Interview

«L’innovation est transverse aux métiers de Demathieu Bard»

Entretien avec Jonathan Chemouil, directeur de l’innovation technique du groupe Demathieu Bard siégeant à Metz (Moselle).

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Jonathan Chemouil a pris la tête de la direction de l’innovation technique du groupe Demathieu Bard à sa création, fin 2020.

La direction de l’innovation technique est une création récente au sein du groupe Demathieu Bard.  Quelle place prend-elle dans l’organisation de celui-ci ?

La fonction a été créée fin 2020 de manière transverse, pour être commune aux deux grands métiers du groupe : la construction et l’immobilier. Elle repose d’abord, en toute logique, sur l’expertise accumulée pendant 160 ans en matière de procédés constructifs pour la réalisation d’ouvrages en béton. Le groupe possède une longue culture de la complexité technique. Le but consiste à la transposer aux enjeux de décarbonation traduits par la RE 2020 d’une part, à l’ensemble du groupe  d’autre part.

Nous pratiquons un sourcing permanent, interne et externe. L’an dernier, il a abouti à auditer pas moins de 350 solutions, dont une trentaine a été retenue pour leur pertinence pour nos activités. Nous transmettons cette « base » de données d’informations, de veilles, de solutions aux deux métiers, chacun apportant sa part d’innovation qui profite à l’autre. Pour l’immobilier, notre concept breveté « Evoluvie » ouvre de nouvelles perspectives en termes d'adaptation du logement aux aléas et changements pendant la vie, par sa facilité à le diviser en deux parties, pour un espace de télétravail, une chambre à part, etc.

Quels sont les axes prioritaires pour votre matériau de prédilection, le béton ?

Nous travaillons à la mise au point de solutions bas carbone en actionnant ici toutes les potentialités possibles. Le partenariat avec Hoffmann Green Cement Technologies en constitue un volet fort, mais pas exclusif. Avec d’autres sociétés, nous menons plusieurs projets, comme le développement de  ciments d’argiles crues ou des ciments d’argiles calcinées.

Nous croyons aussi beaucoup aux potentialités du béton de bois, résultant du mélange entre le ciment et des copeaux de bois recyclés, notamment pour les propriétés anti-feu et anti-bruit. Notre filiale de préfabrication Capremib a ainsi mis au point un mur acoustique en béton de bois, très bas carbone, en association avec le ciment d’Hoffmann.

Quid des autres matériaux ?

Le bois lui-même, c’est un autre métier, aussi nous nous appuyons sur des accords avec des spécialistes de la structure bois. Mais le bas carbone ne se résume pas à lui, nous sommes convaincus de la capacité de l’acier à offrir des solutions, ce matériau figure aussi dans nos axes de travail. Nous axons aussi notre politique d’innovation sur les produits biosourcés. Certains de façon immédiate, comme le béton de chanvre que nous appliquons à un collège à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) ou l’isolation en laine de chanvre sur une résidence étudiants de 350 chambres à Lyon (Rhône). D’autres au titre de leurs potentialités futures, comme le lin ou la toile de jute.

Le réemploi se fait sa place

Comment introduisez-vous l’économie circulaire et le réemploi dans les projets du groupe ?

Sur cette thématique, nous travaillons aussi dans une logique de partenariat. Nous avons signé en fin d’année dernière avec la société Cycle Up, de sorte à ce qu’elle accompagne Demathieu Bard Construction comme Demathieu Bard Immobilier dans le diagnostic des ressources disponibles sur le site d’un chantier ou à  proximité, puis à leur réemploi. Pour le second point, on peut citer notre adhésion au programme CircoLab dont nous avons obtenu le label dédié aux « opérations pilotes » avec la restructuration lourde tous corps d’état à Paris de l’immeuble de bureaux et commerces au 100, avenue des Champs-Elysées, livrée en février dernier.

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Le 100 avenue des Champs-Elysées à Paris, labellisé Circolab Le 100 avenue des Champs-Elysées à Paris, labellisé Circolab

La restructuration de cet immeuble de bureaux et commerces, avenue des Champs-Elysées à Paris, est labellisée CircoLab (économie circulaire)

Quels sont quelques-uns des autres chantiers emblématiques des axes d’innovation ?

La réalisation du Village des médias des JO à Paris en 2024 à Dugny (Seine-Saint-Denis) représente une superbe opportunité, d’abord de développer notre savoir-faire dans la mixité bois-béton. Nous y installons des dalles bois-béton confectionnées par la société A2C et dont la partie centrale est constituée d’une laine de bois conçue pour emprisonner le carbone pendant un siècle. Au début de cette année, nous y avons effectué les premiers tests d’application par temps très froid de voiles en béton très bas carbone sans clinker de Cemex à partir du ciment de laitiers de hauts-fourneaux de Hoffmann Green Cement Technologies. Cette expérimentation réussie permet d’envisager un déploiement à grande échelle.

Dans le génie civil, la réalisation – en groupement avec le suisse Implenia – du prolongement de la ligne B du métro de Lyon est un « phare » pour nous en termes de réemploi-économie circulaire. Nous y avons remplacé le béton de remplissage par une grave issue de 14 000 m3 de matériaux excavés par le tunnelier dans le sous-sol alluvionnaire. La séparation des graviers, sables et fines telle que mise au point a abouti à reconstituer une grave répondant aux exigences du chantier. L’économie de béton ainsi procurée s’est doublée d’une importante économie de transport (2 100 trajets de semi-remorques évités) grâce à la coordination optimale du chantier qui a permis d’effectuer les travaux de remplissage par cette grave pendant le creusement du tunnelier, et non postérieurement.

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Décoffrage du béton très bas carbone par Demathieu Bard sur le village des médias des JO 2024 Décoffrage du béton très bas carbone par Demathieu Bard sur le village des médias des JO 2024 (YVES CHANOIT/Béton bas carbone Village des m)

Test de coulage de béton très bas carbone

Etes-vous engagés dans l’impression 3D de béton ?

Nous croyons effectivement aux opportunités qu’elle représente, il nous semble qu’elles seront plutôt matures à une échéance un peu plus lointaine, celle de la fin de cette décennie. Mais si l’on veut les saisir à grande échelle, nous nous devons d’être présents et actifs d’ores et déjà, d’où notre engagement dans une expérimentation, celle des cinq maisons « Villaprint » du bailleur Plurial Novilia à Reims (Marne) reposant sur les techniques d’impressions 3D de la société X-Tree et un ciment Vicat. Cette réalisation (inaugurée le 2 juin prochain, Ndlr) se déploie à une dimension petite, il s’agit pour nous d’évaluer sa reproductibilité à échelle plus grande. Nous souhaitons renouveler de telles expériences pour continuer à avancer dans la connaissance et la maîtrise de telles technologies.

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