Le gouvernement va-t-il favoriser la rénovation du parc existant, en suivant les recommandations de l’Ademe pour modérer la construction neuve ?
En ouverture du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement en novembre 2022, dont les conclusions doivent être rendues le 5 juin prochain, Agnès Benassy-Quéré, économiste en chef du Trésor, avait repris cette idée, en estimant le besoin annuel de la France à 300 000 logements neufs maximum. De quoi susciter la colère de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) qui en voudrait exactement 449 298, notamment pour faire face au phénomène de décohabitation.
« Un Pinel de la rénovation pour les primo-accédants »
Pour Antoine Maitre, architecte associé de l’agence parisienne Majma, le gouvernement doit annoncer des mesures aussi bien pour le logement neuf que pour la rénovation énergétique.
Au nom de la décarbonation, il imagine « de nouvelles incitations fiscales, comme un Pinel de la rénovation pour les primo-accédants » et, pour le neuf, la mise en place d’une « fiscalité réduite sur les matériaux biosourcés » ainsi que des subventions pour soutenir le développement de la filière biosourcée, notamment pour l’industrialisation des blocs de terre crue, sur le modèle du promoteur Quartus.
En parallèle, il appelle à revoir la fiscalité sur « les matériaux à fort impact carbone », corrélée aux externalités négatives (environnement, santé…) pour « accélérer la transition des grands groupes, des gros employeurs ».
Enfin, comme certains promoteurs, il souhaite « déplacer l’instruction des permis de construire et d’aménagement aux préfectures, pour libérer les maires du poids électoral lié aux projets ».
Décentraliser les services publics pour dépeupler les grandes villes
Laurent Rossez, directeur de la stratégie du nantais AIA Life Designers et membre du Plan Bâtiment Durable ayant participé au groupe de travail « Faire du logement l’avant-garde de la transition écologique » du CNR Logement, se présente à contre-courant de la pensée dominante. « En zone dense, il faut privilégier la réhabilitation du parc existant et la régénération des terrains artificialisés pour préserver la nature. Le neuf devra devenir l’exception », soutient-il.
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Seul un nouveau diagnostic pourrait faire passer la pilule à la Fédération française du bâtiment (FFB) et de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). « L’Etat, via le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), doit fournir une analyse, scientifique donc imparable, de robustesse et de vulnérabilité des territoires, pour que tous les acteurs admettent que certaines villes seront invivables en 2050, développe-t-il. Si nous ne levons pas le pied maintenant, nous nous retrouverons avec des logements vacants. D’ailleurs, des habitants commencent à quitter l’Ile-de-France, les grandes métropoles ou encore l’arc méditerranéen à cause des canicules, du manque de verdure… »
Laurent Rossez n’appelle pas à une décentralisation de la politique du logement, mais des services publics pour « dédensifier » les grandes villes. Il s’agirait de concentrer les investissements publics dans « les villes moyennes riches en logements vacants et en friches comme Bourges, Limoges ou Sedan ». En somme, muscler le programme existant Action cœur de ville (ACV) pour « aller plus loin dans la réactivation des services et équipements publics, de l’offre culturelle… Les entreprises suivront. »
Enfin, pour les grandes villes qu’il ne faut pas non plus délaisser, Laurent Rossez imagine « un encadrement des prix du foncier fixés par l’Etat pour arrêter de favoriser le promoteur qui paie le plus de taxes foncières ». Et de rappeler : « Le foncier peut représenter ces dernières années plus de 50% de l’augmentation d’un logement neuf », plus que jamais inabordable pour les classes moyennes, qui ont vu fondre leur capacité d’emprunt depuis plus d’un an sur fond de remontée des taux d’intérêt.
« Plus de subventions » pour débloquer les opérations
Plus consensuelle, Florence Lipsky, de l’agence parisienne Lipsky+Rollet architectes, attend du gouvernement qu’il annonce « des mesures à long terme sans ajouter de nouvelles contraintes ». Autrement dit, « une pause normative », comme le répète la FFB. Le temps de quelques années pour digérer le Pinel + et la RE 2020, alors qu’un programme sur cinq est repoussé, voire abandonné, faute d’équilibre économique, selon la FPI.
« Des opérations sont actuellement coincées car le promoteur regarde sur son tableau Excel ce qu’il peut gagner. Il devrait aussi regarder le moyen terme et accepter de faire des profits plus tard. Encore une fois, ce sont les architectes qui trinquent, car toujours censés travailler gratuitement », témoigne-t-elle.
Considérant le logement comme « un bien de première nécessité qui coûte plus cher » à construire que le bureau ou l’entrepôt, la lauréate du prix de l’Equerre d’argent 2005 voudrait que l’Etat et les collectivités consacrent « plus de subventions ». In fine, « le budget paysage ne serait plus serré et celui du bâtiment passerait ».