Les négoces sereins sur le transport et la logistique dans l’optique de la reprise

Après deux années de crise, les négoces passent en revue leurs organisations transport et logistique, dans l’optique du redémarrage du marché. Déjà, la reprise devrait être progressive, ce qui laissera le temps de s’adapter. Ensuite, les intervenants disposent de capacités excédentaires ou de solutions facilement mobilisables.

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Kardex de Bailly Quaireau
De nombreux négoces ont investi dans les infrastructures logistiques, comme ici chez Bailly-Quaireau, qui a installé un système automatisé de picking de Kardex.

Sans doute parce qu’ils anticipent une reprise « modérée » ou « progressive » du bâtiment en 2026, les négoces interrogés dans le cadre de ce dossier n’annoncent pas de vastes plans de bataille logistiques pour les prochains mois. « Je penche pour une reprise progressive plutôt que rapide », estime Franck Quaireau, PDG du négoce vendéen Bailly-Quaireau, spécialiste de la quincaillerie, de la menuiserie intérieure et extérieure, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 30 M€ en 2024. « Nous sommes sur un plateau bas. Cela ne va pas se transformer en croissance exponentielle », analyse Benoit Relandeau, directeur général opérationnel de Raboni (filiale de BME forte de 35 agences en Ile-de-France). De son côté, Charles-Gaël Chaloyard, directeur général de Tout Faire, coupe même court au débat : « J’exclus totalement le schéma d’une reprise forte en 2026. »

Infrastructures dimensionnées

Pas de reprise vive à court terme, incertitude à moyen terme : cela se traduit sur les infrastructures logistiques, un poste où les investissements se pensent à long terme. La plupart des professionnels interrogés par Négoce se disent actuellement en surcapacité. « Notre dépôt de 10 000 m² est dimensionné pour recevoir 30 à 40 % de volumes supplémentaires. En cas de redémarrage, il n’y aura aucun bouleversement sur le stockage », diagnostique Franck Quaireau. Adhérent Gedimat, Boulard-Verdier [5 agences à Clermont-Ferrand et dans son agglomération (Puy-de-Dôme)] poussera les murs en cas de reprise. « Notre plus gros dépôt, sur la zone industrielle du Brézet, compte 40 000 m² , dont la moitié sont couverts. J’ai donc de la place pour serrer les rangs », anticipe Ludovic Lejeune, directeur de l’enseigne.

Chelet Bois
Camion Chelet Bois Dans la majorité des négoces indépendants, il n'y a pas eu de suppressions d'emplois, et les équipes de chauffeurs-livreurs sont suffisantes pour appréhender un redémarrage de l'activité.

Le groupe Samse estime disposer lui aussi de suffisamment d’espace. Il revendique une surface logistique couverte « de plus de 150 000 m² », surtout, depuis l’entrée en service, fin 2024, de sa nouvelle plate-forme de 56 000 m² dans l’Ain. Cet outil doit lui servir à approvisionner L’Entrepôt du Bricolage, mais aussi à y développer les flux de cross-dock pour l’activité négoce, forte de près de 400 points de vente sous 23 enseignes (Doras, M+, Simc, VM Matériaux…).

Jouer la flexibilité

Cette plate-forme vient soulager celle de 47 000 m² que le groupe détient déjà à Brezin (Isère) et qui approvisionne déjà la partie négoce. « Le gain est économique, parce que nous supprimons les franco fournisseurs et nous accélérons la mise à disposition des produits dans nos agences, puisqu’avec le cross-dock toutes les agences peuvent se faire approvisionner sans attendre d’obtenir des camions complets », explique Laurent Géraudie, directeur de la sup-ply chain du groupe. Samse est déjà dans les starting-blocks, selon lui : « Au niveau des infrastructures logistiques, nous sommes prêts à adresser la reprise de l’activité, qu’elle soit lente et progressive ou qu’elle soit accélérée. » Après le stockage se pose la question des livraisons aux clients principalement sur chantiers, un service assuré par bon nombre de négoces, en particulier pour les matériaux. Là aussi, les intervenants interrogés affirment disposer de la marge.

Plannings modifiés

Déjà, beaucoup n’ont pas touché à leurs organisations ces deux dernières années. La majorité a choisi de ne pas supprimer d’emplois pendant la crise, notamment dans les équipes de chauffeurs-livreurs. Cela se vérifie surtout dans les entreprises où l’activité de transport est intégrée, tels les groupes isérois Samse ou finistérien Quéguiner (42 points de vente en Bretagne et en Loire-Atlantique et 6 sites de production de matériaux). Tout juste n’ont-ils pas remplacé un chauffeur parti à la retraite, comme chez Gedimat Boulard-Verdier. « L’année dernière, j’avais un chauffeur de plus. Cette année, j’ai 8 chauffeurs pour 8 camions, de quoi assurer 30 à 40 livraisons sur chantier par jour. Nous avons de quoi faire avant d’avoir besoin de faire appel à un prestataire », assure Ludovic Lejeune. Cependant, certains intervenants reconnaissent avoir dû modifier leurs plannings de livraisons pour s’adapter à la crise. Ainsi, Franck Quaireau calcule avoir perdu « 10 à 12 % d’activité, en volume et en valeur, sur les deux dernières années ». Et de poursuivre : « Nous avons dû réduire nos coûts logistiques, parce que nous ne parvenions pas à facturer le service transport à sa juste valeur. » Ses 7 camions de 26 tonnes ne livrent plus que trois fois par semaine là où ils livraient quatre ou cinq fois auparavant, et deux fois là où ils passaient trois fois.

Sérénité affichée

Quoi qu’il en soit, en cas de redémarrage, mobiliser des solutions de transport supplémentaires - camions avec chauffeurs - ne semble un problème pour personne. Le métier de chauffeur-livreur, réputé en tension, « l’est moins que par le passé », tempère Frédéric Rohou, directeur général de Quéguiner Transport, filiale transport du groupe éponyme. Explication : les ressources seraient disponibles. « J’ai un transporteur local sous le coude, Pemo, qui peut me fournir du jour au lendemain camions et chauffeurs », assure Ludovic Lejeune. Franck Quaireau qui loue ses chauffeurs et ses camions au spécialiste Berto depuis huit ans, n’a « aucune angoisse ». Selon lui, recourir à un prestataire de transport apporte de la flexibilité ; il suffit de solliciter de nouvelles capacités (chauffeur avec camion) pour augmenter dans la foulée ses livraisons et retrouver son rythme d’avant-crise.

Tout Faire Savigny
Tout Faire Savigny Le point de vente Tout Faire à Savigny (Rhône). C'est du côté des caristes que l'inquiétude est la plus grande pour faire face à la reprise.

La sérénité globale affichée par les négoces qui sous-traitent leur activité transport n’empêche pas certaines précautions. C’est le cas chez Tout Faire. « Le transport est un point qui pourrait coincer en cas de reprise », pointe Charles-Gaël Chaloyard. Le groupement, dont 90 % des 460 points de vente se situent en zone rurale (France et Belgique), a négocié des accords-cadres avec des transporteurs régionaux « afin de se prémunir ». Tarifs, volumes et conditions commerciales sont prévus, afin que « chaque adhérent sache exactement à l’avance combien un camion de plus avec chauffeur lui coûteront s’il en a besoin », explique le dirigeant.

Recherche de caristes

Les groupes qui ont fait le choix d’intégrer l’activité de transport ne sont pas plus inquiets face à la mobilisation d’éventuelles ressources en cas de reprise économique. Ainsi le groupe Samse dit pouvoir, par exemple, déplacer des effectifs entre ses filiales Transports Schwartz et Sud Appro, qui emploient une centaine de chauffeurs, pour « se donner de la souplesse au cas où certaines régions redémarreraient plus vite que d’autres », explique Laurent Géraudie.

En fait, en cas de redémarrage très fort de l’activité, hypothèse peu probable, c’est davantage sur les postes de caristes et de préparateurs de commandes que les ajustements pourraient grincer, selon les professionnels. « Si la reprise est rapide, cela pourrait être un élément freinant, pas si elle est progressive, parce que ce sont des métiers sur lesquels il est difficile de faire des projections », confirme Laurent Géraudie. Comme cela l’a été pour les chauffeurs-livreurs, les recrutements sur ces métiers sont tendus et le turn-over est élevé. Les remises à niveau des effectifs pourraient être d’autant plus heurtées que ce sont les postes sur lesquels les négoces ont le plus réduit la voilure depuis deux ans. « Je n’ai pas supprimé de postes de préparateurs de commandes en CDI. En revanche, j’ai supprimé les intérims et les CDD qui étaient en surplus d’activité », explique ainsi Ludovic Lejeune.

Si ce dirigeant se dit pas trop inquiet à l’idée de devoir chercher des préparateurs de commandes - grâce aux nouveaux outils informatiques, un préparateur se formerait en quarante-huit heures -, il reconnaît que c’est plus « compliqué » pour un manutentionnaire titulaire d’un permis de cariste. « Je cherche depuis trois semaines en vain. Je vais chercher plutôt un savoir-être, quitte à lui payer la formation de cariste et le faire grandir avec l’entreprise. » Ou comment apprendre d’une crise.

Inquiétudes sur les chaînes d'approvisionnement

Tout ne dépend pas des négoces. Selon eux, quand l'activité repartira, le transport et la logistique pourraient connaître des inerties liées aux fournisseurs, en matière d'approvisionnement des produits, pour commencer. Benoit Relandeau, directeur général opérationnel de Raboni (groupe BME), souligne : « Nous aurons des soucis sur certaines références où les industriels travaillent à flux tendus. » Les délais d'approvisionnement risquent d'être rallongés, le temps que les fournisseurs remettent toutes leurs lignes en production. Les « matériaux en général » pourraient être concernés, à commencer par ceux intervenant dans le gros œuvre, très affectés par la crise (briques, pierres, parpaings…). Le carrelage, secteur dans lequel les fournisseurs ont pris le pli du flux tendu, devrait aussi faire partie des familles où un préchauffage sera nécessaire.

Par ailleurs, des nuages pourraient s'accumuler au-dessus des matériels techniques (camions-grues, camions-toupies…). Chez Samse, on se souvient de la période post-Covid-19 avec inquiétude. « Sur certains matériels, les délais de réapprovisionnement avaient été très longs. Nous risquons de retomber dans le même schéma », craint Laurent Géraudie, directeur de la supply chain du groupe, le temps que les constructeurs retrouvent leurs cadences antérieures.

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