Commande publique : le tiers financement à la rescousse de la gendarmerie nationale ?

Dans un rapport d’information, le Sénat recommande de recourir au marché de partenariat et au marché global de performance énergétique à paiement différé pour lever le mur d’investissements auquel fait face la gendarmerie nationale. Celle-ci doit en effet construire et réhabiliter de nombreux bâtiments dans un contexte de contrainte budgétaire.

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Outre des casernes, le patrimoine immobilier de la gendarmerie nationale est aussi composé de locaux de services et techniques dédiés à la réalisation des missions de maintien de la sécurité et de l'ordre public.

« Le parc domanial de la gendarmerie est dans une situation dégradée qui résulte d’une longue période de sous-investissement chronique », peut-on lire en préambule du rapport d’information publié le 12 juillet 2024 par la commission des finances du Sénat. Intitulé « Immobilier de la gendarmerie nationale : mettre fin au désordre bâtimentaire », il identifie une double difficulté : les bâtiments dont l’Etat est directement propriétaire – 649 casernes notamment – sont « insuffisamment entretenus », quand l’extension de son parc locatif – constitués en particulier de plus de 3000 casernes – « alourdit ses dépenses annuelles de loyer » et grève donc d’autant ses capacités financières pour rénover son patrimoine. 

Le marché de partenariat pour lisser le coût du financement

Pour résoudre cette équation, le rapporteur Bruno Belin (sénateur de la Vienne – Les Républicains) en appelle aux marchés de partenariat. Pour mémoire, il s’agit d’un marché public permettant de confier à un opérateur économique une mission pouvant englober des prestations de conception, construction, rénovation, aménagement, entretien, maintenance, gestion ou d'exploitation d’ouvrages nécessaires au service public ou l’exercice d’une mission d’intérêt général (article L.1112-1 du Code de la commande publique).

Surtout, dans ce montage le titulaire du marché préfinance en tout ou partie les investissements, par dérogation à l’interdiction du paiement différé qui s’applique en principe aux marchés publics. Ce qui serait son principal atout, selon le sénateur qui voit dans le tiers-financement « un levier déterminant pour les acheteurs publics ne disposant pas d’une capacité d’investissement immédiate dès lors qu’il permet un paiement différé qui permet de lisser sur le long-terme, en l’intégrant au prix des loyers, le coût du financement de l’opération ».

Domanialité publique

Le recours à ce contrat présente toutefois un inconvénient. Compte tenu des loyers à verser au titulaire, il pèse pendant plusieurs années sur les finances de l’acheteur et réduit son budget. Une difficulté relevée par Bruno Belin mais qui serait compensée par le fait que les marchés de partenariat, contrairement à un bail, permettent à leur terme « le retour dans le patrimoine de l’Etat des biens immobiliers concernés ».

Le rapport identifie « quatre projets structurants et d’envergure » pertinents pour recourir au marché de partenariat : sur le plateau de Satory (78), à Dijon (21), à Melun (77) et à Mayotte.

Le PPP reprend du service

S’il se confirme, l’utilisation de ce type de marché marquerait un retour du partenariat public-privé (PPP) dans le domaine de la gendarmerie. Cette dernière avait en effet « engagé entre 2007 et 2012 une première génération de sept opérations immobilières d’envergure financées par le recours aux PPP », comme le rappelle le rapporteur.

Ces PPP prenaient alors la forme d’une autorisation temporaire d’occupation du domaine public assortie d’une location avec option d’achat.  Ce montage était permis par la loi d’orientation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, avant d’être remplacé en 2015 (article 67 de l'ordonnance du 23 juillet 2015) par le marché de partenariat, qui réunit sous une forme juridique unique les différentes formes de PPP existants alors.

Revirement

S’il a connu son apogée jusqu’en 2012, le recours au PPP a ensuite décliné. Un rapport sénatorial de 2013, consacré lui aussi à la stratégie d’investissement de la gendarmerie nationale, recommandait même à l’époque de « ne pas engager de nouveau projet immobilier en PPP ». Outre « la rigidification du budget d’investissement et de fonctionnement », les sénateurs relevaient que ce montage induirait aussi un « renchérissement systématique du coût des opérations » lié à la prise en compte dans les loyers des coûts financiers supportés par le titulaire ainsi qu’à la moindre concurrence sur ce type d’offre.

A noter toutefois que depuis 2015 et l’institution du marché de partenariat, les acheteurs doivent désormais réaliser deux études préalables : une évaluation « ayant pour objet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet » (art. L.2212-1 du CCP) et une étude de soutenabilité budgétaire pour apprécier « les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits » (art. L.2212-3 du CCP).

Accélérer la rénovation grâce au paiement différé

Etudes qui sont aussi nécessaires pour recourir au marché global de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD). Créée à titre expérimental pour cinq ans par une loi du 30 mars 2023, il s’apparente au marché de partenariat en ce qu’il prévoit lui aussi un préfinancement de l’opération par le titulaire.

Le sénateur Bruno Belin y voit donc là un autre moyen « d’engager rapidement des travaux rapidement malgré des ressources budgétaires contraintes ». Il recommande à la gendarmerie de mobiliser cet outil pour accélérer la rénovation énergétique de ses bâtiments. Car le MGPE-PD est lui réservé exclusivement aux travaux de rénovation énergétique. Autre différence avec le marché de partenariat, la maîtrise d’ouvrage n’est pas transférée au titulaire.

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