assujetti à une taxe. Loin de faire économiser de l’impôt, il en génère ».

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