Achats de l'Etat : les recommandations de la Cour des comptes pour plus de durabilité

Si la réglementation impose des objectifs quantitatifs en matière d’insertion de considérations environnementales et sociales dans les marchés publics, les juges de la rue Cambon invitent à mettre d’abord l’accent sur la qualité. Dans un rapport consacré aux achats de l’Etat, ils préconisent de mieux prendre en compte la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à diversifier les dispositifs sociaux.

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Les acheteurs de l'Etat doivent renforcer le suivi des considérations environnementales et sociales intégrées dans leurs marchés publics.

60 milliards d’euros : c’est le montant des achats de l’Etat et de ses établissements publics en 2022. Ce qui représente près de la moitié du total des marchés publics conclus en France, note la Cour des comptes dans un rapport consacré à la prise en compte du développement durable dans les achats de l’Etat. Publié le 6 décembre, il s’intéresse notamment à l’impact de la réglementation sur l’insertion de clauses et de critères environnementaux et sociaux dans ces marchés.

Les achats de l'Etat, c'est qui et c'est quoi ?

Les principaux acheteurs de l’Etat sur la période 2016-2023 sont, par ordre d’importance, le ministère des Armées, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l'Economie, le ministère de la Transition écologique et le ministère de la Justice.

Les principaux segments d’achat sont l’immobilier (38 % du montant total des marchés passés entre 2016 et 2023) et l’informatique et les télécoms (18 %). Les travaux routiers représentent 8 % des marchés conclus sur la même période.

L’achat durable devient obligatoire

La Cour rappelle en effet que la commande publique, qui faisait auparavant prédominer l’objectif d’efficacité économique, intègre désormais d’autres composantes. Au premier rang desquelles le développement durable, sous l’impulsion de la réglementation. Ainsi, en application de la loi Climat et résilience de 2021 (art. 35), la totalité des marchés publics devront comporter à partir d’août 2026 une considération environnementale. Ce texte impose également que les marchés supérieurs aux seuils européens intègrent une condition d’exécution en matière sociale, à compter de cette même date.

Pour se préparer, l’Etat met en œuvre le Plan national pour des achats durables (Pnad). Lequel anticipe l’échéance de la loi en fixant un objectif de 100 % de marchés comprenant une considération environnementale d’ici la fin 2025. Il cible aussi un objectif de 30 % de marchés incluant une considération sociale. La Cour des comptes observe « qu’une véritable dynamique semble à l’œuvre dans les marchés de l’Etat ». Elle note ainsi qu’en 2023, 55 % des marchés contiendraient une considération environnementale et plus de 25 % une considération sociale.

Des données « sujettes à caution » ! 

C’est ce que déplore la Cour des comptes qui s’est appuyée sur différentes bases, notamment celles du système d’information achats de l’Etat qui s’intéresse aux marchés publics d’un montant supérieur à 40 000 euros et celles de l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) qui portent sur les marchés de plus de 90 000 euros. 

Des efforts restent à faire

Elle alerte toutefois sur l’obligation fixée par la loi Climat et résilience, qui serait très ambitieuse et « demandera des efforts substantiels ». Le rapport recommande à cet effet de renforcer les actions de sensibilisation et de formation des acheteurs publics et des services prescripteurs. Il pointe également le risque de voir se développer une approche quantitative plutôt que qualitative « avec le développement de considérations sociales et environnementales purement formelles dans les marchés de l’Etat, sans réelle portée opérationnelle ». 

La Cour constate également que l’accent est aujourd’hui mis sur la passation et les critères de sélection, l’exécution faisant à l’inverse l’objet d’un suivi moins approfondi. Elle préconise alors de « sélectionner un échantillon de prestations, de services ou de travaux à fort impact en termes de développement durable et d’assurer un suivi de leur exécution ».

Mieux calculer l’impact carbone

Les juges du Palais Cambon cherchent par ailleurs à mesurer si le développement des considérations environnementales a un effet sur les émissions de gaz à effet de serre des achats. Il est néanmoins relevé que « la mesure des émissions de C02 des différentes offres est encore rare et utilise des méthodes variables ». La Cour plaide en faveur de la publication de guides méthodologiques pour les segments d’achats prioritaires afin que les acheteurs puissent s’emparer de cette question « nouvelle et complexe ».

Convertir les économies d’énergie en économie carbone

La Cour des comptes met en lumière la démarche initiée par la Direction de l’immobilier de l’Etat qui a commencé à prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre dans sa politique d’achat. Le rapport révèle ainsi que les investissements immobiliers réalisés dans le cadre des plans France Résilience I (2022-2023) et France Résilience II (2023-2024), portant sur des travaux de rénovation énergétique, ont fait l’objet d’une évaluation de leur impact carbone. La sélection des projets retenus s’est faite notamment au regard d’un critère de conversion des économies d’énergie en leur équivalent en tonnes de CO2 évitées.

La Cour note que ces plans n’ont néanmoins qu’une portée modeste, « du fait du caractère relativement restreint des investissements » (200 millions d’euros au total). Elle indique toutefois qu’il s’agit d’une bonne illustration des actions à mettre en œuvre pour prendre en compte efficacement les enjeux environnementaux dans les marchés publics : « des objectifs de politique publique clairs permettant de sélectionner des projets sur des critères précis et de vérifier la réalisation de ces objectifs dans le cadre du contrôle de l’exécution des marchés ».

Conclure plus de marchés globaux de performance énergétique

La décarbonation des achats peut passer par les marchés publics de performance énergétique (MGPE) dont l’Etat est invité à se saisir davantage. Ces contrats « participent à la baisse des émissions de gaz à effet de serre en réduisant la consommation d’énergie », indique la Cour qui met également en avant leur efficacité théorique en raison du caractère contraignant de la performance à atteindre, garantie par le titulaire sous peine de sanction.

S’appuyant sur les données de l’Observatoire national des contrats de performance énergétique, la Cour relève que l’Etat n’avait passé que 24 % des MGPE avant 2022, soit moins que l’ensemble des autres acheteurs publics. Elle note toutefois une montée en puissance du recours à ce marché global depuis le plan France Relance de 2020, consacré à la rénovation globale du parc immobilier de l’Etat. Ces marchés ne concernaient toutefois « qu’une part très minoritaire des projets retenus mais une part en montant très significative », peut-on lire dans le rapport.

Diversifier les clauses sociales

Autre enseignement du rapport : « L’Etat n’est pas en mesure d’être, par ses achats, un acteur important de l’insertion par une activité économique » du fait de leurs objets qui ne portent pas principalement sur des secteurs d’activités où la présence de structures d’insertion est forte. La Cour considère néanmoins que la mutation en cours de l’achat public social devrait permettre à l’Etat de renforcer son impact en diversifiant la teneur des dispositions sociales, qui pourraient promouvoir davantage l’insertion des personnes porteuses de handicap, l’égalité femme/homme, ou la prise en compte des conditions de travail.

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