Interview

« Des jumeaux numériques nous permettent de simuler chaque chantier et d’identifier les situations accidentogènes », Bernard Sala (Colas)

Le directeur général adjoint Développement Responsable et Innovation de la filiale du groupe Bouygues expose sa stratégie pour lutter contre les accidents de chantier.  

Réservé aux abonnés
BERNARD SALA- PRESIDENT DE ROUTE DE FRANCE
Bernard Sala, directeur général adjoint Développement Responsable et Innovation du groupe Colas.

Comment a évolué la prévention des accidents sur les trente dernières années chez Colas ?

Nous avons toujours eu conscience que le chantier est un lieu à risque. Dans le secteur des travaux publics, nous réalisons des infrastructures linéaires en extérieur, comme les routes, qui soumettent nos salariés à des risques liés à leur exploitation. Pour faire face à cela, nous respectons bien sûr l’ensemble des réglementations mises en place par les pays dans lesquels nous intervenons, mais nous allons plus loin en appliquant des plans de formation et de prévention au sein de toutes nos équipes. Alors que le taux de fréquence d’accidents du travail (TF) était aux alentours de 15 dans les années 90, il est descendu à 8,15 en 2012. Seulement, nous nous sommes alors confrontés à un plancher de verre. Or, alors que nous visons 0 accident sur nos chantiers, ce chiffre était beaucoup trop élevé.

Qu’avez-vous mis en place à ce moment pour dépasser ce plancher de verre ?

Ces 5 dernières années, nous sommes allés au-delà des processus habituels de prévention des risques, en mettant en place une vraie culture de la sécurité. Cela a commencé par un partenariat entre le fabricant de matériel Caterpillar et notre filiale aux Etats-Unis, qui a donné naissance au programme « Goal Zero » (Objectif zéro NDLR). Ce dernier nous a amené, en plus d’insuffler une culture de la prévention, de miser sur la prise de conscience de nos équipes des risques qui les entourent.

Nous sommes allés au-delà des processus habituels de prévention des risques, en mettant en place une vraie culture de la sécurité.

—  Bernard Sala (Colas)

Nous avons poursuivi cette mise en place depuis 2019 dans la majorité des entreprises du groupe avec le programme One Safety, calqué sur le modèle de « Goal Zero », qui met l’accent sur la vigilance partagée. Concrètement, il s’agit de faire en sorte que le chef de chantier porte un message en matière de sécurité audible et surtout, accepté par les opérateurs. Nous touchons ici au comportement, afin d’instiguer des règles de sécurité dont les salariés se sont pleinement emparés.

Et les résultats sont là : entre 2012 et 2023, nous avons divisé par deux le taux de fréquence des accidents, qui est passé de 8,15 à moins 4.

Comment cette culture de la prévention se matérialise sur le terrain ?

Tous les ans, nous organisons une semaine de mobilisation pour l’ensemble de nos 65 000 salariés appelée la « Safety Week » (semaine de la sécurité, NDLR). Il s’agissait en 2024 de la 11ème édition, qui avait pour thématique « Faire face à l’inattendu : s’arrêter, réfléchir et agir ! ». L’opération a été déployée au sein de 1 000 unités d’exploitation de travaux et de 3 000 sites de production et de recyclage de matériaux implantés dans plus de 50 pays.

Quant au programme One Safety, il a permis en 2023 à 1 618 collaborateurs français de suivre la formation « Voir et dire ». Il nous a aussi fait remonter plus d’un million de routines managériales, c’est-à-dire des accidents ou de presqu’accidents observés et répertoriés par les managers sur le terrain. Toutes ces données nous permettent de mieux identifier les risques et surtout, de rendre nos salariés maîtres de leur sécurité.

Quels sont les principaux risques sur lesquels vous devez encore travailler ?

La cause principale d’accident ou presque accident reste les interactions entre les opérateurs et les machines. Il peut s’agir de gros engins de chantiers, mais la miniaturisation des machines accentue le phénomène : elles font partie du quotidien des salariés, et ces derniers y font par conséquent moins attention. Puis, sur un chantier urbain par exemple, il est difficile d’éloigner l’opérateur de la machine. Sur ce point, nous travaillons sur des jumeaux numériques, qui permettent de simuler chaque chantier dans ses spécificités afin d’identifier les situations accidentogènes.

Seulement, je ne pense pas que la prévention puisse reposer seulement sur le numérique, car cela peut créer une fausse impression de sécurité chez nos salariés. Pour atteindre le zéro accident, nous devons continuer de consolider une culture de la prévention en communiquant, en formant et en reformant encore et toujours nos équipes.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !