[Edit du 16/02 : la proposition de loi, dans sa version décrite ci-dessous, a effectivement été adoptée en séance plénière au Sénat le 16 février].
Pour aider les collectivités territoriales et autres personnes publiques à faire face au « mur d’investissement » - 400 millions de m2 de patrimoine à rénover -, les pouvoirs publics entendent offrir un nouvel outil permettant d’accélérer et massifier les travaux de rénovation énergétique : le tiers-financement des marchés publics globaux de performance énergétique (MGPE). Autrement dit, la possibilité de ne payer l’investissement que de façon différée, le paiement des loyers au tiers-financeur se faisant au moment où les économies d’énergie commencent à se matérialiser, en phase d’exploitation. Et ce, à titre expérimental, pendant cinq ans.
La proposition de loi déposée en ce sens par le député Renaissance de Gironde, Thomas Cazenave, adoptée par l’Assemblée nationale le 19 janvier, le sera sans doute par le Sénat ce 16 février. Sa trajectoire semble toute tracée, d’après le cabinet du ministre de la Transition écologique : « Le texte a reçu un plutôt bon accueil au Sénat, et les petites différences entre les versions des deux chambres relèvent des détails techniques » - ce qui augure ensuite d’une CMP conclusive et d’une « promulgation du texte en avril ou mai ».
Au moins « aussi favorable »
Le texte ayant été examiné au Sénat selon la procédure de législation en commission, selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du gouvernement s’exerce en commission, il n’y a pas de suspense sur la rédaction qui sera adoptée en séance plénière.
Si la version du Sénat est en effet proche de celle de l’Assemblée, elle comporte toutefois un assouplissement notable. L’étude préalable que devra mener la personne publique ne devra plus établir que le recours au MGPE avec paiement différé est « plus favorable » que celui à d’autres modes de réalisation du projet, mais au moins « aussi favorable ».
Le cabinet de Christophe Béchu explique : « Cette étape de l’étude préalable, inspirée de ce qui est prévu en marché de partenariat, est très importante car il ne faudrait pas que des entreprises mal intentionnées proposent des contrats léonins à des collectivités. Mais sa version allégée se justifie car la personne publique demeure maître d’ouvrage [contrairement à ce qui se passe en PPP], et parce que s’agissant de MPGE, la performance énergétique est par nature garantie, ce qui donne une forme d’assurance sur la qualité des travaux ».
Recours à l'interco
Autre ajout à noter, l’obligation d’identifier, dans l’étude de soutenabilité budgétaire qui devra également être réalisée pour tout projet, les incidences budgétaires du recours à un marché global de performance pour chacune des parties prenantes, lorsque le marché est conclu pour le compte de plusieurs personnes morales. Ou encore, l’extension expresse du bénéfice de l’expérimentation à la prise charge en des travaux de performance énergétique par les EPCI et les syndicats d’énergie – et des études afférentes. « Même si l’outil s’adresse avant tout à des opérations importantes, nous portons une attention particulière à la possibilité pour les petites collectivités de mutualiser leurs efforts en utilisant le niveau de l’intercommunalité », explique le cabinet de Christophe Béchu. Le tiers-financement devrait notamment servir à se lancer dans des projets de rénovation d’écoles.
Une offre à développer
Mais encore faudra-t-il que les acteurs s’emparent de l’outil. « Les tiers-financeurs peuvent être des entités publiques, des sociétés publiques locales, des entreprises de rénovation, des énergéticiens… A eux de créer l’offre. » L’entourage du ministre ajoute que « la Banque des territoires sera un acteur privilégié en ce sens, Christophe Béchu en parlera dans les prochaines semaines ».
Pour s’assurer du bon fonctionnement du dispositif, la commission du Sénat a adopté une obligation de suivi par le gouvernement, en sus du rapport d’évaluation à trois ans déjà prévu. Le rapport de la commission invite en outre à ne pas y voir un outil miracle : « S’il […] peut constituer une solution de financement pour certains projets, il convient cependant d’être prudent quant à l’ampleur réelle des économies budgétaires qu’il permettrait. [Notamment], le tiers-financement demeure, au total, plus cher que l’emprunt bancaire classique auquel pourrait recourir une collectivité territoriale, puisque le tiers-financeur ne bénéficierait pas des mêmes conditions de crédit que l’État ou les collectivités territoriales et répercuterait, in fine, ce coût supplémentaire lors du remboursement de sa créance ». Ainsi, conclut-elle, « l’objectif premier du dispositif doit être appréhendé davantage pour sa finalité écologique que budgétaire ».
Sur ce plan, relatent les conseillers du ministre, « nous avons ouvert avec les associations d’élus un chantier pour définir ce que l’on entend par « budget vert » et établir une nomenclature afin, demain, peut-être, de traiter différemment la dette verte de la dette brune ». C’est-à-dire, « d’assumer la possibilité de s’endetter dès lors que la dette est bonne pour la transition écologique ».