Ludovic Kraxner dirige Soeko, une entreprise spécialisée dans la rénovation énergétique en Bretagne. Jusqu’alors indépendant, il s’est laissé convaincre par le jeune réseau Sobox, né il y a deux ans, autour des produits de pergolas et de véranda de Sobox. L'entrepreneur a été séduit par la figure de Christian Teyre (cofondateur de Sobox), un homme qui a fait ses preuves dans le domaine de la menuiserie aluminium », mais aussi par la possibilité de se développer sur un nouveau marché. Et qu’importe si le réseau débute : « On a fait le pari, on y va à fond. Mais on sait aussi qu’il y a une campagne de communication nationale qui arrivera au début de l’année prochaine, et des temps forts commerciaux » Et c’est bien sur ces points que les nouveaux et anciens réseaux ne changeront jamais : un réseau est avant tout un pourvoyeur d’affaires, et une force de communication. Cependant, en ce qui concerne les techniques d’animation de ces réseaux, les stratégies divergent.
Le tips de Frédéric Sury,
Solabaie
L’animateur, qui se présente volontiers comme « atypique », pratique la méthode DISC avec ses adhérents. « C’est la méthode des couleurs. Je leur apprends à être flexibles, à s’adapter au client, à bien se présenter et à bien présenter le produit. » De la prise de contact par l’assistant à la pose, chaque salarié de l’entreprise participe à la définition typologique du client, en lui accordant une couleur selon son profil. Cela permet aux commerciaux, puis aux poseurs, de savoir composer avec les clients.
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J’anime, j’aide à vendre et je fais participer
Selon les structures, l’animation revêt des allures différentes. Chez Tryba, par exemple, le responsable de l’animation Daniel de Negri aborde la question sur le thème du commerce : « On définit des thématiques tous les six mois, ce qui nous permet de travailler sur le commerce de manière élargie lorsque nous passons voir nos concessionnaires toutes les deux semaines ou une fois par mois. » Ainsi, ce sont des animateurs réseau, orientés quasi exclusivement sur l’aspect commercial et digital , qui viennent visiter la concession de Jean-François Saulay, directeur d'agences Tryba dans le Var : « Ils accompagnent nos commerciaux, nos chefs de ventes. » Ce moyen d’animer le réseau semble faire ses preuves puisque Tryba est l’un des plus gros réseaux de concessionnaires de distribution de menuiseries, avec 184 concessionnaires pour 314 magasins.
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D’autres réseaux font de l’animation un secteur à part entière. Un équilibre qui n’est pas toujours simple à trouver, comme l’explique Baptiste Gay, DG d’Habitat Plus (Allier)et adhérent Solabaie : « À mon sens, l’animateur ne doit pas faire de la technique ou de la vente. L’animation est compliquée à placer entre le commercial de terrain, la direction commerciale et l’animateur. Mais aujourd’hui, mon animateur ne vient pas vendre les produits : il vient vendre la manière dont le réseau va mettre en œuvre les produits. » À écouter l’adhérent du fabricant de menuiseries, il serait plutôt difficile de trouver la bonne formule. Une problématique qui s’est aussi posée au réseau Terres de Fenêtre, et notamment à Ludovic Guillou, le directeur commercial : « Depuis mars 2020, nous avons totalement transformé le réseau. Cela passe par la redéfinition du rôle d’animateur : nous dissocions totalement les fonctions de nos 21 commerciaux et celles de nos 6 animateurs. » Les commerciaux s’occupent donc exclusivement de la présentation des produits du groupe Maugin, industriel de la menuiserie derrière le réseau. Quant à l’animateur, il « est d’abord une présence sur le terrain, qui visite les adhérents toutes les six semaines. L’animateur ne parle que de l’animation. » Cette évolution, qui peut paraître anodine, est pourtant capitale selon Ludovic Guillou : « Il y a une grande différence entre parler d’un produit et parler d’un service. »
Et lorsqu’on demande quel est le rôle de l’animateur à Alexis Pinçon, responsable animation du réseau de Caséo, c’est une autre fonction qui est mise en avant : « J’ai un leitmotiv : je propose et ils disposent. Le gros du travail est de faire connaître les outils mis à disposition par l’enseigne. On peut créer plein de choses, mais entre la masse d’outils et le niveau de connaissance des adhérents, il y a toujours de la perte au feu. » Et Guillaume Vandevelle, responsable du développement du réseau Caséo, d'ajouter : « L’animateur est un coordinateur, il est un relais entre les adhérents et les différents services du réseau. »
Les idées d’Éric Simon-Barboux,
L’Expert Fenêtre
Directeur du réseau depuis mai 2021, il a rapidement apporté ses pierres à l’édifice du petit réseau de 57 adhérents. « Je suis allé voir comment était animé le réseau Leclerc : c’est une journée par mois dédiée au réseau et une idée par an. Dans notre réseau, il faut que chacun apporte ses idées. C’est quatre idées retenues par an et peut-être qu’une seule verra le jour. » Côté formation, le dirigeant a mis en place une journée de rencontre entre entrepreneurs et 23 jeunes qui viennent de reprendre une entreprise.
J’accompagne par la formation et le service
« Introduire les nouveaux dans le réseau, accompagner les anciens sur des besoins spécifiques, comme la création d’un nouveau showroom. » Voilà la définition de l’animation selon Christine Thébault, « vétérante » connue de tous dans le réseau Storistes de France en charge du développement et de l’animation depuis 2006. Pour elle, l’animation consiste avant tout à accompagner et former. Son réseau s’appuie sur son industriel Franciaflex : « Nous faisons des formations gratuites à la carte sur les produits : on rassemble les entreprises intéressées, qui sont pris en charge par des responsables de Franciaflex. C’est une chance d’être adossé à un industriel. » Ainsi, l’industriel capitalise sur ses savoir-faire pour dispenser des formations qui permettent à ses adhérents de monter en compétence techniquement.
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La formation est un aspect central dans l’animation de tous les réseaux et semble être fortement valorisée par les adhérents, friands de développer leurs compétences et donc celles de leurs entreprises. Elles revêtent cependant de nombreux aspects en fonction des réseaux.
Chez Sobox, la formation est gratuite et obligatoire pour entrer dans le réseau, explique Nathalie Colliot Grosshans : « Nous avons une extension de garantie de 20 ans. Les nouveaux adhérents suivent donc une formation technique sur les produits, mais aussi commerciale. » Un moyen pour les entreprises nouvelles dans le secteur de la pergola climatique, comme celle de Ludovic Kraxner, de diversifier ses compétences. Daniel de Negri, responsable animation chez Tryba, parle de son côté de formations « pratico-pratiques », toujours axées sur le commerce : « Nous avons des formations dans nos usines sur les produits et les méthodes de vente, que nous relayons sur le terrain. Cela va de la conquête d’adresse digitale, jusqu’à l’accompagnement de la clientèle pour les commerciaux. »
Comme pour Storistes de France, de nombreux réseaux capitalisent sur leurs ressources humaines afin de proposer des formations plus variées, axées sur le savoir-être. Chez les Aluminiers Agréés Technal, trois formats sont avancés par Pierre Coirier : « On a commencé sur la partie ressources humaines, et en début d’année, nous avons proposé une formation sur les entretiens annuels et les entretiens d’embauche. L’avantage du réseau, c’est qu’on a fait intervenir notre directeur RH à distance : ça tombe tout prêt. » Technal a aussi identifié un besoin du côté des assistants, avec la gestion des commandes par téléphone, des conflits et la qualification des prospects. Cinq formations par tranche de deux heures en e-learning sont proposées. Enfin, le réseau fait appel à un partenaire extérieur pour des formations techniques, mais aussi en commerce et management. Un système similaire à celui de Caséo Campus, qui comporte deux branches : des formations sur-mesure réalisées par un prestataire, et une plateforme de e-learning, les deux étant payantes, mais remboursées par les OPCO. Et le réseau détermine en fin d’année les besoins des adhérents pour adapter les formations. Que les formations soient gratuites ou payantes, l’enjeu est à chaque fois de cibler avec précision les attentes des adhérents.
Le projet de Pierre Coirier,
réseau Aluminiers Agréés Technal
L’animateur réseau va dans le sens d’une montée en compétences des fabricants de menuiseries agréés. Pour cela, il réfléchit en ce moment à la création de réunions en petit comité, destinées seulement à la technique : « Le but est de s’effacer pour que les adhérents échangent entre eux sur les aspects techniques de leur travail. »
Je fais participer et je fais remonter
Un entrepreneur qui s’apprête à entrer dans un réseau peut légitimement se demander s’il conservera son indépendance. C’est justement un point à chaque fois soulevé par les réseaux : animer, ce n’est pas s’ingérer dans l’entreprise. Pour Lionel Durand, entré fraîchement chez Caséo en janvier 2022 avec son entreprise de rénovation à Saintes (17), « c’est plutôt le contraire : on reste plus indépendant en étant accolé à une grande entreprise. » D’ailleurs, le dirigeant indique qu’il a gardé l’identité de son entreprise, connue localement, tout en bénéficiant de la force de frappe de Caséo. Et c’est à cette « ambivalence » qu'Alexis Pinçon, le responsable animation du réseau, est attentif : « Il s’agit de laisser son indépendance à l’adhérent tout en l’intégrant au réseau. »
« Chez l’Expert Fenêtre, l’indépendance passe par la multiplication des fournisseurs », déclare Éric Simon-Barboux, le directeur du réseau : « Nous n’avons pas un industriel derrière, et nous voulons rester un réseau à taille humaine, c’est-à-dire pas plus de 100 adhérents. » Le directeur du réseau, actuellement composé de 57 adhérents pour 69 points de vente, assure que c’est un moyen de fidéliser les adhérents, mais aussi d’accueillir des entreprises plus petites, de diversifier les profils. Bien sûr, il faut composer avec certaines obligations, telles que communiquer sur Experts Fenêtre, en adoptant notamment la nouvelle charte graphique du réseau, acheter 75 % de ses produits chez les fournisseurs du réseau et participer aux événements.
C’est sur ce dernier point que les réseaux sont à bien des égards de curieuses organisations dans le monde économique des entreprises. Que ce soit des voyages à l’autre bout du monde ou des soirées festives, tous les réseaux mettent en place des événements pour rassembler leurs adhérents. Et si les voyages sont aussi un aimable moyen de passer du bon temps, ils sont aussi un moyen propice pour échanger et se rassembler. Pareil pour les réunions nationales et régionales, qui jouent un rôle important dans l’organisation des réseaux et font pleinement partie de leur animation. Un point fortement mis en avant et mis en pratique par le réseau Terres de Fenêtre. Comme pour l’ensemble des réseaux, Ludovic Guillou énumère les types de commissions : « Nous avons une commission marketing, un autre produit, encore une autre qualité, puis ressources humaines et gestion de la performance. Chacune fait intervenir des adhérents du réseau et est pilotée par un responsable du groupe Maugin. » Par exemple, la commission ressources humaines est pilotée par le directeur des ressources humaines du groupe Maugin. Là où le réseau semble se démarquer, c’est sur l’horizontalité de son fonctionnement : « Depuis quelques années, nous travaillons avec un conseil consultatif, composé de 12 adhérents élus et de la direction du groupe Maugin. Deux adhérents sont élus par leurs confrères dans chaque région géographique. » Cette commission décide de l’orientation du réseau et valide les travaux des différentes commissions. Un fonctionnement participatif qui suscite l’adhésion, si l'on se réfère aux propos de Grégory Maroso, dirigeant de l’entreprise Hauteur Largeur (44) et adhérent Terres de Fenêtre depuis avril 2020 : « On donne la parole aux adhérents, on les fait participer aux commissions. Les adhérents ont le pouvoir. L’animation, c’est nous laisser la parole et être acteur du réseau. »
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Cette participation des adhérents, couplée à une forte présence sur le terrain, présente un double intérêt pour les réseaux. Elle permet d’abord de percevoir « les signaux faibles dans les magasins et sur le terrain », comme le note Alexis Pinçon de Caséo. Mais aussi tout simplement d’animer le réseau et d’intégrer les adhérents. Et ces derniers sont d’ailleurs demandeurs, à l’image de Yannick Subrenat, adhérent chez Storistes de France : « Les réunions ne sont pas une perte de temps, elles permettent au contraire de faire avancer le réseau. Je pense même qu’il devrait y en avoir plus ! »
Les webinaires d’Alexis Pinçon,
Caséo
Si la numérisation ne remplace pas l’animation et ses animateurs, le responsable de l’animation ne cache pas l’utilité d’un certain dispositif pérennisé après le covid : « Nous faisons un webinaires tous les mois pour relayer des informations plutôt conjoncturelles, et des sujets sur la communication et thématiques vues dans le réseau. » Le dernier concernait par exemple la REP, et ce format est devenu un vrai rendez-vous depuis deux ans selon le responsable. Un moyen aussi de défricher des sujets avant les réunions physiques.
Je crée des synergies entre les adhérents
S’il y a bien un réel bénéfice dans l’animation du réseau, elle est à chercher du côté de la synergie qui s’opère entre les adhérents, indépendamment de la structure. C’est ici que l’art de l’animation délivre toute sa subtilité : animer, c’est à la fois accompagner ses adhérents, mais aussi les laisser faire, et créer des liens entre eux. L’un des raisons récurrentes qui pousse les entrepreneurs à entrer dans un réseau est la solitude du dirigeant. Benjamin Sciavartini, adhérent L’Expert Fenêtre, en fait un point crucial, comme d’autres adhérents de réseaux interrogés : « Les gens se sentent seuls. Dans le réseau, je peux à présent parler avec mes confrères d’Istres, de Marseille, d’Aix-en-Provence. Et lorsque je fais un mail au réseau, j’ai 30 réponses. Échanger avec les autres, c’est la force d’un réseau. »
Sur le modèle de la centralisation des mails pratiquée par L’Expert Fenêtre, les réseaux tentent de mettre en place les conditions propices à des synergies entre adhérents. Chez Caséo, sur les quatre réunions annuelles, l’enseigne tente systématiquement d’en organiser une dans le magasin d’un adhérent : « En délocalisant la réunion dans un magasin, on cultive l’échange entre collègues et le partage des bonnes pratiques », précise Alexis Pinçon, le responsable animation du réseau. Et il ajoute : « Nous avons une méthode d’animation plutôt informelle : si un adhérent a une question sur un sujet, on peut le mettre en relation avec un autre qui a poussé la réflexion sur ce thème. » Un animateur coordinateur donc, qui ne profite pas seulement du savoir-faire de l’enseigne, mais aussi de l’ensemble de ses adhérents. Cela permet aussi de créer une communauté, un aspect que remarque Yannick Lassue, Aluminier Agréé Technal : « On a l’impression d’être frères de travail dans le réseau : on échange sur nos difficultés, et ces échanges-là sont très constructifs. »
L’échange entre adhérents est donc un facteur puissant d’adhésion et de participation à un réseau, mais les synergies peuvent aussi avoir des répercussions économiques très concrètes. Ici encore, Yannick Lassue donne un exemple qui incarne parfaitement le leitmotiv « L’union fait la force » : « Nous voulions acheter une nouvelle machine, et en regroupant nos achats avec un autre aluminier, nous avons pu obtenir un prix plus intéressant. » Et l’aluminier continue : « Je connais très bien les aluminiers de la région (Hauts-de-France), on peut s’entre-aider, se donner du boulot si on en a trop, etc. » Ces synergies d’ordre économiques se retrouvent chez Tryba à travers des systèmes de passerelles, comme l’explique Jean-François Saulay, concessionnaire Tryba dans le Var: « Le technicien d’une usine Tryba a pris un poste de poseur chez nous. Sa famille déménageait, nous l’avons donc intégré. »
Bien sûr, la numérisation peut jouer son rôle dans ces synergies, et elle permet aux animateurs de redoubler d’inventivité. Ludovic Guillou, directeur commercial de Terres de Fenêtre, a mis en place avec ses équipes “L’été indien” : « Il s’agit d’une course où les ventes des adhérents sont représentées par des avions qui parcourent la planète et atterrissent sur différentes îles. À chaque fois, des cadeaux sont offerts. » Pour l’occasion, un site Internet dédié à la course numérique a été créé ainsi que des groupes Whatsapp, afin que les adhérents puissent échanger sur l’avancée de la course. *
Le road show de Ludovic Guillou,
Terres de Fenêtre
Le directeur commercial du groupe Maugin, qui s’occupe aussi du réseau, met en avant le premier road show organisé entre juin 2021 et février 2022. « Nous rencontrons souvent les dirigeants, mais passons peu de temps avec leurs équipes. Nous avons donc sillonné la France pour les rencontrer. » Il y participait en moyenne deux jours par semaine, en présence d’un animateur et d’un commercial.
Au bout de cette longue recherche de la bonne recette de l’animation, on retiendra que le numérique n’a pas une place prédominante, malgré ses avantages évidents. S’il y a bien une chose que les adhérents recherchent dans un réseau, c’est la proximité et la disponibilité des animateurs, des commerciaux et de l’ensemble des acteurs du réseau. Ainsi, Grégory Maroso, adhérent Terres de Fenêtre, l’assure : « Je peux appeler Bertrand Maugin (président directeur général du groupe Maugin) quand je veux. Tout le monde peut l’appeler. » Jean-François Saulay, du réseau Tryba, affirme de son côté que « n’importe quel concessionnaire peut appeler le directeur industriel, commercial ou des ressources humaines ». Ces anecdotes et attentes se retrouvent chez tous les adhérents interrogés, et sont fortement valorisées. Cependant, Baptiste Gay, adhérent Solabaie, rappelle un point important : « L’animation, c’est le paquet cadeau. Mais il ne faut pas oublier que nous attendons avant tout que les produits soient de qualité et performants. Nous sommes des clients. » Animer un réseau présente de nombreux avantages, qu’ils soient économiques ou sociaux, mais les adhérents sont d'abord des clients. C’est sur ce point précis que les enseignes cherchent le bon équilibre.
Les livrables de Grégory Maroso,
adhérent Terres de Fenêtre
Le dirigeant de l’entreprise Hauteur Largeur (44) se sert, lorsqu’il est face à une problématique, des livrables disponibles sur l’intranet. Chaque commission qui aborde une thématique restitue un compte-rendu qui s’ajoute à la bibliothèque d’informations interne du réseau. « Si j’ai des interrogations sur la fidélisation des clients, par exemple, je peux aller chercher le livrable correspondant, et voir les bonnes et mauvaises pratiques sur la question. »