Une décision pragmatique, qui pourrait toutefois avoir une portée limitée compte tenu de la publication prochaine de la loi de simplification de la vie économique. Dans un arrêt du 16 juillet 2025, le Conseil d’Etat a apporté deux précisions concernant l’intérêt à agir d’un concurrent contre un projet d’aménagement commercial.
En 2020, le maire d’une commune a délivré à une société un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (AEC) pour un projet comportant notamment la création d’une surface de vente de 1990 m2 et une surface commerciale de 2662 m2 sur une friche industrielle. Ce permis n’a pas été contesté. En 2022, le maire a délivré un permis modificatif valant à nouveau AEC. La partie urbanistique du projet est retouchée et la surface commerciale autorisée légèrement réduite. Cette surface sera en grande majorité utilisée pour accueillir un magasin déjà existant en périphérie du projet, soit un déplacement de quelques dizaines de mètres. C’est ce permis qui est contesté pour son volet commercial.
« Affecter l’activité de manière directe et certaine »
Les juges d’appel ont rejeté la requête pour défaut d’intérêt à agir. Ils estimaient que la société requérante ne précisait pas en quoi les modifications apportées étaient susceptibles d’affecter son activité – le déplacement d’un magasin existant n’ayant pour la cour « pas la même incidence sur les flux de clientèle que la création d’un nouvel équipement, en particulier lorsqu'il n’est que de quelques mètres seulement ». Elle n’établissait pas non plus que le supermarché autorisé « serait susceptible d’affecter son activité de façon suffisamment directe et certaine ».
Zone de chalandise
Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement pour erreur de droit. Se fondant sur les dispositions de l’article L. 752-17 I du Code de commerce et de l’article L. 600-1-4 du Code de l’urbanisme, il rappelle que « tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un […] recours contentieux contre le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. » Autrement dit, le seul fait d’être situé dans la zone de chalandise du projet litigieux suffit pour le contester. Nul besoin que l’AEC soit susceptible d’avoir un impact substantiel sur l’activité du concurrent.
Loi SVE
A noter que cette solution pourrait ne pas perdurer très longtemps. La future loi de simplification de la vie économique (SVE) modifie l’article L. 752-17 du Code de commerce en vue de durcir les conditions permettant à un concurrent situé dans la zone de chalandise d’attaquer un projet. Selon la dernière mouture du texte avant son examen en commission mixte paritaire probablement à la rentrée, il faudra démontrer que le projet affecte « de manière directe et significative » l’activité du concurrent (art. 25).
La Haute juridiction énonce ensuite que ce concurrent a également intérêt à agir « dans le cas où a été délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale modificatif, à la suite de modifications apportées par le pétitionnaire à son projet en matière et au regard de la réglementation d'aménagement commercial, [ce] quelle que soit la portée des modifications apportées » à ladite AEC.
CE, 16 juillet 2025, n° 475637, mentionné aux tables du recueil Lebon