Je respecte l’environnement et préserve la qualité de vie des occupants. Je suis ? Indice : mes coûts de construction et d’usage sont maîtrisés. Dernier indice : je suis perçu comme « essentiel » par 75 % des 4 545 personnes interrogées, dans le cadre du 5e baromètre Qualitel, en partenariat avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah), et dévoilé ce mardi 5 octobre. Vous séchez ? Je suis le logement durable !
Comme lors de la précédente enquête, d’octobre 2020, les répondants pointent du doigt la qualité des logements, qui ne répondraient pas à leurs exigences, notamment environnementales. Si un tiers d’entre eux estiment qu’ils vivent actuellement dans un appartement ou une maison durable, une large majorité (59 %) seraient prêts à réaliser des travaux de rénovation pour vivre dans un tel logement. De quoi augurer de belles perspectives aux TPE-PME du secteur, déjà boostées par MaPrimeRénov’. A condition de trouver la main d’œuvre…
Les jeunes prêts à « payer un peu plus cher »
Sans surprise, les jeunes se disent plus verts que leurs aînés. Ainsi la moitié des 18-34 ans seraient prêts à « payer un peu plus cher pour un logement plus durable » (contre 31 % des plus de 60 ans), lit-on dans l’enquête.
Cette soif d’écologie et ce désir de verdir la planète, son pays, sa commune, jusqu’à son espace de vie le plus intime, ont aussi leurs limites. Jeunes et moins jeunes reconnaissent que le respect de l’environnement ne constitue pas encore un critère d’achat ou de location décisif. Seulement 4 % des sondés considèrent ce motif comme clé, tandis que la localisation (64 %), le prix (54 %) et la surface (42 %) demeurent les principaux critères des potentiels acquéreurs et locataires.
Autre constat : pour la majorité des répondants, logement durable rime avec économie d’énergies (55 %). Et pouvoir d’achat : 82 % des occupants de ce type d’habitation se déclarent en effet satisfaits du coût du logement hors loyer/emprunt, contre 54 % dans le non-durale. Enfin, seulement 17 % d’entre eux jugent la proximité des transports en commun, commerces et écoles comme un critère indispensable.
La standardisation freine le verdissement des logements
« Ce baromètre apporte des réponses très concrètes à ce que souhaitent les Français », souligne la ministre du Logement Emmanuelle Wargon, persuadée qu’il sera « très utilisé » par les professionnels. « Certes il faut plus de sobriété foncière, plus de densité mais nous devons aussi comprendre les attentes des Français », qui penchent plus pour « les pavillons et l’extension urbaine », observe-t-elle, en ouverture d’un débat sur le sujet, avec plusieurs personnalités et experts.
Quid des inégalités ? Parmi les répondants vivant dans un logement durable, les propriétaires de maisons, touchant plus de 3 000€ par mois, sont quasiment deux fois plus nombreux que les locataires d’appartements gagnant moins de 3 000€.
La pression foncière de ces vingt dernières années, responsable de la standardisation, y est pour beaucoup. « Construire moins cher et plus petit, c’est aussi créer des logements mono-orientés sud, non ventilables en fin de journée chaude, qui vont devoir recevoir des climatiseurs », alerte François Leclercq, architecte urbaniste. « C’est de l’obsolescence pure. Les normes se sont concentrées sur le confort d’hiver, pas le confort d’été », regrette-t-il.
La réduction des inégalités, entre un HLM des années 60, spacieux mais énergivore, et un logement neuf estampillé RE2020, passe par une sortie « du tout-isolation », insiste Anne Lacaton, Prix Pritzker 2021. « Il faut faire plaisir aux habitants en ajoutant, par exemple, un balcon, pour créer de la mobilité, du mouvement », illustre son collègue Jean Vassal. L’occupant sera alors « en relation avec le climat, le soleil, qui amène plus de calories que n’importe quel radiateur ». Et le chantre de la « générosité spatiale » de rappeler que « le courant d’air » et « le rayon de soleil » sont gratuits, contrairement aux « 20 cm d’isolant ».
« Transformer l’existant pour le rendre plus vertueux »
Thierry Repentin, président de l’Anah, appelle de son côté à « transformer l’existant pour le rendre plus vertueux ». Sur ce point, Jean Vassal se dit sur la même longueur d’onde : « Démolir, c’est perdre des qualités d’un bâtiment à rénover. Ajoutons des jardins d’hiver, des terrasses pour améliorer sa qualité d’usage. » Option, par ailleurs, moins coûteuse que la table rase, pratiquée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) qui « dépense environ 20 Mds € pour démolir 200 000 logements et en reconstruire 180 000 alors qu'il en manque », avait déclaré l’architecte au Moniteur en avril dernier.
En termes de manne financière, l’Etat semble répondre présent. En témoigne la loi Climat et Résilience qui vise, entre autres, à favoriser la rénovation globale, en traitant « tout d’un coup », rappelle Emmanuelle Wargon.
L’article 151 précise en effet « l’objectif de disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. L’atteinte de ces objectifs repose sur une incitation financière accrue aux rénovations énergétiques performantes et globales (…) via la mise en œuvre d’un système stable d’aides budgétaires, d’aides fiscales de l’Etat ou d'aides (…) accessibles à l’ensemble des ménages et modulées selon leurs ressources, qui vise notamment à créer les conditions d’un reste à charge minimal pour les bénéficiaires les plus modestes, en particulier lorsque les travaux sont accompagnés par un opérateur de l’Etat ou agréé par lui. »
Coucou l’Anah, dont les missions vont de la lutte contre l’habitat indigne à l’adaptation au vieillissement. Deux sujets qui cochent la case durabilité. Son président, par ailleurs maire de Chambéry, conclut : « Plus la perfusion publique pour la rénovation sera locale, plus elle sera performante, car le message local est plus écouté qu’une communication nationale. C’est essentiel pour aller chercher les invisibles, celles et ceux qui n’ont pas accès à l’information. Ce sont les collectivités locales qui connaissent les publics concernés. » En marche la décentralisation.