Géotec est habitué à réaliser des forages profonds mais le chantier qui a eu lieu entre 2022 et 2024 dans les Alpes italiennes sortait de l’ordinaire à plusieurs titres : par ses dimensions d’abord puisque l’entreprise, via sa filiale italienne CSI, a plongé à 578 m avec un angle de 10 degrés, puis à 909 m en vertical. « Ce deuxième sondage nous a permis de battre notre propre record qui était de 750 m », souligne Jean-Yves Lacombe, responsable du service exploration de Géotec. Par son objectif ensuite car il ne s’agissait pas d’un travail préparatoire à un ouvrage souterrain mais du cœur d’un projet de recherche international piloté par l’Université de Lausanne avec une dizaine de partenaires dont l’université de Grenoble.
Opportunité exceptionnelle
Le Dive Project étudie la base de la croûte terrestre continentale et sa transition vers le manteau pour mieux comprendre la formation des roches souterraines. Cette croûte continentale commence à environ 30 km sous terre, une profondeur inatteignable pour l’homme sauf dans la zone d’Ivrée-Verbano. Dans cette vallée située entre Turin et le lac Majeur, la collision entre les plaques tectoniques à l’origine de l’arc alpin a fait remonter cette couche profonde à moins de 1000 m de la surface, créant ainsi une fantastique opportunité pour les chercheurs.
Carottage au câble
Malgré cette situation exceptionnelle, atteindre la croûte continentale restait un vrai défi. Pour ce projet à 1,3 million d’euros, une machine de forage géothermique a été modifiée : adaptation de l’hydraulique, changement de la tête de rotation, mise au point d’un treuil spécifique. « Nous avons mis en œuvre la technique du carottage au câble qui permet au carottier d’opérer en continu au fond du puits ; tous les 3 m, une pince de repêchage descend à l’intérieur des tiges et remonte la carotte produite », explique Jean-Yves Lacombe.
Les chercheurs étaient présents en permanence sur la plateforme de forage pour examiner les carottes extraites du puits.
Un procédé de haute précision, d’autant qu’à cette profondeur, « le moindre pépin peut mettre en danger la poursuite des travaux », souligne le responsable de Géotec. L’aléa le plus redouté par l’équipe, une zone de faille entraînant une perte de la circulation du fluide de forage, ne s’est heureusement pas présenté.
Un troisième forage ?
L’opération a enthousiasmé non seulement les chercheurs, présents quotidiennement sur la plateforme, mais aussi l’équipe de Géotec, séduite par le défi et la nouveauté, et jusqu’aux riverains, dont la curiosité a été satisfaite par des visites guidées. Les 1500 m de carottages sont en cours d’étude à l’université de Berlin et Géotec pourrait bien revenir dans la vallée alpine pour un troisième forage encore plus profond.