« Pour un économiste, la remontée des taux constitue l’une des meilleures nouvelles depuis vingt ans », lance Christophe Morel, économiste en chef au sein de Groupama Asset management. Face à lui, un parterre constitué d’investisseurs et de promoteurs qui subissent la baisse continue de la demande de logements depuis plus d’un an, dans le cadre du colloque « Monde en crise : quels nouveaux modèles pour l’immobilier ? », organisé le 15 novembre à Paris, par l’Institut pour l’épargne immobilière et foncière (IEIF).
Son constat a dû en bousculer quelques-uns… Explication : si les taux d’intérêt augmentent, c’est que le poids de l’investissement est reparti à la hausse depuis la fin de la crise Covid. Une évolution plutôt saine de l’économie, selon Christophe Morel. Mais cela renchérit le coût de l’argent, car tous les secteurs sont en concurrence sur le financement : l’industrie a besoin de crédits, tout comme l’immobilier.
« Nous vendons encore des logements »
Comment cela se traduit-il dans la réalité ? La Banque centrale européenne (BCE) n’a pas relevé le mois dernier ses taux directeurs… Une première depuis juillet 2022. Indirectement, sa politique anti-inflationniste désolvabilise les ménages en quête d’un crédit immobilier et refroidit les investisseurs institutionnels comme les fonds de pension déçus par les rendements actuels.
Dans ce contexte, « nous vendons lentement, et moins cher qu’escompté, mais nous vendons encore des logements », témoigne Virginie Leroy, directrice générale de Vinci immobilier. Pour elle, l’enjeu, dans un contexte immobilier où les marges se réduisent et le succès commercial d’un programme relève de l’exploit, sera de « raccourcir les délais de montage et d’acquisition de fonciers ». « Il s’agit de faire entrer du foncier en le ciblant mieux, de façon plus massive et de créer des projets plus acceptables pour les collectivités et les riverains », poursuit-elle.
« Ne pas s’acharner sur certains actifs »
Pour une foncière commerciale comme Frey, l’époque est plutôt à l’investissement malgré les pertes, comme en témoigne l’acquisition en octobre dernier de Polygone Riviera, à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), pour 273 M€. « Si l’on accepte de perdre un peu d’argent sur des sites modestes, il est possible de réaliser de très importantes acquisitions pour lesquelles il n’y a plus d’acquéreurs et où l’acheteur fait le prix », explique son dirigeant Antoine Frey.
« Il y a des miracles qu’on ne pourra pas accomplir. Je demande à mes équipes de ne pas s’acharner sur certains actifs qui n’ont plus d’avenir, de les vendre, même en perdant de l’argent », tempère aussitôt Karim Habra, responsable du marché européen pour le fonds d’investissement canadien Ivanohé-Cambridge.
« La mobilisation de l’épargne privée peut nous aider »
Enfin, selon Stéphan de Faÿ, dirigeant de Grand Paris aménagement, l’heure n’est pas aux lamentations. Primo : « la période est plutôt idyllique pour un aménageur » public qui doit jouer son rôle contra-cyclique, témoigne-t-il. Les promoteurs avec lesquels il travaille en profitent…
Certains s’en sortent mieux que d’autres. « La promotion immobilière a vécu une période de facilité. Certains opérateurs se sont appuyés sur des tiers pour faire. Lorsque viennent les difficultés, ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont gardé une connexion au terrain et qui ont une taille moyenne qui leur permet de prendre des décisions de façon agile », observe-t-il.
« Nous entrons dans une nouvelle ère, une ère de recyclage et d’ajustement des valeurs, complète Joachim Azan, président de Novaxia. Il va y avoir des opportunités pour acquérir du tertiaire en périphérie, mais encore faut-il avoir des fonds pour le faire. La mobilisation de l’épargne privée peut nous aider. » Ambitieux.