[Mis à jour le 19 décembre 2024]
Le cyclone Chido a dévasté l’île de Mayotte samedi 14 décembre, laissant derrière lui de lourds dégâts humains et matériels. Si l’heure est encore aux opérations de secours, des premières solutions d’hébergements doivent déjà être proposées aux nombreux sinistrés. Les bâtiments et les infrastructures publics touchés devront également être très rapidement reconstruits.
Le Code de la commande publique (CCP), qui s’applique quasiment sans dérogation à Mayotte (art. 1400-1), prévoit plusieurs dispositifs pour accélérer la passation des marchés publics nécessaires à ces opérations. Leur recours doit être strictement justifié par les acheteurs.
Urgence impérieuse
A commencer par le mécanisme « d’urgence impérieuse », dont les modalités d’application sont précisées à l’article R. 2122-1 du CCP. Il permet de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables. Les acheteurs peuvent également contracter à prix provisoire (art. R. 2112-17). Trois conditions cumulatives sont requises pour la mise en œuvre de ce régime : l’urgence doit résulter de circonstances extérieures, imprévisibles et ne permettant pas de « respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées ». Ainsi, en 2010, dans une fiche publiée dans la foulée de la tempête Xynthia, la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy avait considéré que cet événement remplissait ces critères et pouvait être qualifié de situation d’urgence impérieuse.
A noter que le CCP précise que le recours à cette dérogation doit être limité aux « prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence ». Dans une nouvelle fiche publiée en 2019, la DAJ précise que l’urgence impérieuse peut par exemple justifier la passation de marchés publics de gré à gré pour la consolidation d’ouvrages menaçant de s’effondrer, pour les actions de secours aux personnes sinistrées ou encore pour le rétablissement du fonctionnement des réseaux. En revanche, il ne peut pas être mis en œuvre pour des marchés ayant pour objet la reconstruction de bâtiments publics effondrés, la réalisation de nouveaux ouvrages ou le relogement pérenne des sinistrés.
Urgence simple
Pour ces travaux plus structurants, les acheteurs peuvent envisager de se tourner vers l’urgence dite « simple ». Ces effets sont plus limités que l’urgence impérieuse mais permettent tout de même de gagner du temps en réduisant les délais de consultation. Sont visés les délais de réception des candidatures et des offres, et ceux d’envoi de renseignements complémentaires, dans le cadre d'appels d’offres ouverts (R. 2161-3) ou restreints (R. 2161-6 et 2161-8) ainsi que dans les procédures concurrentielles avec négociation des pouvoirs adjudicateurs (R. 2161-12 et 2161-15). Ce régime ne trouve pas à s’appliquer en dialogue compétitif. A signaler également que les délais d’information des candidats évincés et de standstill ne peuvent pas être abaissés.
Les acheteurs devront démontrer, et motiver dans l’avis de publicité, que les délais minimaux de droit commun ne peuvent pas être respectés en raison de l’urgence, à condition que cette dernière ne soit pas de leur fait. Dans sa fiche de 2019, la DAJ de Bercy indique à cet effet que la juridiction administrative a admis l'urgence « lorsque, des suites de la tempête Xynthia, il [était] nécessaire de réaliser, dans un délai inférieur à trois mois, les travaux permettant l’implantation d’un groupe industriel ».
Un texte ad hoc
Présent à Mayotte le jeudi 19 décembre, Emmanuel Macron a annoncé l'élaboration d'une loi spéciale pour faciliter la reconstruction de l'archipel. Ce texte pourrait comporter des mesures spécifiques et temporaires pour assouplir la passation des marchés publics. Elles pourraient s’inspirer de l’ordonnance du 26 juillet 2023 prise quelques semaines après les émeutes du début de l’été 2023.
Le texte prévoyait plusieurs dérogations au Code de la commande publique : l’absence de publicité pour les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements et bâtiments publics dégradés ou détruits pendant les violences urbains survenues entre le 27 juin et le 5 juin 2023 d’un montant inférieur à 1,5 M€, la possibilité de ne pas allotir ces mêmes marchés, ainsi que le recours facilité aux marchés globaux pour ces prestations. Les dispositions de l’ordonnance étaient applicables pendant neuf mois, soit jusqu’au 28 avril 2024.