L’impression 3D de logements collectifs fait son chemin à Reims

Le bailleur Plurial Novilia, déjà pionnier pour des maisons individuelles, a lancé le chantier, inédit en France, de construction de 12 appartements au moyen d’un béton produit sur place et qui sort de la buse d’une imprimante.

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Portique d'impression béton 3D par Plurial Novilia à Bezannes (Marne)
Un portique robotisé permet à l’imprimante à béton de se déplacer pour confectionner les murs de l’immeuble de Plurial Novilia à Bezannes (Marne).

Le premier immeuble d’habitat collectif de France imprimé en 3D a été dévoilé, ce 4 avril, à Bezannes près de Reims (Marne). Le bailleur Plurial Novilia, du groupe Action Logement, a démarré courant mars la construction, par cette voie inédite, de 12 logements qui se répartiront en trois niveaux. Guidée par un portique robotisé de 11 mètres de haut et 12 m de large, support de la tête d’impression, l’imprimante du spécialiste allemand Peri injecte par ses buses le béton constitutif des murs porteurs de cette construction. Les structures se montent ainsi à la vitesse de 50 centimètres par heure.

Le chantier expérimental avance même un peu plus vite que prévu. Son maître d’ouvrage tablait sur une économie de temps de deux mois, « nous sommes en fait en train de gagner trois mois », évalue Jérôme Florentin, directeur de la maîtrise d’ouvrage de Plurial Novilia. Les 12 logements devraient être construits en un an maximum. Pour les murs 3D, la cadence se situe à un mois par niveau, de 3 m de haut chacun.

Un jumeau traditionnel de comparaison

Le temps de réalisation fait partie des critères qui sont mesurés par rapport à une construction classique, ceci en configuration réelle et non de laboratoire : l’une des originalités de l’initiative réside dans le fait que le bailleur érige de façon concomitante, et à côté de l’immeuble réalisé en 3D, un « jumeau » de même taille en construction traditionnelle. « Nous pourrons ainsi établir le comparatif en termes de productivité ou de performance d’émission carbone, par exemple, ainsi qu’en pénibilité liée au port de charges », complète Jérôme Florentin.

Surcoût de 30 %

Le projet représente un investissement total de 4,5 millions d’euros pour ses 800 m2 habitables. L’impression 3D béton de l’immeuble rémois (qui sera proposé en locatif libre intermédiaire) génère un surcoût évalué à 30 % par le bailleur. Il est supporté en partie par les aides du fonds d’innovation Alinov d’Action Logement et pourrait être réduit au fur et à mesure d’un début d’industrialisation. En vue de celle-ci, Action Logement se déclare partie prenante pour une « exportation », qui pourrait commencer par l’île dévastée de Mayotte, a indiqué à Bezannes Bruno Arcadipane, le président du groupe.

ViliaSprint², collectif de logement en béton imprimé par Plurial Novilia à Bezannes (Marne)
ViliaSprint², collectif de logement en béton imprimé par Plurial Novilia à Bezannes (Marne) ViliaSprint², collectif de logement en béton imprimé par Plurial Novilia à Bezannes (Marne)

Le chantier avance au rythme d’un étage de mur monté tous les mois. © Plurial Novilial

Concrètement, l’impression 3D résulte de la pose de deux couches de béton de 8 centimètres chacune, liées mécaniquement, et d’une couche extérieure supplémentaire de 8 cm, « comme une double peau », décrit Yann Champion, associé de l’agence Hobo, conceptrice du programme baptisé ViliaSprint2. L’architecte signale que cette expérimentation suit une première de Plurial Novilia il y a trois ans, sur des maisons individuelles à Reims, au nombre de cinq. Le vide de 20 cm créé entre les deux épaisseurs est comblé par un isolant biosourcé, la perlite, matériau d’origine volcanique « retenu pour sa fluidité et son insensibilité à l’eau », ajoute Yann Champion.

Atex en 2024

La liaison entre les couches de béton est assurée par des connecteurs en fibres de verre. Ceux-ci ont joué un rôle clé dans l’obtention du sésame déclencheur de ViliaSprint2 : l’Atex (appréciation technique expérimentale) du CSTB. Dans l’instruction du dossier, l’organisme « s’est montré en particulier attentif au comportement thermique de la façade par rapport à la structure », rapporte Julien Brunaux, directeur de l’agence de Reims de Socotec, qui a assuré le contrôle technique. L’ajout, par Schöck, d’une bague à son connecteur a fiabilisé le dispositif et la pose d’un joint en néoprène pour la gestion de la dilatation de la peau extérieure ont aidé à obtenir l’avis.

Un béton économe en CO2

En outre, c’est bien un béton et non un mortier qui est imprimé. Il a été développé par Holcim, qui a mis au point un modèle renforcé de macrofibres synthétiques pour le comportement structurel et de micro-fibres faisant gagner en résistance au feu. Il est formulé à partir de ciment bas carbone. Non pas du CEM III, mais une classification spécifique au fabricant, dans sa gamme EcoPlanet. « Nous gagnons en transport par recours à du granulat local, et en séchage avec un procédé sans préséchage », précise Hélène Lombois-Burger, directrice R&D granulats et bétons chez Holcim France, qui annonce ainsi une « réduction de CO2 de 30 % par rapport à un béton traditionnel ».

De quoi faire atteindre à ViliaSprint2 le palier 2025 de la RE 2020 à sa livraison, au premier trimestre 2026. L’entreprise générale Demathieu Bard aura alors fini de combiner le procédé atypique avec les prédalles et dalles compressées du plancher et avec l’ossature bois des balcons, plus conventionnelles. Les planchers se posent au fur et à mesure de la montée des murs en se « glissant » dans la progression de l’imprimante. Celle-ci « crache » le béton sur site, à la différence de la première expérience Plurial Novilia en individuel qui s’était déroulée en configuration de préfabrication et assemblage sur place. Le directeur de l’agence Champagne de Demathieu Bard Construction, Florent Haas, voit dans ce chantier d’habitat collectif « une gestion très pédagogique de co-activité qui nous aide à nous approprier l’outil imprimante, pour le jour où nous le déploierons tout seul, sans la présence de son concepteur ». Et lorsque, qui sait, il deviendra presque un standard ?

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