Une proposition de loi pour assouplir l’interdiction de louer des logements G

La commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi transpartisane « visant à prévenir les litiges relatifs à l’obligation de décence énergétique et sécuriser leurs modalités d’application en copropriété ».

Réservé aux abonnés
DPE-1
Le texte transpartisan vise à suspendre l’interdiction de louer un logement étiqueté G lorsque son propriétaire, en copropriété, n’a pas été en mesure de réaliser les travaux de rénovation énergétique.

« C’est une proposition de loi d’urgence », affirme Iñaki Echaniz (PS, Pyrénées-Atlantiques), corapporteur avec Bastien Marchive (EPR, Nièvre) de la proposition de loi visant à prévenir les litiges relatifs à l’obligation de décence énergétique et sécuriser leurs modalités d’application en copropriété.

Adopté par la commission des Affaires économiques le 27 novembre, le texte vise en effet à suspendre l’interdiction de louer un logement étiqueté G lorsque son propriétaire, en copropriété, n’a pas été en mesure de réaliser les travaux de rénovation énergétique.

Alors que l’interdiction est censée entrer en vigueur au 1er janvier prochain, la proposition de loi doit être débattue en séance publique le 3 décembre.

Le texte, assure Bastien Marchive, « vise à maintenir avant tout le cap fixé par la loi Climat et résilience » tout en évitant « une baisse du nombre de logements loués ». Au-delà d’une suspension temporaire des exigences dans certaines copropriétés, il s’agit aussi de clarifier « le cadre juridique de la rénovation énergétique, [qui] est souvent mal compris, qu’il s’agisse des obligations qui incombent aux propriétaires, des sanctions applicables ou des recours dont disposent les locataires », introduit Bastien Marchive.

Empêchements techniques ou administratifs

En adoptant 20 amendements sur les 57 déposés, les membres de la commission des Affaires économiques ont surtout encadré les motifs techniques ou administratifs, prévus à l’article 1er, permettant à un propriétaire de bénéficier d’un assouplissement des obligations de décence énergétique.

Ainsi, un amendement déposé par Stéphane Peu (GDR, Seine-Saint-Denis) clarifie la notion de « raisons techniques », en ajoutant que ces raisons doivent être « établies ou contrôlées par un homme de l’art », « à l’instar des membres de l’ordre des architectes ». Un sous-amendement déposé par Iñaki Echaniz substitue à ces deux notions, la notion de raisons « attestées », plus sécurisante selon le corapporteur, dans la mesure où elle « se réfère à une attestation écrite ».

Bastien Marchive a également complété la notion de raisons « administratives » pouvant empêcher la conduite de travaux, en précisant qu’elles visent, outre les refus administratifs (type ABF), les « décisions du syndicat des copropriétaires ». Un amendement qui « ne remet pas en cause […] l’obligation pour le bailleur d’effectuer tous les travaux énergétiques possibles dans les parties privatives. Ainsi, le propriétaire ne pourra se prévaloir d’un refus de la copropriété que s’il a réalisé l’ensemble des travaux qui pouvaient l’être dans son logement sans cet accord », précise l’amendement, suivi d’un amendement de même teneur du député Thibault Bazin (Droite républicaine, Meurthe-et-Moselle).

Nature du vote

Le corapporteur Bastien Marchive précise par ailleurs les caractéristiques du vote des travaux par la copropriété, qui peut permettre aux propriétaires de bénéficier d’un report de l’échéance de l’interdiction de location. Pour éviter des votes de principe de travaux qui ne seraient pas suivis d’effets, la copropriété devra avoir voté au moins un contrat de maîtrise d’œuvre (architecte) s’appuyant sur les conclusions d’un audit énergétique préalable (type DTG), prévoit désormais le texte.

Le député Stéphane Peu s’est, lui, inquiété de l’absence de limitation dans le temps des souplesses introduites dans la proposition de loi au regard du calendrier de la loi Climat et résilience. Il précise ainsi que la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires « devra fixer un délai raisonnable d’exécution des travaux ».

Devoirs et droits du locataire

Autre sujet à débat, les devoirs et les droits des locataires dans une logique d’équilibre avec les assouplissements dont vont bénéficier les copropriétaires. Au chapitre des devoirs, un amendement d’Iñaki Echaniz prévoit que le refus, par le locataire, de la conduite de travaux de rénovation énergétique constitue une violation de son obligation de permettre l’accès aux lieux loués pour permettre des travaux d’amélioration, d’entretien ou de performance énergétique. En renvoyant cette précision à une obligation inscrite à l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le corapporteur sécurise aussi la démarche de notification des travaux au locataire.

« Le propriétaire ne pourra se prévaloir du refus de son locataire que s’il a informé son locataire, par lettre recommandée, de la "nature" et des "modalités d’exécution" des travaux », rappelle-t-il. « En outre, le locataire pourra refuser les travaux s’ils "présentent un caractère abusif ou vexatoire" », ajoute-t-il encore.

Dans cette lignée, Bastien Marchive précise les modalités de réduction du loyer prévue dans la proposition de loi, à laquelle un locataire peut prétendre si son logement est en situation d’indécence énergétique et après recours en justice.

« La réduction de loyer sera plafonnée au coût de chauffage théorique supporté par le locataire », précise son amendement. Cette diminution du loyer « prendra effet au jour où le locataire a demandé des travaux au propriétaire, et non au jour où le juge ordonne les travaux », développe le corapporteur, afin d’éviter « la situation injuste où le locataire, qui doit déjà avancer les frais de justice, n’a aucune compensation pour le loyer excessif payé pendant plusieurs années de procédure ».

Cette baisse de loyer pourra même être « permanente » lorsque le logement est étiqueté « G + », et considéré comme indécent depuis le 1er janvier 2023. Cette baisse « reste proportionnée au préjudice subi par le locataire, mais ne s’arrête pas à la fin des travaux que le juge a ordonnés, quand ces travaux ne permettent pas de sortir du statut de G+ », assure le député. Pour l’estimation de la diminution, celle-ci sera calquée sur le « montant du surcoût énergétique infligé au locataire jusqu’à ce que le bailleur prouve, avec un DPE, que la consommation conventionnelle a diminué en dessous du seuil de 450 kWh / m²/an », précise encore l’amendement.

Suppression de l’article 2 sur les PPT

Cinq amendements - dont un de Bastien Marchive - suppriment l’article 2 de la proposition de loi, qui inscrivait dans les plans pluriannuels de travaux des obligations en matière de décence énergétique. « On avait une ambition qui était celle que les PPT soient plus engageants pour la copropriété, il apparaît que cette proposition de loi n’était pas le bon véhicule puisqu’elle traite essentiellement de la loi de 1989 et que la question de sa coordination avec la loi de 1965 [sur le statut de la copropriété] pose de réelles difficultés. »

Par ailleurs, sur proposition de Lionel Causse (EPR, Landes), un article additionnel demande au gouvernement de remettre, un an après la promulgation de la loi, un rapport au Parlement sur « l’opportunité de proposer une révision du calcul du diagnostic de performance énergétique pour y inclure la notion de confort d’été ». Ce rapport devra aussi permettre de « mieux appréhender l’impact de la conception des bâtiments sur leur capacité à maintenir un confort thermique en été, limitant ainsi le recours à la climatisation ».

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Construction et talents
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires