Quels enseignements tirez-vous d’Habiter la France de demain ?
J’ai lancé cette démarche parce que nous sommes confrontés à des problèmes d’acceptabilité, puisque les nouvelles constructions sont de plus en plus contestées. Pour construire plus de logements et répondre aux besoins, il faut partir des fondamentaux, à savoir, les désirs des Français. Je ressors du programme « Habiter la France de Demain » avec deux impératifs à décliner dans nos politiques du logement, d’aménagement et d’urbanisme : revendiquer l’intensité, en matière de densité et de services, et s’appuyer plus qu’aujourd’hui sur la qualité, car elle permettra de reconquérir l’intensité. Il faut remettre le beau, l’esthétique, l’insertion dans le paysage, la cohérence avec le patrimoine au cœur des projets ; tout comme la qualité d’usage (la taille du logement, l’orientation…) et la qualité environnementale, qui a été beaucoup travaillé dernièrement avec la RE 2020.
Comment cette réflexion peut-elle se décliner ?
Nous avons formulé 10 orientations générales. Il s’agit là d’axes de travail. Tous n’ont pas le même niveau de maturité. Nous sommes parfois très avancés, avec des mesures à venir très rapidement ou même, déjà actées. D’autres enjeux feront l’objet d’un travail collectif à venir.
Quel est le premier de ces enjeux ?
Il faut gagner la bataille culturelle du logement, puisque l’habitat rêvé de la maison individuelle avec jardin n’est pas soutenable en tant que tel. Nous devons proposer une alternative, qui soit aussi agréable à vivre, mais qui trouve le bon équilibre entre la qualité intrinsèque du logement et l’accès à la nature et aux services. Paradoxalement, le confinement a fait redécouvrir le bonheur de vivre à la campagne mais aussi, la qualité intrinsèque des villes, quand il y a moins de bruit, moins de pollution, qu’il y a plus de place donnée à la nature… il faut donc faire en sorte que ces qualités soient présentes dans chaque programme d’aménagement et de logements.
Le deuxième enjeu portera donc sur la qualité, notamment la qualité d’usage. Nous adosserons les réductions d’impôt à certains critères du rapport Girometti-Leclercq. Le décret précisant les conditions permettant de conserver les taux de réduction d’impôt actuel à compter de 2023, sera mis en consultation publique dans les prochains jours. Enfin, nous soutiendrons la création d’une sorte de « score qualité » pour aider les candidats à l’accession à voir les différents aspects de qualité d’une habitation. Ce référentiel serait facultatif.
Mais comment intervenir sur l’existant ?
Nous avons identifié une vraie priorité avec l’aménagement des entrées de villes : ce sont des zones déjà artificialisées qui fonctionnent mal, où l’on peut réinventer la cité avec des services nouveaux et de la qualité. Et nous ferons aussi des propositions pour les quartiers pavillonnaires, afin de permettre un peu plus de densité, via la division parcellaire, pour que les habitants obtiennent, quand ils le souhaitent, plus de services, comme la création d’espaces de tiers-lieux par exemple, des commerces, des services de transports doux… Il s’agit là d’une intention. Nous y travaillerons avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la commission nationale éco quartiers. Nous recueillerons également les meilleures expériences en la matière afin de mettre en lumière celles qui peuvent être généralisées.
Nous devons également mieux anticiper l’adaptation des logements en général et au vieillissement en particulier. A ce sujet, le gouvernement réfléchit à créer « Ma Prime Adapt’ » sur le modèle de MaPrimeRenov’. Nous devons aussi faire évoluer les immeubles plus facilement, grâce à la création d’une nouvelle génération de permis de construire mixte. Et accélérer la transformation de bureaux en logements. Alors que 350 000 m² sont transformés chaque année, nous devons multiplier par quatre en dix ans les volumes réaménagés. Il s’agit là d’un véritable effort, puisque nous ne sommes pas encore sur cette trajectoire.
Puisque l’on parle de transformation de bureaux en logement, comment la politique gouvernementale peut-elle accompagner la montée en puissance du télétravail ?
Nous devons mieux adapter l’aménagement et les offres de services au télétravail, à la fois à l’intérieur des logements et dans des lieux de télétravail dédiés comme les tiers-lieux. L’objectif étant de développer l’alternative au travail dans l’entreprise qui vous emploie, notamment dans les zones rurales et les villes moyennes. Cela pourrait faire partie de la contractualisation entre l’Etat et les collectivités locales.
Allez-vous reprendre d’autres propositions de la commission Rebsamen ?
C’est ce que nous faisons en posant comme enjeu l’idée qu’il faut faire du logement, de l’aménagement et de l’urbanisme un véritable partenariat entre l’Etat et les élus.
Et comment rendre le logement plus abordable ?
Nous mobiliserons les outils sur le logement social. Je vous renvoie aux annonces du Premier ministre au Congrès HLM. Et nous conclurons un pacte avec les principaux opérateurs du logement intermédiaire, pour qu’ils s’engagent sur des volumes. Puisque nous avons supprimé les agréments et transformé l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties en crédit d’impôt, nous pouvons être plus ambitieux et se donner un objectif collectif, que nous fixerons dans une quinzaine de jours.
Nous avons également prévu de refondre l’avantage fiscal du dispositif "louer abordable" pour le rendre plus incitatif pour les propriétaires bailleurs. Il sera présenté au début du mois de Novembre. Je rappelle qu’il s’agit d’un dispositif visant à proposer des logements existants à des loyers inférieurs à ceux du marché à des familles sous condition de ressources.
Il faut également baisser les coûts de production et être plus innovant dans les process de construction, je pense au hors-site par exemple. Des enveloppes dans le PIA sont fléchées vers l’innovation urbaine et la construction bois. Et une autre le sera dans le cadre de France 2030, notamment pour la filière bois en amont. Je souhaite remobiliser les industriels, suite à la publication du rapport Michel-Rivaton, pour voir comment il est possible de rendre l’acte de construire encore plus innovant. Enfin, nous avons l’intention de retravailler la question de la maîtrise des prix du foncier.
Pour créer un choc de l’offre foncière, est-ce qu’il ne faudrait pas inverser la fiscalité, qui aujourd’hui incite à la rétention ?
Modifier l’assiette des droits de mutation ou leur taux est un exercice très compliqué. Le sujet n’est pas mûr et je ne suis pas sûre que la réponse soit intégralement fiscale. Il s’agit également d’un sujet local. Un travail collectif de remise à plat des enjeux de libération du foncier s’ouvre à nous.