«Réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 50 % d'ici 2030», Johanna Pirinen (Stora Enso)

Vice-présidente senior du développement durable de la division Wood Product de l'industriel Stora Enso, Johanna Pirinen livre au Moniteur.fr sa vision des enjeux pour l'industrie bois. 

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Johanna Pirinnen Stora Enso
Johanna Pirinen est vice-présidente sénior du développement durable de la division Wood Product de Stora Enso

Quelle surface de forêts exploitez-vous à travers le monde ?

Nous possédons des forêts dans plusieurs continents. La plus importante se trouve en Suède et représente 1,139 millions d’hectares. Nous avons aussi des joint-ventures en Finlande, Estonie et Roumanie où notre part représente 285 000 hectares de forêts. Nous exploitons une forêt de 61 000 hectares d’eucalyptus dans le sud de la Chine. Et dans l’hémisphère sud, nous gérons 49 000 ha de forêts au Brésil et possédons des parts dans une joint-venture en Uruguay, qui représente 92 000 ha.

En Suède, nous exploitons une forêt naturelle semi-gérée avec une grande variété d’essences, dont des arbres de très haute qualité comme des épicéas et des pins. Le climat, en particulier les hivers froids, joue un rôle important dans la densité et la résistance du bois.

D’où provient le bois que vous importez en France ?

Nous cherchons à exploiter le bois au plus près des sites qui en ont besoin. Donc pour l’Hexagone, le matériau est issu des forêts autrichiennes, tchèques, slovaques et allemandes. Les grumes transitent donc par des scieries proches de ces zones, puisque nous en possédons 14 au total, toutes en Europe. Tous les approvisionnements en grumes de nos scieries sont couverts par une chaine de contrôle et des systèmes de diligence raisonnable certifiés par tierce partie, telle que PEFC, afin de garantir que tout le bois provient de sources légales et durables. Et nous avons également mis en place notre propre gestion durable des forêts pour nous assurer que le gisement est protégé sur le long terme.

Cette traçabilité sera bientôt obligatoire puisqu’à la fin de l’année le Règlement Européen contre la déforestation entrera en vigueur. Le texte obligera toutes les entreprises qui travaillent avec du bois et autres produits de base couverts par le Règlement à disposer d’une traçabilité absolue sur la provenance de ces produits. Si le texte concerne d’abord les industriels du café et du cacao, ses impacts sont également perceptibles pour les groupes comme le nôtre car l’ensemble des informations sera accessible via une base de données européenne.

Quelle est l’empreinte carbone du groupe Stora Enso pour les activités liées au bois dans la construction ?

En 2023, Nos émissions de CO2 eq représentent 6,47 millions de tonnes, qui se divisent entre les trois scopes : 23 % pour le scope 1 (c’est-à-dire les émissions directes émises par l’entreprise), 1 % pour le scope 2 (soit les émissions induites par les consommations électriques, de chaleur, de vapeur ou de froid) et 76 % pour le scope 3 (soit toutes les émissions situées en amont et en aval de la chaîne de valeur).

L’objectif pour le groupe, qui réalise 9,4 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2023 est de réduire nos émissions de 50 % d’ici à 2030 par rapport à celles de 2019. Pour la division Wood Product, qui représente 15 % du chiffre d’affaires, nous avons déjà atteint les 50 % et nous visons une réduction de 70 % en 2030. Mais notre activité représente une petite part de l’intensité carbone du groupe.

Quels sont les moyens mis en œuvre pour réduire vos émissions de gaz à effet de serre ?

L’un des moyens les plus simples est de commencer par sécuriser nos contrats de fourniture d'énergie, pour de l'électricité provenant de sources renouvelables. L’étape suivante, plus délicate, consiste à optimiser le fonctionnement de nos scieries pour réduire la part de gaz naturel et de fioul domestique et augmenter celle de l’électricité pour faire fonctionner les équipements, tels que scies de tête, déligneuse et broyeurs.

En ce qui concerne la réduction des émissions du scope 2, nous cherchons à améliorer l'efficacité énergétique, que ce soit en remplaçant les systèmes d'éclairage par des Leds ou en modulant la puissance des machines.

Pour réduire les émissions du scope 3 nous cherchons à optimiser la logistique de nos matériaux et à recourir au rail à chaque fois que c’est possible. Pour augmenter la part du rail dans le transport, nous disposons de nos propres containers dont les dimensions sont adaptées au ferroviaire. Cela demande une organisation plus complexe au départ, mais cela permet de transporter davantage de matériau.

Enfin, même si elles ne représentent qu’1% de nos émissions, nous regardons la composition des colles et nous cherchons à en réduire les quantités. Cela implique de revoir la conception de nos produits afin d’utiliser moins de bois pour un même usage. Cela implique de travailler conjointement avec toutes les équipes (production, investissements, service clients…) dans une démarche holistique. Seul moyen d’obtenir un réel impact.

Comment envisagez-vous le réemploi du bois ?

Il s’agit d’un énorme défi qui couvre plusieurs aspects, depuis les activités d'une scierie à l'industrie de la construction à l'échelle européenne. Pour commencer, nos opérations de sciage ont été optimisées et les flux secondaires sont utilisés. À plus grande échelle, lorsque nous pensons aux déchets européens, les quantités impliquées sont énormes, avec 50 millions de tonnes de déchets de bois, dont la moitié est inutilisée chaque année. Ces possibilités de réutilisation sont l'objectif du programme Woodcircles, financé par l'Union européenne, dont nous sommes partenaires.

Les autres enjeux consistent à réutiliser du bois massif pour faire des éléments comme des escaliers, par exemple. Nous sommes en train d’explorer ces pistes pour l’instant. Je m’intéresse également sérieusement aux bâtiments qui sont conçus pour être démontés et remontés. Quelques exemples existent déjà comme le pavillon à ossature bois entièrement démontable créé pour les championnats de ski nordique à Planica en 2023, qui est réutilisé en maison familiale en Slovénie cette année.

Pour obliger tous les métiers de la construction à réduire l’empreinte carbone des ouvrages, la France a mis en place la RE 2020. Qu’en pensez-vous ?

Cela montre que la France a compris l’impact des bâtiments sur le climat et c’est très inspirant pour moi. J’espère que d’autres gouvernements vont suivre la voie de la France sur ce sujet. Prendre en compte le poids carbone des ouvrages n’est pas seulement bon pour la planète, c’est aussi positif pour la profession puisque cela implique de revoir nos habitudes en termes de conception. Cela pourrait faire la part belle à la préfabrication qui est aussi un gage de qualité. Cette réglementation ouvre la possibilité de dialogues constructifs entre les métiers, ce qui me semble très bénéfique.

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