Construction hors-site, rénovation : comment le gouvernement veut améliorer la qualité de vie

La ministre du Logement Emmanuelle Wargon a présenté, ce jeudi 14 octobre, les conclusions de sa démarche « Habiter la France de demain ». Parmi les dix chantiers à accélérer ou démarrer : le soutien des filières innovantes de la construction et la simplification des aides pour adapter les logements aux seniors.

Réservé aux abonnés
Le logement durable est notamment caractérisé par des coûts de construction et d’usage maîtrisés.
La maison individuelle fait rêver 75 % des Français.

Manque de logements, refus de la densité à proximité de chez soi, besoin d’une ville qui propose une large palette de services, aspiration de 75 % des Français pour une maison avec jardin privatif, zéro artificialisation nette (ZAN)… L’équation, sur le papier, semble difficile à trouver.

Mais Emmanuelle Wargon est convaincue que le logement, thème qui a pris de l’importance dans la population depuis le début de la pandémie, peut fédérer tous les acteurs. C’est en tout cas l’image que la ministre du Logement a voulu donné, ce jeudi 14 octobre à la Cité de l'architecture et du patrimoine de Paris, en rendant les conclusions de ses débats « Habiter la France de demain ».

« Intensité heureuse »

Problème, ce qu’il ressort de ces échanges, c’est que les promoteurs - représentés par Alexis Roux, délégué général de la Fédération française des promoteurs (FPI) - sont dans le viseur des autres acteurs. A commencer par les élus. « Le balcon d’au moins 1,40m², les baies vitrées, la taille des chambres, c’est une bataille permanente avec les promoteurs, témoigne Jean-Paul Jeandon, maire PS de Cergy (Val d’Oise). En tant que président de la Communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, j’ai la chance d’avoir cette capacité de négocier avec les 1 500 logements à construire par an sur mon territoire. C’est plus difficile pour un maire d’une petite commune. »

Et la ministre d’affirmer, tout en rondeur : « Je ne pointe pas du doigt une profession ou une autre, mais il faut se donner des objectifs de qualité pour retrouver de l’acceptabilité et donc baisser les prix car l’offre finira par être au rendez-vous de la demande. »

Désormais chantre de « l’intensité heureuse », en termes notamment de services proposés au plus près des logements, Emmanuelle Wargon rejoint ses invités sur un point qui les met tous d’accord : la baisse de qualité des logements neufs, caractérisée par une réduction des surfaces, un manque de rangement ou encore la quasi-disparition des caves, n’est pas à imputer uniquement aux promoteurs. La cherté du foncier y est pour beaucoup.

Ce problème central, mentionné en septième position parmi les dix défis à relever selon la ministre (lire l’encadré en bas de l'article), fera l’objet d’une « réflexion complémentaire dans le cadre d’assises du foncier en zone tendue, qui interrogent la fiscalité, le démembrement de propriété, la régulation des prix », a-t-elle expliqué, lors de son discours devant plus d’une centaine d’experts, professionnels et élus.

Soutenir la construction hors-site

Pour « gagner la bataille culturelle du logement », la ministre devra aussi travailler sur l’un des principaux nerfs de la guerre : les coûts de construction. S’il n’a pas été question de crise des matières premières, qui fait pourtant augmenter les prix de sortie, l’une des clés réside dans le développement de la construction hors-site. « Aux Pays-Bas, les coûts de construction sont moins chers car ils pré-fabriquent », illustre-t-elle.

Cet enjeu - le numéro 6 - vise plus globalement à « encourager les filières innovantes », comme la filière bois, récemment fragilisée par l'exode massif de chênes français vers la Chine. Ainsi 675 M€ du plan d’investissements d’avenir (PIA 4) seront déboursés à cet effet. « Au-delà de ces exemples, les professionnels peuvent innover sur les matériaux et le mode de construction grâce au numérique notamment, pour accélérer les chantiers donc réduire les coûts de main-d’œuvre », commente Emmanuelle Wargon. 

En matière d’espace à reconquérir, complète François Leclercq, architecte à l’origine du rapport dit Girometti-Leclercq formulant des propositions sur la qualité d’usage notamment, l’inspiration pourrait venir aussi de Belgique, où « la cuisine-séjour » doit faire « au moins 28 m² dans un T3 ». « On laisse aux occupants le choix de diviser ou pas cette pièce de vie », ajoute-t-il. Cette idée à dupliquer en France souligne « le besoin de modularité », insiste-t-il.

Parmi les idées fortes de son « référentiel qualité », remis le 5 septembre dernier : imposer une surface minimale du couple cuisine-séjour, comprise entre 23 m² pour un T1 et 31 m² pour un T5. Proposition qui a inspiré la ministre pour changer les règles du Pinel, à compter de 2023.

S’il veut bénéficier des taux actuels de réduction d’impôt de 12 %, 18 % et 21 % (en métropole) pour des engagements de location à loyers plafonnés de respectivement six, neuf et douze ans, l’investisseur devra en effet choisir un bien cochant cette nouvelle case : 28 m² de surface totale pour un T1, 45 m² pour un T2, 62 m² pour un T3, 79 m² pour un T4 et 96 m² pour un T5. Si ce principe n’est pas respecté, la réduction d’impôt sera abaissée en 2023 à 10,5 %, 15 % et 17,5 %, puis en 2024 à 9 %, 12 % et 14 %.

Deux autres critères du rapport Girometti-Leclercq - la présence systématique d’un espace extérieur et la double exposition à partir du T3 - seront utilisés tels quels pour tirer vers le haut la qualité des logements acquis par les investisseurs particuliers, dans le cadre de cet avantage fiscal revisité. Le décret doit être signé d’ici la fin d’année.

Dans un pays vieillissant, pas question d’oublier les aînés. L’enjeu 8 annonce la couleur : « adapter le logement d’âge : simplifier et unifier les aides », lit-on page 19 du livret remis aux invités, qui résume la vision gouvernementale. Actuellement, pour obtenir un soutien financier, il faut frapper à différentes portes : Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)… Concrètement, il s’agit de « mettre en route, début 2022, le dispositif MaPrimeAdapt », inspiré de MaPrimeRénov’ mais dédiée à la rénovation des logements occupés par des personnes âgées, promet Emmanuelle Wargon.

Appel au « rassemblement »

A retenir également : l’objectif, numéro 9, de « transformer quatre fois plus de bureaux en logements » d’ici 2032, ou encore le défi, numéro 3, de « dynamiser les quartiers pavillonnaires » à travers l’instauration d’un dispositif national dédié.

La montagne à gravir ne fait pas peur à la Fédération française du bâtiment (FFB). « Nos commissions, sur l’innovation par exemple, planchent sur l’intelligence artificielle, le Bim, la durabilité… qui vont nous permettre d’améliorer la qualité des logements », assure son président Olivier Salleron, avant d’interpeller la ministre : « Mais où allons-nous construire ? Sur le ZAN, donnez-nous la résolution de l’équation ! »

Cette montée en puissance passe notamment par « la mobilisation des friches disponibles », reconnaît Olivier Salleron, mais ne sera possible que si l’on forme « 300 à 400 000 salariés sur les 1,5 millions de nos effectifs actuels », soutient-il.

De son côté, l’architecte Brigitte Métra appelle à un « rassemblement » entre son corps de métier, les promoteurs et les élus autour d’un objectif commun, révélé par les crises des Gilets jaunes et sanitaire : « améliorer le bien-être du logement, du quartier, de la ville ». Autrement dit : « construire mieux le patrimoine de demain dans un capitalisme durable », pour reprendre une expression usitée au sein de la majorité présidentielle. En ordre de marche pour présenter toutes ces idées, à l’occasion de la campagne électorale. Au futur gouvernement, s’il les juge nécessaires, de les faire appliquer.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires