Décryptage

Les PPP ont 20 ans : quel bilan ?

Deux décennies de montagnes russes pour les contrats de partenariat. Après avoir connu un bel engouement, leur dynamique s’est peu à peu étiolée. Rebaptisés marchés de partenariat, ils vivotent désormais en attendant un possible rebond. Mais renaissance ou non, leur héritage se retrouve dans de nombreux pans de la commande publique.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Le contrat de partenariat est né il y a vingt ans.

Le 17 juin 2004 naissaient les contrats de partenariat (ordonnance n° 2004-559), également appelés « partenariats public-privé » (PPP), définis par le gouvernement de l’époque comme « une nouvelle forme d’association de l’entreprise privée aux investissements et à l’exploitation d’équipements ou de service public ». « C’est l’introduction en France d’une troisième voie, alternative aux concessions et aux marchés publics », resitue Hubert du Mesnil, président de l’Institut de la gestion déléguée (IGD).

Transfert de la maîtrise d’ouvrage et paiement différé

Le contrat de partenariat offre ainsi la possibilité à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités de confier à un opérateur économique une mission englobant le financement, la construction et l’exploitation d’un équipement. Comme dans une concession, la maîtrise d’ouvrage est transférée à l’entreprise, qui n’aura toutefois pas à supporter le risque commercial.

Autre signe distinctif : la personne publique rémunère le titulaire pendant toute la durée du contrat, par dérogation à l’interdiction du paiement différé en vigueur dans les marchés publics. « Cette formule a rencontré un fort succès à ses débuts, se souvient Hubert du Mesnil. Pour les opérateurs, l’absence de transfert du risque d’exploitation était un avantage. Quant aux acheteurs, c’est le paiement différé qui les a attirés ».

« Le contrat de partenariat a permis de lever des préfinancements privés pour certaines infrastructures, confirme Stéphane Saussier, professeur d’économie à l’IAE Paris-Sorbonne et directeur de la chaire Economie des PPP. Ses autres avantages sont ceux des contrats globaux : les infrastructures sont généralement livrées dans les temps et en tenant le budget ».

Un recours facilité

« C’est une loi de 2008 (loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008) qui va donner aux PPP une véritable impulsion », observe l’universitaire. Avec ce texte, l’Etat facilite leur passation en introduisant un nouveau cas de recours si l’acheteur démontre que ce montage est plus efficient économiquement qu’un marché public ou qu’une concession. Jusqu’à cette date, seules deux hypothèses permettaient de lancer un contrat de partenariat : si la personne publique justifiait qu'elle n’était pas en mesure de définir seule les moyens techniques ou le montage financier et juridique du projet, ou en cas d’urgence.

L’Etat va aussi ouvrir, à titre expérimental, une quatrième faculté de recourir à ces contrats dans les « domaines d’action où les besoins immédiats sont avérés », visant notamment la construction de prisons, de tribunaux, de commissariats ou encore d’universités. « Le pic de contrats de partenariats passés est situé en 2011, où ils représentent un total de 4 milliards d’euros », indique Stéphane Saussier.

Plus de 240 PPP ont été passés

Selon la Mission d’appui au financement des infrastructures (Fin Infra), organisme expert de la Direction du Trésor initialement dédié exclusivement aux PPP (sous le nom de Mission d’appui aux PPP), ce sont les collectivités qui ont passé le plus de contrats de partenariat. Elles en ont conclu 179 entre 2005 et 2019. Beaucoup concernent l’éclairage public ou la construction de bâtiments comme des hôtels de ville ou des collèges. A noter aussi une grande proportion de PPP pour la réalisation d’équipements sportifs, comme des piscines ou des stades (à Nice ou à Lille par exemple).
Si l’Etat a conclu moins de PPP, ils pèsent davantage en montant que ceux des collectivités. Ils portent essentiellement sur des bâtiments, tels que des prisons, des hôpitaux ou encore des universités (comme à Marseille).

Si le recensement prend fin en 2019, quelques marchés de partenariat ont été passés depuis. Et des procédures sont en cours : le Grand port maritime de Marseille devrait ainsi attribuer fin 2024 un marché de partenariat pour la réalisation de son nouveau siège

Les rapports se succèdent

C’est durant ce boom que la réputation des PPP va commencer à se détériorer. La première alerte provient de l’Inspection générale des finances dans un rapport de 2012. Elle fait état de « grosses défaillances » et signale le « risque d’investir plus que ses capacités, dans des projets parfois sur-calibrés », faisant d'un des principaux avantages du contrat de partenariat son principal écueil. « Ils permettaient de financer des infrastructures sans augmenter sa dette », explicite Stéphane Saussier. Ce qui a fait dire au Sénat en 2014 qu’ils étaient des « bombes à retardement budgétaires ». Un an plus tard, c’est au tour de la Cour des comptes de remettre un rapport un vitriol : les PPP sont qualifiés de fardeau pesant à long terme sur les finances des collectivités.

Durcissement de l’accès aux PPP

En réponse, plusieurs mesures vont venir mettre un coup d’arrêt à l’intérêt pour les PPP. La première par un arrêté du 16 décembre 2010 qui instaure un changement des règles comptables imposant de comptabiliser les contrats de partenariat dans le bilan et donc de reconnaître au passif une dette correspondante. Puis en 2012 (décret n° 2012-1093 du 27 septembre 2012), Bercy durcit les règles pour l’Etat, qui devra désormais démontrer la soutenabilité budgétaire d’un contrat de partenariat et recueillir l’accord du ministère chargé des comptes publics avant de se lancer.

Ensuite, à l’occasion de la transposition de la directives « marchés publics » de 2014 par l'ordonnance du 23 juillet 2015, les contrats de partenariat sont rebaptisés « marchés de partenariat ». Le législateur en profite pour étendre l’obligation de réaliser une étude de soutenabilité budgétaire aux collectivités. De plus, le recours à ces marchés ne devient possible qu’au-delà d’un certain montant. « Cela a conduit à une baisse très sensible de ces contrats », observe Hubert du Mesnil. Aujourd'hui ces règles figurent dans le Code de la commande publique (art. L. 112-1 et R. 2200-1 à R.2236-1).

Marché global : les avantages du PPP sans ses inconvénients

« Si les PPP sont presque morts, ils sont toujours là en réalité », estime toutefois Stéphane Saussier. Ils auraient ainsi ouvert la voie au développement des marchés globaux. Ces derniers auraient supplanté les marchés de partenariat. En atteste par exemple le choix du ministère de la Justice en 2018 de ne plus recourir aux PPP pour privilégier les marchés de conception-réalisation.

Outre qu’il soit plus simple d’y recourir, en l’absence d’études préalables à réaliser ou de conditions de seuils, les marchés globaux ont aussi la vertu de ne pas être dotés des attributs ayant participé à la mauvaise réputation des PPP : le transfert de la maîtrise d’ouvrage et, surtout, le préfinancement privé. Ainsi la décision de la Chancellerie d’arrêter les marchés de partenariat était justifiée par un nouveau rapport de la Cour des comptes faisant état de surcoûts liés au durcissement des conditions de financement suite à la crise financière mais aussi compte tenu de l’intégration de la rémunération des investisseurs et de la couverture des frais financiers dans le prix payé par l’acheteur. Dans ces conditions, faire appel à du financement privé perd en effet son intérêt, là où il pouvait être plus attractif avant la crise financière de 2008.

Vers un retour du PPP à pas feutré ?

Toutefois le tiers-financement a fait récemment une nouvelle incursion dans le droit de la commande publique, avec la création à titre expérimental du marché global de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD) par une loi du 30 mars 2023. Faut-il craindre qu'il donne lieu aux mêmes dérives que le PPP ? Pas pour Hubert du Mesnil qui estime que « ce nouveau marché est circonscrit aux opérations de rénovation énergétique, contexte dans lequel l’étalement dans le temps de la dépense d’investissement est pertinent car elle s’accompagne d’économies de fonctionnement via la baisse des consommations d’énergie induite ». 

En outre, le MGPE-PD cherche à se démarquer du marché de partenariat en ce qu’il ne prévoit pas de transfert de la maîtrise d’ouvrage. Un point de différence qu’il faut toutefois relativiser estime le président de l’IGD : « En pratique, la notion de maîtrise d’ouvrage a évolué, elle est aujourd’hui surtout liée à la responsabilité mais son contenu est à géométrie variable selon l’outil utilisé. Sur des sujets comme la rénovation énergétique, les personnes publiques n’auront souvent pas d’autres choix que de s’entourer de compétences extérieures ».

Les PPP n’attirent plus non plus à l’étranger

Les contrats de partenariat trouvent leur inspiration dans les private finance initiatives (PFI) anglo-saxons. Si ces PFI ont connu davantage de succès que les PPP français, avec plus de 700 contrats passés, le Royaume-Uni a pris une décision plus radicale que le durcissement acté progressivement en France. Le gouvernement britannique a renoncé à ce montage en 2018. « Il s’est aperçu que l’Etat était engagé pendant de longues périodes sur de trop nombreux projets, indique Stéphane Saussier. Et quelques rapports ont pu montrer que les infrastructures ne seraient pas mieux entretenues que dans le modèle classique ».
Dans un rapport de 2018, la Cour des comptes de l’Union européenne signalait elle aussi « des multiples insuffisances et des avantages limitées » dans le recours à ce montage. Elle estimait également que leur « comptabilisation hors bilan augmentait les risques ». A noter que dès 2016, Eurostat, organisme de la Commission européenne, a harmonisé ses normes comptables de façon à limiter la déconsolidation des PPP.

« Ils sont toutefois encore très présents en Europe du Nord, selon Hubert du Mesnil. Ainsi que dans les pays en développement où le secteur public est moins consistant et où l’investissement privé est d’autant plus important ». Et ils pourraient connaître un nouvel engouement dans le monde entier : « Partout des infrastructures publiques ont besoin d’être réalisées ou d’être rénovées. De plus la transition nécessite des investissements importants ».
Stéphane Saussier de nuancer légèrement : « Le déficit en investissement est tel que les PPP ou les concessions ne seront qu’une réponse parmi d’autres. Ce n’est pas avec cet outil que l’on va lever le mur d’investissement ».

Abonnés
Analyses de jurisprudence
Toute l’expertise juridique du Moniteur avec plus de 6000 commentaires et 25 ans d’historique
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires