« La commande publique représente environ 13% du PIB, c’est beaucoup d’argent », pose Anne-Claire Howard, directrice des achats au bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets, en introduction de la conférence consacrée au rôle des marchés publics dans la décarbonation de la construction, dans le cadre du Forum mondial Bâtiments et climat organisé à Paris les 7 et 8 mars.
Ce grand pouvoir financier s’accompagne d’un pouvoir d’influence, explique Toby Morgan, directeur chargé de la construction au sein de l’ONG Climate Group : « Les personnes publiques peuvent donner l’exemple, en construisant leurs bâtiments de manière vertueuse ».
Les marchés publics se parent de vert
Les gouvernements jouent ainsi le rôle de guide et peuvent orienter l’investissement vers les projets les plus durables. Comme en France « où l’Etat n’investira plus dans des projets immobiliers qui ne tiennent pas compte de l’adaptation au changement climatique », souligne Sarah Kowal, experte de haut-niveau à la Direction de l’immobilier de l’Etat (DIE), se faisant l’écho des récentes déclarations du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire.
Les Etats sont de plus en plus nombreux à s’emparer de l’outil « marchés publics » pour atteindre leurs objectifs environnementaux. « Ces trois dernières années, deux tiers des pays membres de l’OCDE ont modifié leur réglementation relative à la commande publique dans cette optique », constate Paulo Magina, directeur de l’unité commande publique de l’organisation internationale.
Soutenir l’innovation et...
Ces réformes ont des conséquences sur les entreprises qui répondent aux appels d’offres. Elles doivent s’adapter aux nouvelles exigences des pouvoirs publics. Selon Lena Hök, vice-présidente de Skanska, entreprise suédoise de construction dont les marchés publics représentent près de la moitié de son chiffre d’affaires, c’est un vecteur d’innovation. La dirigeante explique que pour remporter un important marché de la municipalité de Stockholm, Skanska s’est engagée à utiliser sur le chantier une excavatrice entièrement électrique. Une première expérience réussie, qui a conduit la firme à investir massivement dans ce nouveau matériel, qui sera désormais déployé plus largement. Il sera notamment utilisé pour les travaux d’extension du métro à Los Angeles.
...les matériaux biosourcés
Pour Mervyn Jones, consultant « économie circulaire » pour l’agence publique des infrastructures et de l’eau des Pays-Bas, la réussite de ces initiatives est conditionnée par la mise en œuvre d’un sourcing en amont de la procédure de consultation. « Le marché public commence avant la phase d’appel d’offres. Trop souvent, la procédure est cadenassée à cause des cahiers des charges qui ne sont pas adaptés faute de sourcing ».
Sarah Kowal abonde : « En France, pour anticiper sur l’obligation à compter de 2030 de prévoir l’usage de matériaux biosourcés ou bas carbone dans au moins 25% des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique, nous avons déjà commencé le dialogue avec les fédérations professionnelles. » Une démarche saluée par Johanna Pirinen, vice-présidente du développement durable de la division Wood Product de l’industriel Stora Enso. « Il y a beaucoup de matériaux bas carbone disponibles, comme le bois. Les marchés publics peuvent contribuer à leur essor. »