Urbanisme commercial - Validité des AEC : un dispositif facilitateur mais insuffisamment simplificateur

En modifiant les délais, deux décrets font coexister cinq régimes et rendent peu lisibles les règles de caducité des autorisations d'exploiter.

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Deux textes récents (décret n° 2024-1248 du 30 décembre 2024 et décret n° 2025-461 du 26 mai 2025) sont venus modifier les règles de validité des autorisations d'exploitation commerciale portées par un permis de construire (PC/AEC). L'objectif affiché de simplification semble, une nouvelle fois, avoir été perdu de vue, au détriment de la lisibilité de la réglementation et de la sécurité juridique des opérateurs.

On sait qu'une fois acquise, l'AEC doit être mise en œuvre dans des délais particuliers, au risque sinon d'être frappée de caducité pour les surfaces et les « drives » non ouverts au public et à la clientèle. Les règles en la matière, qui distinguent selon que l'AEC a été accordée de façon isolée ou que le projet nécessite un permis de construire, sont posées à l'article R. 752-20 du Code de commerce (C. com.).

Des règles indépendantes pour le PC et l'AEC délivrés jusqu'au 31 décembre 2024

En l'état des textes en vigueur avant le 31 décembre 2024 (art. R. 752-20, al. 1er C. com. dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1728 du 15 décembre 2016), lorsque le PC tenait lieu d'AEC, le délai dans lequel les surfaces de vente devaient être ouvertes au public courait à compter de la date à laquelle l'autorisation d'urbanisme avait acquis son caractère définitif. Ce délai variait selon l'importance de la surface de vente du projet autorisé : - trois ans si elle était inférieure à 2 500 m², - cinq ans si elle était comprise entre 2 500 et 6 000 m², - sept ans si elle était supérieure à 6 000 m².

Aucune prorogation comparable à celle dont bénéficient les autorisations d'urbanisme n'était prévue. Bien que portées, dans ce cas, par une même décision formelle tenant lieu à la fois d'autorisation de construire et d'exploiter, les règles fixant la durée de validité et les conditions de caducité de chacune, différentes et régies par des textes distincts, pouvaient conduire à ce que l'une des deux autorisations soit frappée de caducité et l'autre pas, sans, d'ailleurs, que les conséquences de la péremption de l'une sur l'autre soient identifiées avec certitude.

Une réforme visant à la convergence des règles de validité et à l'allongement des délais

Ces règles viennent d'être modifiées à deux reprises. D'abord, radicalement, aux motifs de simplification et de « convergence », par le décret du 30 décembre 2024. Pour les PC/AEC délivrés à compter du 1er janvier 2025, l'AEC expirera un an après le dépôt en mairie de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux visée à l'article L. 462-1 du Code de l'urbanisme (C. urb. ), sans que la date d'ouverture effective des magasins au public puisse excéder de sept ans celle à laquelle le PC est devenu définitif.

Deuxième modification opérée : le décret du 26 mai 2025 accroît rétroactivement la durée de validité des autorisations encore valides au jour de sa publication (le 27 mai), accordées entre 2021 et 2024, cette fois afin « de répondre aux difficultés que connaissent les secteurs du logement et de la construction ».

Ainsi, la durée de validité de l'autorisation d'urbanisme et de l'AEC des PC/AEC délivrés entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022 est prorogée d'un an.

Pour les PC/AEC accordés entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024, le délai de validité de l'autorisation d'urbanisme est porté de trois à cinq ans et celui de l'AEC prolongé de deux ans. La faculté d'obtenir la prorogation du permis de construire dans les conditions du droit commun est alors écartée.

Une indéniable complexité

L'ensemble du dispositif appelle plusieurs observations.

Cohérence du point de départ du délai de validité de l'AEC.

Pour les PC/AEC délivrés à compter du 1er janvier 2025, le nouveau point de départ du délai de validité de l'autorisation d'exploiter fait disparaître le risque de péremption de celle-ci lorsque les travaux ont commencé tardivement. En revanche, la réponse à la question des effets de la caducité du permis sur l'AEC reste incertaine. La péremption du premier provoque-t-elle automatiquement celle de la seconde puisque celle-ci est censée être mise en œuvre une fois la construction achevée ?

Le principe d'indivisibilité du PC tenant lieu d'AEC, retenu par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 16 mai 2025, et conduisant à ce que l'annulation de l'AEC interdise la mise en œuvre du PC auquel elle est adossée, semble y inviter d'autant plus (CE, 16 mai 2025, n° 470005, concl. Jean-François de Montgolfier).

Allongement des délais. La règle posée par le décret du 30 décembre 2024 revient à permettre de proroger la durée de validité de l'AEC, quelle que soit la surface de vente du projet, jusqu'au terme d'un délai de sept ans à compter de la date à laquelle le PC est devenu définitif.

La prolongation des permis de construire délivrés entre mai 2022 et mai 2024 revient à les proroger de plein droit de deux ans au lieu de devoir en solliciter la prorogation, de sorte que la portée de la mesure est limitée. S'agissant de l'AEC, la prolongation de deux ans de sa validité porte sa durée à neuf ans à compter de la date à laquelle le PC est devenu définitif pour les projets de plus de 6 000 m² de surface de vente, ce qui interroge sur son utilité.

Pour les PC/AEC accordés entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022, les mesures du décret du 26 mai 2025 ne s'appliquant qu'aux autorisations valides à la date de sa publication, le bénéfice de la prolongation de la durée de validité de l'AEC suppose que le permis de construire auquel elle est attachée ait été prorogé une première fois. A défaut, le permis est devenu caduc (cf. art. R. 424-17 C. urb.).

Cinq régimes différents. Les deux décrets font désormais coexister cinq régimes différents quant à la durée de validité des AEC : - celui applicable aux autorisations isolées accordées pour les projets non soumis à PC, soit trois ans à compter de leur délivrance (art. R. 752-20, al. 4 C. com.) ; - celui du premier alinéa de l'article R. 752-20 dudit code, dans sa rédaction issue du décret du 15 décembre 2016 précité, pour les autorisations délivrées avant le 1er janvier 2021 et entre le 28 mai et le 31 décembre 2024 ; - celui introduit par le décret du 26 mai 2025 pour les PC/AEC accordés entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022 ; - celui introduit par le même décret pour les PC/AEC délivrés entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024 ; - enfin, celui procédant du décret du 30 décembre 2024, qui ne s'applique qu'aux AEC portées par un PC en tenant lieu délivré à compter du 1er janvier 2025.

Textes épars. Ni la lecture du Code de commerce, ni celle du Code de l'urbanisme ne permettent, aujourd'hui, d'identifier l'ensemble de ces règles. En effet, la version de l'article R. 752-20 du Code de commerce issue du décret du 15 décembre 2016 a purement et simplement été supprimée. Pourtant, compte tenu notamment de ce que le délai de validité des autorisations est suspendu par les recours contentieux, ces dispositions ont vocation à s'appliquer encore de longues années.

De même, le décret du 26 mai 2025, texte isolé, n'est mentionné dans aucun des deux codes.

Différences de traitement des AEC. Le régime de l'AEC connaît déjà d'importantes différences selon que les autorisations sont isolées ou attachées à un PC. Même s'il est légitime que les conditions et délais de réalisation de la construction soient pris en compte pour fixer la durée de validité des premières, les deux décrets récents accroissent encore ces différences. Ainsi, alors que les AEC isolées doivent être mises en œuvre dans un délai de trois ans à compter de leur délivrance, une autorisation accordée le 26 mai 2024 dans le cadre d'un PC/AEC, pour un projet de plus de 6 000 m² de surface de vente, demeurera valide jusqu'au 26 mai 2033, soit pendant neuf ans !

Ce qu'il faut retenir

  • Un décret du 30 décembre 2024 a modifié l'article R. 752-20 du Code de commerce relatif à la durée de validité des permis de construire (PC) valant autorisation d'exploitation commerciale (AEC).
  • Ainsi, à compter du 1er janvier 2025, l'AEC deviendra caduque un an après le dépôt en mairie de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux visés à l'article L. 462-1 du Code de l'urbanisme.
  • Un second décret du 26 mai 2025 accroît rétroactivement la durée de validité des AEC encore valides au jour de sa publication, accordées entre 2021 et 2024.
  • Ces deux décrets, sous couvert de simplification, font coexister cinq régimes différents et accroissent encore les différences entre les AEC selon qu'elles sont attachées ou non à un permis de construire.
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