« Simplifier l’accès des entreprises à la commande publique » et « assouplir les règles d’exécution financière des marchés publics », voici l’objet du décret portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique (décret n°2024-1251 du 30 décembre 2024) publié ce mardi 31 décembre au « Journal officiel ». Le texte avait donné lieu à une consultation publique entre le 4 et le 19 novembre 2024, dont il ressort assez peu modifié.
La dizaine de mesures qui compose le décret s’applique aux marchés publics et aux concessions pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2025.
Modification des groupements d’entreprise
La première d'entre elles vise à préciser « les conditions dans lesquelles un groupement peut être constitué et sa composition modifiée dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation ou de dialogue », indique sa notice. Il fixe deux conditions cumulatives permettant à un acheteur d’autoriser en cours de procédure un candidat à se constituer en groupement ou un groupement à modifier sa composition. Le groupement doit disposer « des garanties économiques, financières, techniques et professionnelles exigées par l’acheteur pour participer à la procédure » et la constitution d’un groupement ou sa modification pendant la procédure ne doit pas porter « atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats ni à une concurrence effective entre ceux-ci ».
A signaler que dans sa synthèse de la consultation publique, publiée le 20 décembre, la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy précisait que « conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la constitution et la modification de groupements en cours de procédure ne peut être étendue aux appels d’offres ».
Le décret modifie également la rédaction des articles R. 2142-22 et R. 3123-10 du Code de la commande publique (CCP) pour indiquer que les acheteurs ne peuvent exiger que les groupements adoptent une forme juridique après l’attribution du marché public ou de la concession « que lorsque cela est nécessaire à [leur] bonne exécution ».
Création d’un accord-cadre « hybride »
Le texte introduit une nouvelle possibilité s’agissant des accords-cadres multi-attributaires à bons de commande. Désormais une partie des prestations d’un tel accord-cadre peut donner lieu à la conclusion de marchés subséquents après remise en concurrence des titulaires.
Le recours à cet accord-cadre mêlant à la fois bons de commande et marchés subséquents n'est possible qu'à la condition que les documents de la consultation le prévoient expressément. Ils doivent en outre définir les circonstances objectives déterminant le choix de recourir pour certaines prestations à un marché subséquent et préciser les termes de l’accord-cadre qui peuvent faire l’objet d’une remise en concurrence. Cette mesure transpose une disposition de la directive Marchés publics de 2014 (point b du paragraphe 4 de l’article 33).
Davantage de prestations pour les PME dans les contrats globaux
Par ailleurs, le décret porte à 20 % (contre 10 % jusqu’alors) la part de prestations minimales devant être confiée à une PME ou à un artisan par le titulaire d’un marché global, d’un marché de partenariat ou d’une concession. Dans la synthèse de la consultation publique, la DAJ rappelle qu’il est possible de déroger à cette obligation lorsque la structure économique du secteur concerné ne permet pas d’y répondre. « Ainsi, un candidat qui n’aurait trouvé suffisamment de PME dans son secteur pour répondre à cette obligation peut en être dispensé s’il fournit les preuves nécessaires », précise Bercy.
Abaissement du taux de retenue de garantie
Le taux maximal de retenue de garantie pouvant être appliqué dans les contrats conclus avec des PME par les établissements publics administratifs de l’Etat (à l’exception des établissements de santé) et par les collectivités (ainsi que leurs établissements et groupements) « dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros » est abaissé à 3 % du montant du marché public. Il s’agit du taux déjà en vigueur pour les marchés publics de l’Etat. Les autres acheteurs publics peuvent toujours aller jusqu’à 5 %.
Assouplissement du remboursement des avances
Autre mesure : la suppression de ce que la DAJ appelle « la borne de fin de remboursement des avances ». Elle abroge les articles du CCP prévoyant que lorsque le montant de l’avance est inférieur à 80 % du montant du marché, son remboursement doit être terminé lorsque le montant des prestations exécutées atteint 80 % du montant du marché.
Seul reste applicable l’article R. 2191-11 du CCP qui dispose que le « remboursement de l’avance s’impute sur les sommes dues au titulaire, selon un rythme et des modalités fixées par les clauses du marché, par précompte sur les sommes dues à titre d’acomptes, de règlement partiel définitif ou de solde ». Il précise que dans le silence du marché, le remboursement doit débuter quand le montant des prestations exécutées atteint 65 % du montant du marché pour les avances inférieures ou égales à 30 % du marché et à la première demande pour les avances d’un montant supérieur à 30 % du montant du marché.
Uniformisation des règles de paiement
Par ailleurs « le décret uniformise pour tous les acheteurs les règles relatives au déclenchement du délai de paiement pour certains marchés publics ou pour les cas de paiement direct des sous-traitants », comme l’expliquait la DAJ dans la notice du texte publiée lors du lancement de la consultation publique. Il étend ainsi aux établissements publics industriels et commerciaux de l'Etat la règle de l’article R. 2192-16 du CCP selon laquelle le délai de paiement du solde des marchés de maîtrise d'œuvre et de travaux « court à compter de la date de réception par le maître de l’ouvrage du décompte général et définitif » et celle de l’article R. 2192-23 du CCP prévoyant que « le délai de paiement du sous-traitant court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l’accord, total ou partiel, du titulaire ».
Les autres mesures du décret du 30 décembre 2024 portant simplification de la commande publique.
Le décret prévoit que les dispositions relatives aux marchés publics conclus à prix définitifs (art.R.2112-7) sont applicables à tous les acheteurs soumis au CCP.
Il rectifie un renvoi à l’article R.3121-6 du CCP relatif à la possibilité de passer un contrat de concession sans formalités dans le cas où seules des offres inappropriées ont été remises.
Il actualise également les dispositions relatives aux moyens de preuve de l’absence de motifs d’exclusion (L.2141-1), notamment en vue d’intégrer le nouveau cas pour manquement aux obligations du Code du travail relatives au travail illégal créé par une loi de 2023.
Il vient aussi préciser les conditions de mise en œuvre de la possibilité pour les entités adjudicatrices de rejeter une offre contenant une part majoritaire de produits provenant d’un pays tiers à l’Union européenne et avec lequel aucun accord de réciprocité à l’accès aux marchés publics n’a été conclu, conformément à l’article 29 de la loi relative à l’industrie verte du 23 octobre 2023 applicable aux marchés de fournitures et aux marchés de travaux de pose et d’installations de ces fournitures.
Enfin, il porte à 300 000 euros hors taxes le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants de défense ou de sécurité.
Deux mesures supprimées suite à la consultation
A signaler que deux mesures figurant dans le projet de décret soumis à consultation publique n’ont finalement pas été retenues. Il s’agit de celle qui visait à instaurer un délai de déclenchement de la prime de concours devant être versée, sous conditions, aux candidats à un marché de maîtrise d’œuvre. Bercy relève que cette disposition « ne fait pas pleinement consensus auprès des acheteurs ».
Exit aussi l’introduction d’une double condition cumulative pour pouvoir modifier un marché en cours d’exécution en cas de prestations supplémentaires. Hormis le fait que le changement de titulaire « soit impossible pour des raisons économiques ou techniques tenant notamment aux exigences d’interchangeabilité ou d’interopérabilité », unique condition prévue actuellement par le CCP, il aurait fallu en outre que ce changement présente « un inconvénient majeur » ou entraîne « une augmentation substantielle des coûts » pour l’acheteur. Bercy a retiré cette condition supplémentaire du décret, considérée comme n’étant pas une mesure de simplification par un certain nombre d’acheteurs publics.
Le projet de décret mis à la consultation du public prévoyait également de pérenniser le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence à 100 000 euros H.T. pour passer des marchés publics de travaux. Ce plafond, qui devait prendre fin ce mardi 31 décembre, a finalement été prorogé pour un an supplémentaire par un décret spécifique publié dimanche 29 décembre 2024 (décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux).