Concession du Stade de France : « Notre souci était de faire en sorte que tous les candidats soient traités sur un pied d'égalité », Jean Bensaïd, directeur de Fin Infra

Attribuée à GL Events pour trente ans, la nouvelle concession du Stade de France débute ce 5 août. Aux manettes de la procédure de passation de ce contrat, Jean Bensaïd, directeur de la Mission d’appui au financement des infrastructures (Fin Infra) – rattachée à Bercy –, revient sur son déroulement et sur ses enjeux.

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Jean Bensaïd, directeur de Fin Infra.

Pourquoi l’État a-t-il lancé en mars 2023 deux procédures de consultation en simultané pour la gestion du Stade de France à l’issue de la concession actuelle - dont le consortium Vinci-Bouygues est titulaire depuis 1995 - qui a pris fin ce 4 août ?

Le Stade de France est un actif qui appartient à l’État. Dès 2018, il s’est posé la question de l’avenir du stade. Des études juridiques, économiques et financières ont été entreprises pour déterminer le bon modèle économique.

L’État a considéré que la concession demeurait adéquate, si elle ne sollicitait pas les finances publiques. L’autre option consistait à vendre le stade, sachant que le modèle français est assez original. Les autres grands stades européens sont généralement propriétés des fédérations sportives ou des clubs, mais pas de l’État.

Quel rôle a joué Fin Infra ?

Le cabinet du Premier ministre a pris la décision de nous confier la conduite opérationnelle des deux procédures, sous la supervision d’un comité de pilotage présidé par le Délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques. Fin Infra est le seul service de l’État qui a une expérience éprouvée des contrats de concession dans plusieurs secteurs (autoroutes, aéroports, ferroviaire, équipements sportifs…).

En quoi consistait exactement la vente du Stade de France ?

Il ne s’agissait pas d’une vente sèche mais d’une cession avec charges qui implique que l’acheteur se soumette à certaines conditions pendant une longue durée, notamment l’accueil d’un certain nombre d’événements, dont les matchs des fédérations sportives de football et de rugby, et la réalisation de certains travaux. 

Cette procédure a vite pris fin. Pourquoi ?

L’option de la cession a été abandonnée début 2024 car nous n’avons reçu qu’une seule offre, qui a été jugée irrégulière au regard de l’évaluation des capacités du candidat.

Quelles étaient les attentes de l’État en cas de renouvellement de la concession ?

Quatre objectifs étaient poursuivis. Ils figuraient clairement dans l’avis d’appel à candidature : renforcer l’attractivité du stade, augmenter son activité (nombre d’événements), en faire un acteur de la transition écologique et qu’il contribue davantage à l’attractivité du territoire.

Il était par ailleurs absolument indispensable que le modèle économique de la nouvelle concession soit auto portant, sans intervention financière de l'Etat concédant. Le principe de la concession est que l'équilibre économique du contrat soit assuré par les paiements des usagers de l'équipement considéré, sans participation des finances publiques. Malheureusement, cela n'a pas été le cas jusqu'ici s'agissant du Stade de France. L'Etat a subventionné sa construction à hauteur de 50 % (200 M€) et aussi son exploitation (200 M€). La première concession a été déficitaire pendant plusieurs années et l'Etat a dû compenser le déficit d'exploitation.

Comment rééquilibrer le modèle économique du Stade de France ?

Il faut qu’il accueille davantage d’événements, et qu’il maîtrise ses coûts de fonctionnement. En l’absence de club résident, l’équilibre économique du stade repose principalement sur l’organisation d’événements culturels et sur les matchs des fédérations sportives. Il n’y avait toutefois pas assez d’événements accueillis dans le cadre de la première concession, seulement une vingtaine par an (matchs compris) en moyenne.

Il y avait-il des exigences particulières en matière de travaux ?

Dans le cahier des charges, l’État a souhaité que le concessionnaire réalise des travaux de rénovation et d’adaptation : amélioration de l’accessibilité, rénovation énergétique, adaptation des équipements de sécurité et extension de la couverture Wi-Fi.

Le Stade de France est assez « jeune » par rapport à de nombreux autres grands stades en Europe, qui ont été construits il y a plus de cinquante ans. Sa conception est déjà moderne, il n’est donc pas nécessaire de prévoir une rénovation de grande ampleur, contrairement à ce que l’on a pu observer au Stade de Wembley à Londres, au Stade Santiago-Bernabeu à Madrid ou encore au Camp Nou à Barcelone, où des investissements colossaux de modernisation ont été réalisés. En outre, le Stade de France avait déjà bénéficié d’investissements dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques, pour un montant d’environ 50 millions d’euros.

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Le Stade de France Le Stade de France (Florent BOSSAN/Florent - stock.adobe.com)

Comment s’est déroulée la procédure d’attribution de la concession ?

Les candidats ont remis leur première offre en janvier 2024. Nous avons ensuite négocié avec l’ensemble des soumissionnaires. Nous leur avons demandé une seconde offre en octobre 2024, sur la base desquelles nous avons décidé, en décembre 2024, d’entrer en négociations exclusives avec GL Events, dont l’offre était la mieux classée au regard des critères d’évaluation que nous avions fixés.

Il faut préciser que la négociation exclusive ne signifiait pas l’abandon de l’autre offre [celle du consortium Vinci-Bouygues, NDLR], mais uniquement que nous allions discuter de façon préférentielle avec le candidat le mieux classé. À l’issue de cette négociation, nous avons désigné GL Events comme attributaire pressenti le 7 mai 2025. S’est alors ouverte une phase de mise au point du contrat, avant sa signature le 16 juin dernier.

Il s’est donc passé plus de deux ans entre la publication de l’avis d’appel à candidatures et la fin des négociations. Nous avons passé beaucoup de temps à discuter avec les candidats mais aussi avec tous les acteurs concernés par l’avenir du Stade de France, comme les collectivités territoriales – la Ville de Saint-Denis, l’établissement public territorial Plaine-Commune et la Métropole du Grand Paris –, les fédérations de football et de rugby, la préfecture de police – pour les questions de sécurité – et la préfecture de région pour les questions de transports.

La procédure a aussi été perturbée par plusieurs contentieux…

En effet, le candidat évincé [Vinci-Bouygues, NDLR] a engagé trois contentieux devant le juge administratif. Il était notamment reproché à l’État de ne pas avoir respecté l’égalité de traitement entre les candidats. Au total près de 32 moyens ont été soulevés, ce qui est considérable et tout à fait inhabituel... Nous avons démontré à trois reprises au juge administratif que la procédure était tout à fait régulière et conforme.

Hormis ces contentieux, avez-vous rencontré d’autres difficultés ?

Notre souci était de faire en sorte que tous les candidats soient traités sur un pied d’égalité. Nous avons mis en œuvre tous les moyens possibles pour réduire au maximum l’asymétrie d’information entre le concessionnaire sortant, qui avait une expérience de trente ans dans la gestion du Stade de France, et les autres soumissionnaires. Par exemple, en début de procédure, nous avons dû passer un marché de numérisation pour pouvoir mettre à la disposition de tous les plans du stade,  information basique qui n’existait que sous format papier. Concrètement nous nous sommes rendus au stade pour scanner une centaine de documents et les mettre à la disposition des candidats dans une data room.

Quels sont les principaux atouts de l’offre retenue ?

Le projet de GL Events est équilibré, rationnel et s’inscrit en cohérence avec les objectifs poursuivis par l’État. Il prévoit des investissements appropriés pour moderniser le stade et une montée en charge réaliste du nombre d’événements. L’organisation d’événements est d’ailleurs dans l’ADN de GL Events, qui dispose aussi d’une expérience dans la conception et la modernisation d’équipements culturels et sportifs.

Sur le plan financier, il n’est pas prévu de participation de l’État. En outre, les conditions proposées aux fédérations sportives pour jouer au stade sont meilleures qu’auparavant. GL Events a d’ailleurs déjà noué un accord avec la Fédération française de rugby par lequel cette dernière s’engage à jouer au moins quatre matchs par an au Stade de France. Un accord a aussi été passé avec la Ligue nationale de rugby. Il reste désormais à finaliser l’accord avec la Fédération française de football.

Quel bilan tirez-vous de cette procédure ?

La procédure atteste que le modèle concessif est pertinent lorsqu’il repose sur des sous-jacents économiques solides. De plus, la concession permet de conserver la propriété de l’ouvrage par la personne publique tout en bénéficiant d’une gestion privée rigoureuse, accompagnée d’investissements de modernisation. Cette procédure démontre également que les places ne sont pas acquises et peuvent être remises en cause, pourvu que des offres innovantes et financièrement solides soient proposées.

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