Le groupe parisien Vos Travaux Eco (100 salariés, CA 2020 : 250 M€) est délégataire et mandataire d'obligations d'économies d'énergie, agréé par le ministère de la Transition écologique. L'une de ses plateformes, PrimesEnergie.fr, réalise des audits énergétiques de logements et distribue également des primes (CEE et MaPrimeRenov') à 35 000 particuliers par mois. Son fondateur, Nicolas Moulin, analyse la montée en puissance des opérations de rénovation globale au détriment de travaux plus ciblés.
Dans quels territoires la demande en rénovation énergétique est-elle la plus forte ?
La demande est très forte dans le Nord-Est, en Ile-de-France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. On peut aussi citer l’Occitanie, une région qui fait depuis longtemps la promotion des économies d’énergie. En revanche, en Bretagne, la demande est faible. Globalement, les travaux se concentrent dans la France périurbaine et sur la maison individuelle, qui, contrairement à l’appartement, offre un champ des possibles plus large : enveloppe, chaudière, ventilation mécanique contrôlée (VMC)…
Quel est le profil des particuliers qui répondent à l’appel d’air MaPrimeRénov’ ?
MaPrimeRénov’ est fléchée sur les maisons classées E, F ou G et les grands ensembles des bailleurs sociaux. Il s’agit souvent de passoires énergétiques, occupés par des personnes plutôt précaires. Logique, puisque ces travaux globaux visent à réaliser au moins 55 % d’économies d’énergie. Cela suppose des interventions lourdes et engageantes, avec des restes à charge parfois de 5 000 €. Ce qui peut refroidir les plus modestes.
Ce sont les mêmes qui vous sollicitent pour des travaux ciblés sur la fenêtre ou l’isolation ?
Sur PrimeEnergies.fr, nous avons 55 % de ménages modestes. Ce sont rarement des primo-accédants. Les 30-50 ans sont très représentés. Ce n’est pas dit qu’en 2022-2025, cette tendance perdure, car les offres à 1€, pour l’isolation des combles notamment, ont été supprimées le 1er juillet dernier. Or, elles étaient surtout fléchées vers eux.
Le point positif, c’est que la fin des travaux à 1€ réduit les effets d’aubaine…
Ils attiraient les fraudeurs, oui. Pour contrecarrer la baisse de ce type de travaux, le gouvernement mise sur la rénovation globale. Résultat, nous assistons à un basculement entre la vente au détail réalisée en une heure et ce mécanisme plus long, avec une démarche commerciale et des travaux qui prennent plus de temps. Chez nous, il se passe en moyenne deux mois entre la demande client sur notre plateforme et la prise de décision de ce dernier sur les opérations à réaliser.
Quels types de travaux vont monter en puissance ces prochains mois ?
Après avoir beaucoup appuyé sur l’isolation, qui restera toutefois subventionnée à hauteur de 40 % du montant des travaux, nous entrons dans une ère rénovation globale et chauffage. Pour une pompe à chaleur à 12 000€, un particulier peut toucher, depuis le 1er juillet, 4 500 € de primes énergie et 4 000 € de MaPrimeRénov’, soit 8 500€. Idem pour une chaudière biomasse, les primes du même montant sont cumulables. Il va y avoir une accélération des travaux les plus subventionnés.
Les artisans sont-ils prêts à répondre à cette nouvelle demande ?
Non, mais ce n’est pas surprenant car leurs sociétés ne sont pas capables aujourd’hui de faire tous les types de travaux. Ils n’ont ni l’envie d’avoir des corps de métier différents ni les compétences. Et puis ils sont débordés. Dans l’isolation, les bons affichent des carnets de commandes remplis jusqu’à six mois. Un autre exemple, le chauffagiste n’a jamais eu besoin de subventions pour travailler.
Qui va coordonner les travaux de rénovation globale s’il faut faire appel à plusieurs TPE ?
Des sociétés du BTP dont la stratégie de développement repose sur la croissance externe, l’intégration de nouveaux métiers. Je pense notamment au groupe Cetih (NDLR : la Compagnie des équipements techniques et industriels pour l'habitat), de 1 300 salariés. Ou des acteurs comme nous qui, en plus, réalisons en une demi-journée des audits à 600€, distribuons les primes…
En juin dernier, l’Anah a augmenté son budget 2021 pour soutenir MaPrimeRénov’, « victime de son succès » selon le gouvernement. Quelle est la hausse de travaux attendue d’ici la fin d’année ?
Il était nécessaire de l’augmenter car nous sommes très fortement sollicités. Pour autant, l’enveloppe de 2,2Mds € sera-t-elle entièrement dépensée cette année ? J’en doute. La vitesse de traitement de dossiers n’est pas optimale. Le site dysfonctionne car il n’a pas été dimensionné pour faire face à autant de demandes… Il n’y aura pas plus de travaux au deuxième semestre. Ce serait extraordinaire d’en avoir autant qu’au premier semestre, en raison du basculement qui s’opère et des désorganisations qui en découlent.
En 2022, l’enveloppe MaPrimeRénov’ sera quasiment identique, à 2Mds €. Comment anticipez-vous la cinquième période du dispositif des Certificats d’économies d’énergie (CEE), de 2022 à 2025 ?
En effet, de 2022 à 2025, les quotas ne vont augmenter que de 10 % alors que la demande augmente. Entre la troisième et la quatrième période, ils ont doublé. En gros, le gâteau va rester le même. Nous allons donc devoir baisser le montant des primes à distribuer à chacun. Cela représente 25 % de moins. Cette baisse globale des valeurs des primes s'inscrit dans un contexte de surproduction de certificats de 75 % et d’un manque d’acheteurs (NDLR : EDF, Engie, etc.). La rénovation globale semble le meilleur moyen de maximiser la valeur des primes. L’aide peut atteindre 40 000€ pour une maison sur quatre postes. Dans le cadre de ventes au détail, la somme des postes vous fait arriver à 10 000€.
