Le caractère hors du commun du programme Viliaprint n’apparaît pas au premier regard. Et pour cause, l’entrée ne se fait pas par la partie fabriquée au moyen d’un robot selon la technique de l’impression 3D. Il faut contourner le bloc de bâtiments et se rendre du côté qui bénéficie de la meilleure exposition pour découvrir toute la singularité de la construction.
Les murs ressemblent à un mille-feuilles jouant avec les courbes et les angles. Le béton, ridé et laissé brut, a l’apparence d’une coupe géologique. C’est pourtant le résultat d’une technologie on ne peut plus contemporaine qui va peut-être révolutionner le monde de l’habitat.

Le béton, ridé et laissé brut, a l’apparence d’une coupe géologique. © Franck Kauff
Un nouveau béton
Le projet Viliaprint a démarré en 2018 à l’initiative de Plurial Novilia, un important bailleur social installé à Reims. L’idée de départ, résumée par Fabien Petit, le président de cette filiale d’Action Logement, était « d’imaginer un nouveau modèle constructif » afin d’accélérer la construction de logements sociaux en France. L’architecte Emmanuel Coste a accepté de relever le défi de cette innovation de rupture que constitue la fabrication additive. Il voit dans l’impression 3D, à la fois un terrain de jeu pour « exprimer toute (sa) créativité » et un « changement de paradigme » pour sa profession, placée devant l’obligation de collaborer plus étroitement avec le maître d’ouvrage et les industriels sur ce type de chantier. Les industriels étant ici XtreeE, pour l’impression numérique, et Vicat, pour « l’encre », autrement dit le béton employé. Ce dernier, dont la formule reste secrète, devait être en même temps « très fluide à la sortie de la tête d’impression » et à séchage rapide pour permettre la superposition des couches.
Une construction mixte
Le béton a été « coulé » dans l’usine d’XtreeE à Rungis, l’idée d’amener le robot sur place ayant été abandonnée notamment à cause de son poids qui aurait nécessité l’installation d’une dalle. Mais XtreeE a l’intention de multiplier les sites de production en France dans des entreprises de maçonnerie afin de limiter le transport et donc d’améliorer le bilan carbone de l’opération, qui se targue d’utiliser « deux fois moins de béton » qu’une construction classique. Une couche d’air subsiste à l’intérieur du matériau, formant un premier niveau d’isolation renforcé par de la laine de roche.
En parallèle, les modules en bois intégrant l’entrée, la cuisine, le cellier, les toilettes et la salle de bain ont été préfabriqués dans les ateliers de l’entreprise régionale Le Bâtiment associé à Muizon (Marne). Il n’a pas semblé opportun aux promoteurs du projet de réaliser une construction entièrement en impression 3D, ce qui aurait de toute façon été difficile en l’état actuel de l’art ou superflu s’agissant du plancher et de la toiture (en CLT, avec une étanchéité végétalisée signée par Soprema).

Les modules en bois s’intègrent notamment à l’entrée des maisons. © Plurial Novilia
Cette expérimentation mixant les techniques jette les bases d’un type de « construction hors site », où le chantier devient un « lieu d’assemblage ». Rôle assigné en l’espèce à l’entreprise générale Demathieu Bard, qui voit plusieurs intérêts à cette approche : un gain de temps de trois ou quatre mois par rapport aux délais habituels, la réduction des nuisances sur le chantier et le confort accru des compagnons, le recours au numérique étant susceptible par ailleurs de « motiver les nouvelles générations » et donc de susciter des vocations.
Un surcoût de 25 %
Le programme Viliaprint se compose de cinq maisons mitoyennes (un T3, trois T4 et un T5), pour un total de 467 m2 construits dans l’écoquartier Réma’Vert à Reims. Il s’agit de logements sociaux proposés à la location. Le coût de l’opération s’élève à 2 500 euros/m2, soit un montant total d’1,20 millions d’euros. Le surcoût est d’environ 25 % par rapport à une construction traditionnelle, sachant qu’il a fallu multiplier les prototypes et que l’industrialisation du procédé permettra de réduire significativement l’addition. Le projet a été primé à trois reprises par la Banque des Territoires, la région Grand Est et Action Logement.
Sur le plan technique, la construction est faite de murs en béton encadrés par un système de poteaux-poutres s’appuyant sur les fondations. Certains murs intérieurs laissent le béton apparent. En termes de performance thermique, le bâtiment répond à la norme RT 2012, la société Atlantic ayant installé des pompes à chaleur de dernière génération. Trois bureaux d’études ont été associés au projet : Sixense Necs, ETNR et Ingeba, ainsi que Socotec. La certification Atex a été délivrée par le CSTB en novembre 2020, ce qui a permis d’assurer le projet en janvier 2021.
Plurial Novilia envisage d’ores et déjà de bâtir un immeuble collectif sur trois niveaux par le biais de la fabrication additive. Bruno Arcadipane, président d’Action Logement, promet de « déployer cette technologie dans le groupe ». Les majors du BTP, les fabricants de coffrages et les cimentiers se disent tous intéressés.