Marchés publics : les considérations environnementales et sociales pénalisent-elles les PME ?

« Les considérations responsables influencent l’accès des PME à la commande publique de différentes manières » selon Antoine Deschamps, auteur d'une étude sur l’impact des politiques d’achat public durable sur les petites entreprises commandée par la Direction des achats de l'Etat. Publiée le 5 juillet, elle révèle des effets parfois contradictoires.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Les PME sont plutôt attirées par les marchés publics comportant un critère responsable.

Peut-on concilier accès des PME à la commande publique et généralisation des considérations sociales et environnementales dans les marchés ? Une étude publiée le 5 juillet sur l’impact des politiques d’achat durable fournit des éléments de réponse. Commandée par la Direction des achats de l’Etat, elle s’intéresse à la compatibilité de ces deux objectifs, dans un contexte dans lequel la part d’attribution des marchés publics aux PME est restée stable ces dix dernières années (entre 40 et 45 %) et la présence de critères et de clauses liés à l’environnement ou au social est de plus en plus fréquente. 

L’étude s’appuie sur les données du Bulletin officiel des annonces des marchés publics. Les résultats concernent donc essentiellement les marchés publics d’un montant supérieur aux seuils européens, les seuls pour lesquels une publication au BOAMP est obligatoire.

Des clauses plutôt que des critères

L’auteur de l’étude, Antoine Deschamps, doctorant en économie à Avignon Université, observe que sur les dernières années les clauses responsables ont pris le pas sur les critères. Ainsi 25 % des lots attribués entre 2022 et 2023 contenaient une clause environnementale, alors que 21 % contenaient un critère environnemental.

Le rapport entre clause et critère est le même s’agissant des considérations sociales, mais leur introduction est « nettement moins fréquente ». On les retrouve dans environ 10 % des lots sur la même période. Bien que plus rares, les critères sociaux, lorsqu'ils sont prévus, occupent « une place plus importante que les critères environnementaux dans la décision d’attribution » du marché, leur pondération étant en pratique plus importante.

Les clauses environnementales favorisent l’accès des PME

« Les estimations menées révèlent que les considérations responsables influencent l’accès des PME à la commande publique de différentes manières », note Antoine Deschamps. Ainsi s’agissant des clauses environnementales, leur introduction dans un marché public « renforce la probabilité que celui-ci soit attribué à une PME plutôt qu’une plus grande entreprise ». Il n’est en revanche pas observé d’impact notable des clauses sociales.

Le paradoxe des critères responsables

La présence d’un critère environnemental dans les marchés aurait un effet attractif sur les PME, qui auraient tendance à davantage candidater à ces marchés qu’aux marchés dépourvus d’un tel critère. Mais la tendance s’inverse à mesure que la pondération de ce critère augmente, relève l’étude. Un poids trop important accordé au critère environnemental dissuade les petites entreprises de soumissionner.

Si les PME sont de prime abord attirées par les marchés comportant un critère lié à l’environnement, « il y aurait une divergence entre les anticipations des PME et les décisions des acheteurs ». En effet, il est démontré que ces marchés seraient globalement moins attribués aux PME. Il en va de même de ceux comportant un critère social.

Le critère social booste les PME dans les travaux

L'étude observe que les marchés de travaux « semblent les plus propices à la titularisation des PME », avec 52 % des lots attribués au moins en partie à une PME entre 2022 et 2023 (contre 42 % pour les services et 38 % pour les fournitures). Ce sont aussi ceux dans lesquels on retrouve le plus souvent des considérations sociales. Et à l’inverse de ce qui est observé sur l’ensemble des marchés publics, les PME paraissent avoir davantage de chances de remporter un marché de travaux comportant un critère social.

Les considérations environnementales sont également plus fréquentes dans les marchés de travaux que dans les marchés de fournitures et les marchés de services. Mais « un marché de travaux intégrant un critère de sélection d’ordre environnemental semble avoir globalement moins de chances d’être attribué à une PME qu’un marché qui en est dépourvu », révèle l’étude.

Allotir renforce l’accès des PME

En-dehors de l’impact des considérations responsables, l’étude permet aussi d’objectiver deux phénomènes. D’abord, « la valeur d’un marché a bien un impact négatif sur la probabilité d’octroi du marché à un PME ». Plus le montant du marché est élevé, moins il a de chances d’être remporté par une petite entreprise.

Enfin, « l’allotissement a bien un impact positif » pour les PME. Antoine Deschamps observe que « ces résultats soulignent la pertinence des règles d’allotissement pour favoriser l’accès des PME à la commande publique ».

Abonnés
Analyses de jurisprudence
Toute l’expertise juridique du Moniteur avec plus de 6000 commentaires et 25 ans d’historique
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !