« Si nous ne faisons pas assez dans la réduction de nos émissions carbone, nous allons nous retrouver dans le viseur des politiques et des citoyens », lance Julien Carmona, président du groupe Crédit Mutuel Arkéa, en introduction du 8e Speed dating de l’immobilier, anglé durabilité, organisé par Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels, la filiale de Crédit Mutuel Arkéa, ce vendredi 3 septembre à Paris.
Devant lui, un parterre de 200 promoteurs, aménageurs et autres professionnels, à qui il conseille d’aller plus loin que les labels et les normes : « Il y a un risque de problème existentiel. A nous de trouver des solutions collectivement. »
Parmi les points sur lesquels appuyer : la rénovation du bâti et la transformation de bureaux en logements, dont l’empreinte carbone est en moyenne « deux fois moins élevé » que pour un programme neuf.
« Cela ne veut pas dire réduire le neuf, explique l’ancien de Nexity. Mais la transformation doit augmenter. La non-utilisation du patrimoine existant dans les villes moyennes, souvent de grande qualité, est un non-sens écologique et économique. C’est une piste pour désengorger des endroits peut-être trop denses et redynamiser des pôles secondaires. »
Dépollution
La loi Climat et Résilience, récemment promulguée, va dans ce sens, estime Olivia Grégoire, secrétaire d’Etat chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable.
Concernant l’immobilier, le texte prévoit le gel du loyer des logements les plus énergivores dès 2023 et vise à « limiter l’étalement urbain ». En témoigne l’objectif de diviser par deux l’artificialisation des sols, d’ici 2030. Le zéro artificialisation nette (ZAN) devra être atteint d’ici 2050.
Certains acteurs affirment disposer quelques longueurs d’avance. « Tombé par accident en 2014 dans la rénovation », dans le cadre d’un concours organisé par la Ville de Lille, le promoteur nordiste Sofim en a fait un axe de croissance, témoigne Geneviève Houzé, sa directrice générale. « Les prix de sortie dans une métropole comme Lille nous permettent de pratiquer ce nouveau métier, qui rime avec imagination, adaptation. »
Cela n’empêche pas la PME familiale d’aller jusqu’à Arras, préfecture du Pas-de-Calais, où l’immobilier se vend deux fois moins cher. A condition de viser l’hyper-centre, synonyme de rentabilité. La rénovation pèse un tiers de son chiffre d’affaires de 80 M€.
De son côté, l’aménageur Brownfields, spécialisé dans la reconversion de friches, répond par nature au ZAN. « Eviter l’artificialisation, c’est transformer ce qu’il doit être transformé dans les villes et améliorer la santé des riverains car on dépollue. Les 100 logements créés sur le site ne sont pas créés en périphérie. » Et l’étalement urbain en prend un coup.
Depuis sa création en 2006, Brownfields a reconverti 330 ha, développé 10 000 logements et 40 000m² de parc d’activités et commerces, en France et en Belgique.
Densité
La Foncière Frey, par ailleurs entreprise à missions, montre aussi la voie. Cette fois-ci en matière de « transformation de ces zones commerciales moches en entrée de ville », commente Antoine Frey, son P-DG. Son programme livré en mars dernier, dans la métropole de Strasbourg, a consisté à transférer les enseignes existantes dans une « Shopping promenade » compacte pour laisser place à 400 logements. Pour un investissement de 200 M€, dont 9 M€ de subventions pour la desserte en transports en commun.
La coche ZAN est donc cochée. Mais quid de la rentabilité d’une opération en périphérie ? « Un m² de commerce en entrée de ville consomme trois à cinq plus fois que dans le centre. Par conséquent, la taille du foncier qu’on libère en recomposant le commerce de façon plus sobre nous permet de densifier suffisamment pour les logements et trouver l’équation économique. »
En zone tendue, les différents acteurs présents s’accordent sur un point : la densité permet de rentabiliser les opérations. Mais ce n’est pas gagné. « Il suffit d’enlever trois mètres de hauteur pour enlever les recours. Le problème, c’est qu’il peut s’agir de logements sociaux en moins », confie Arnaud Péricard, maire ex-LR de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).
Pour rendre les projets acceptables, son homologue ex-LR d’Angers, Christophe Béchu, n’est pas le seul à dégainer une charte de l’immobilier durable, imposé aux promoteurs, mais il est persuadé que « le deal est gagnant-gagnant ». L’idée, in fine, est de favoriser « ceux qui font des efforts » dans l’attribution des parcelles. « Pour les autres, le prix de vente au m² sera plus élevé », avertit-il.
Anticipation
En attendant le changement d’échelle, Olivia Grégoire suggère aux acteurs de la construction d’utiliser la nouvelle plateforme impact.gouv.fr. Toute entreprise peut y faire savoir ce qu’elle réalise en matière environnementale et apprendre des autres. Quarante-sept indicateurs de performance écologique « chiffrés » permettent de mesurer les efforts de chaque société, au nom du « capitalisme responsable » défendu par Emmanuel Macron, poursuit la secrétaire d’Etat.
« Venez-y vous entraîner, vous acculturer, conseille-t-elle. La directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CRSD), va obliger toutes les entreprises de plus de 250 salariés, à publier leurs données ESG. Autant de défis environnementaux, sociaux et de gouvernance à anticiper, avant sa transposition en droit français, qui pourrait intervenir dans moins de trois ans.