Autoroute A69 : quels seront les prochains épisodes du feuilleton juridictionnel ?

Après l’annulation le 27 février de l’arrêté préfectoral accordant une autorisation environnementale pour le projet autoroutier entre Toulouse et Castres, la saga est loin d’être terminée. Le point avec Arnaud Vermersch, avocat en droit de l’environnement chez DS Avocats.

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A69 : échangeur de Soual
Après l'annulation de l'autorisation environnementale du projet A69, analyse des recours encore possibles.

Qu’elle soit « ubuesque » ou qu’elle constitue une « victoire de David contre Goliath », la décision du tribunal administratif de Toulouse du 27 février 2025 mettant un coup d’arrêt au projet autoroutier de l’A69 n’en constitue pas moins un revers pour l’Etat et son concessionnaire Atosca. Mais si cette bataille est perdue, ce jugement ne marque assurément pas la fin de cette saga juridictionnelle qui a débuté en 2021 avec la validation, par le Conseil d’Etat, du décret du 19 juillet 2018 portant déclaration d’utilité publique du projet.

Appel et sursis à exécution…

L'Etat l'a annoncé le jour même de la décision : il va faire appel. Il dispose de deux mois - soit jusqu’au 27 avril – pour porter l’affaire devant la cour administrative d’appel (CAA) de Toulouse en vue de faire annuler le jugement. « Logique » que ce soit l’Etat qui contre-attaque puisque la décision annulée est un arrêté du préfet, rappelle Arnaud Vermersch, avocat en droit de l’environnement, pré-associé chez DS Avocats. « Mais son concessionnaire Atosca va pouvoir se joindre sans difficulté à la procédure », poursuit-il.

L’appel ne suspendant pas le jugement du tribunal, l’Etat va demander en parallèle un sursis à exécution de la décision de première instance, comme le prévoit l’article R. 811-15 du Code de justice administrative. La CAA pourrait alors se prononcer dans les deux, trois mois sur cette demande de sursis.

Mais attention, prévient Me Vermersch, ce sursis est soumis à conditions : il faut démontrer qu'il existe « des moyens sérieux et de nature à justifier d'une part l'annulation du jugement et d'autre part le rejet des demandes des associations ». Loin d’être acquis donc !

« Pari risqué »

Dans l’hypothèse où le sursis était néanmoins accordé, le jugement du TA ne serait pas réputé devoir être exécuté, l'autorisation environnementale retrouverait alors sa capacité à produire des effets. Et en théorie, les travaux pourraient donc reprendre. Mais « redémarrer le chantier à ce stade de la procédure serait un pari risqué : cela montrerait la volonté de l’Etat de passer en force et de mettre les juges d’appel devant le fait accompli », considère Arnaud Vermersch.

Probable cassation devant le Conseil d’Etat

Que le sursis à exécution soit prononcé ou pas, l’appel, lui, sera jugé dans des délais classiques, soit d’ici un an à un an et demi. Une fois la décision de la CAA rendue, qu’elle soit favorable ou non à l’Etat, l’affaire sera sans nul doute portée en cassation devant le Conseil d’Etat. Soit la Haute juridiction confirmera l’arrêt d’appel et mettra un terme à la procédure, soit elle l’invalidera. Dans ce dernier cas, deux options seront possibles : « Le Conseil d’Etat peut renvoyer l’affaire devant la même cour, ou il peut l’évoquer et traiter le dossier au fond pour y mettre un terme définitif »... dans deux ans, deux ans et demi.

Outre les recours devant le juge administratif, des actions sur le plan pénal et civil sont également possibles

L’autorisation environnementale étant annulée, elle est réputée n'avoir jamais existé. Concrètement, cela signifie que la dérogation portant interdiction de porter atteinte à des espèces protégées et à leurs habitats n’a jamais été octroyée. Or, l’article L. 415-3 du Code de l'environnement punit de trois ans de prison et 150 000 euros d’amende quiconque détruit des espèces protégées sans autorisation… Atosca, en tant personne ayant mis en œuvre les travaux pourrait être poursuivie par les associations devant le juge correctionnel pour ce délit, précise Arnaud Vermersch.

Les requérantes pourraient aussi demander au juge civil la réparation de leur préjudice moral résultant de la réalisation des travaux en violation des prescriptions légalement applicables.

Par ailleurs, à l'issue du contentieux devant le juge administratif, les retards du chantier ou son arrêt pourraient susciter un contentieux entre l'Etat et son concessionnaire.

 

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