Fin d’un parcours assez serein pour la proposition de loi "visant à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique", grâce au paiement différé. Comme l’avait anticipé le cabinet de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie le 9 mars pour mettre députés et sénateurs d’accord sur une version commune n’a pas "posé beaucoup de difficultés".
Pour mémoire, ce projet de loi vise à offrir un nouvel outil permettant d’accélérer et massifier les travaux de rénovation énergétique : le tiers financement des marchés publics globaux de performance énergétique (MGPE). Autrement dit, la possibilité de ne payer l’investissement que de façon différée, le paiement des loyers au tiers financeur se faisant au moment où les économies d’énergie commencent à se matérialiser, en phase d’exploitation. Et ce, à titre expérimental, pendant cinq ans. Le texte de compromis issu de la CMP "a été voté à l'unanimité" par ses membres, explique au "Moniteur" le député Renaissance de Gironde, Thomas Cazenave, auteur de la proposition de loi. "Nous avons repris pour l'essentiel les enrichissements proposés par le Sénat en première lecture, en y ajoutant conjointement quelques précisions".
Recours "plus favorable"
La version de l'Assemblée nationale votée en première lecture a toutefois prévalu sur un point important, concernant l'étude obligatoire préalable à la décision d'opter pour un MGPE avec tiers financement. Cette étude devra démontrer que "le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique" (art. 1er bis de la proposition de loi). Là où le Sénat avait souhaité assouplir la condition en exigeant un bilan "au moins aussi favorable ou plus favorable".
"Nous avons tenu à conserver un « bilan plus favorable », relate Thomas Cazenave. Il y a en effet une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel sur l'usage des mécanismes dérogatoires, donc nous ne voulions pas prendre le risque d'une censure."
Sur cette étude préalable, une amélioration du texte a par ailleurs été apportée conjointement par les députés et sénateurs réunis en CMP, comme l'explique M. Cazenave : "La proposition de loi mentionne désormais que l'objet de l'étude préalable est de « démontrer l’intérêt du recours à un tel contrat », et non plus de« comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet ». Il s'agit d'éviter qu'un maître d'ouvrage ait à instruire tous les types de contrats avant de se décider".
Précisions et enrichissements
Pour le reste, les enrichissements du Sénat ont été repris tels quels, ou moyennant des précisions rédactionnelles. Citons l'article 1er de la proposition de loi, qui mentionne que "lorsque le contrat conclu en application du présent article porte sur plusieurs bâtiments, les résultats des actions de performance énergétique sont suivis de manière séparée pour chaque bâtiment" (la version de l'Assemblée prévoyait que "les objectifs de performance énergétique à atteindre sont fixés de manière séparée pour chaque bâtiment").
Ce même article 1er affirme aussi, comme voulu par les sénateurs par souci de clarté et de sécurité, que les EPCI et syndicats d'énergie peuvent utiliser ce nouveau type de contrat.
Les modalités du suivi et de l'évaluation du dispositif par le gouvernement (art. 2) sont également calquées sur celles votées par le Palais du Luxembourg. Elles prévoient notamment un rapport à trois ans sur les contrats conclus, puis au terme de l'expérimentation. Avec une liste très détaillée d'items à examiner : nombre et destination des bâtiments publics ayant bénéficié de ces contrats, économies d'énergie réalisées, qualité et quantité de la sous‑traitance, accès par catégories d'entreprises, conséquences budgétaires, etc.
Nouveauté issue de la CMP, enfin, la précision faite à l'article 1er bis que "la durée du marché global de performance est déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues." Thomas Cazenave décrypte : "D'après les juristes des deux chambres, c'était implicite de par les renvois auxquels la proposition de loi procède, mais nous avons préféré inscrire cette précision en dur."
Faire face au mur d'investissement
Le texte issu de la CMP sera voté en séance publique au Sénat le 21 mars et à l'Assemblée nationale le lendemain. "Je n'imagine pas une saisine du Conseil constitutionnel, avance Thomas Cazenave, au vu de l'unanimité de la CMP", ce qui laisse augurer d'une promulgation possible en avril.
Le député se réjouit de l'aboutissement de sa proposition de loi : "Nous avons voulu créer les conditions pour accélérer la rénovation des bâtiments publics, déclencher une massification, en permettant aux collectivités mais aussi aux établissements publics par exemple de faire face au mur de l'investissement. Je sais que des universités regardent cet outil car elles ont des investissements massifs à faire, je vois aussi l'intérêt de nombreux maires pour leurs écoles...". C'est d'ailleurs pour permettre à de petites collectivités de se saisir aussi du dispositif que "tout élément de seuil financier de recours a été retiré du texte" au début de son processus parlementaire, et que les "solutions de mutualisation à travers des EPCI ou des syndicats d'énergie ont été sécurisées", souligne le député.
Le texte vise aussi à "faire émerger de nouvelles solutions de financement, qu'elles soient publiques ou privées", ajoute-t-il. Les tiers financeurs pourraient être "la Banque des territoires, bien sûr, mais on peut aussi imaginer la Banque postale se positionner, ainsi que des investisseurs privés, banques, fonds d'infrastructures..." Aux opérateurs de créer des offres et d'aller les faire connaître aux collectivités, invite-t-il.