Enquête

Écoconduite et réduction des émissions de CO2 au menu des livraisons

Par engagement RSE et par obligations réglementaires, les distributeurs doivent réduire leur empreinte carbone. Principale dépense d’énergie, le transport comporte différents leviers pour décarboner : choix du carburant, écoconduite, télématique et plan de transport.

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Brico Dépôt optimise ses tournées avec le co-chargement.
Brico Dépôt se réjouit d'avoir réduit ses émissions de carbone de 12,4 % au premier semestre 2024.

Entre réglementation et RSE, les distributeurs sont sommés de réduire leur empreinte carbone. « De plus en plus, nos clients, surtout les grands comptes, demandent nos émissions de CO2, car ils sont tenus de déclarer les émissions sur chantier, raconte Xavier Calamy, directeur de la supply chain de SIG France, maison mère de Litt et de Lariviere. Les transporteurs doivent verdir leur flotte. Certains ont déjà réussi à décarboner jusqu’à 15 % de leurs distances parcourues. » En signant la Charte CO2 de l’Ademe, SIG France s’est engagé à la neutralité carbone en 2035. Le groupe a ainsi électrisé 60 % de ses chariots de manutention, et vise les 100 % en 2028.

Mais le poste principal d’émission reste le transport de livraison, qui « représente environ 80 % de nos émissions » estime Nicolas Sokol, directeur du transport de SIG France. Alors le groupe optimise son plan de transport, en commençant par mutualiser la livraison des agences Litt et Lariviere depuis une plate-forme logistique commune à Marly (Val-d’Oise) labellisée Biodiversity. Le transporteur Berto préconise même de mutualiser les flux avec d’autres acteurs via des hubs de transport. « Mettre en commun entre concurrents semble un sujet sensible, mais le dernier kilomètre reste le plus polluant, celui qui concentre la marge d’amélioration la plus importante », observe Guillaume Gaillard, directeur de l’innovation de Berto. Il suggère aussi d’éliminer les retours à vide des camions : « Au retour d’une livraison sur chantier, le transporteur peut ramener les déchets en point de collecte. »

Optimiser la livraison

Trois ans après s’être engagé auprès de Fret21, Brico Dépôt annonçait fièrement avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 12,4 % au premier semestre 2024. Parmi ses principales mesures, l’enseigne a optimisé les chargements de ses camions afin d’en faire circuler moins. « Livrer des palettes homogènes rend la marchandise plus facilement gerbable et plus simple à charger, explique Olivier Brize, responsable des entrepôts logistiques de Brico Dépôt. Nous favorisons le cochargement en livrant deux magasins plutôt qu’un seul, ce qui n’était pas naturel jusqu’alors. C’est un vrai travail d’acculturation. » Les livraisons sont réparties depuis deux entrepôts, au nord et au sud : l’un au Havre (Seine-Maritime), l’autre à Saint-Martin-de-Crau (Bouches-du-Rhône). « Les analystes équilibrent les commandes afin d’éviter les navettes inter-sites pour rééquilibrer les stocks », détaille Olivier Brize.

Outre le chargement des camions, le suivi des trajets favorise l’adaptation, selon Nicolas Sokol : « Si un camion roule à proximité d’une autre agence, nous détournons son trajet en cas de besoin de dernière minute. »

La télématique transmet également des données en temps réel sur le comportement des conducteurs (consommation, temps d’arrêt, vitesse, fréquence de freinage, données sécuritaires…) pour mesurer l’évolution des pratiques.

« Nous voyons lorsqu’un conducteur quitte son camion sans éteindre son véhicule, poursuit Nicolas Sokol. Les seuls temps d’arrêt ont émis 51 t de CO2 en 2024, nous devons faire mieux. La télématique surveille aussi l’état des pneumatiques, car un pneu mal gonflé consomme davantage. » Guillaume Gaillard complète : « La télématique nous fait économiser 18 % sur les frais, tandis que notre solution de gestion des livraisons (Delivery Management System) optimise nos tournées à hauteur de 10 % des kilomètres parcourus. »

Ancrer l’écoconduite

« Nous formons tous nos chauffeurs à l’écoconduite depuis 2017, en objectivant leur consommation mensuelle, et nous économisons 5 % de carburant, calcule Nicolas Sokol. En cumulé, cela représente 65 000 litres par an sur l’ensemble de notre flotte, soit autour de 100 000 €. » Berto promet même des économies de 10 % du carburant et de 20 % d’émissions de carbone. Outre la réduction de la consommation, l’écoconduite limite la pollution sonore et apporte une conduite plus fluide et anticipative qui réduit la fatigue, les risques d’accident et l’usure prématurée des véhicules.

« La conduite rationnelle, qui commence par la gestion des freinages pour moins consommer, est plus vieille que nous. Le simple fait de mieux anticiper les ronds points améliore la sécurité », relate le directeur innovation de Berto, qui recense une accidentologie amoindrie de 10 à 15 %. Guillaume Gaillard revendique un retour sur investissement de « 2 à 3 l/100 km pour un 44-tonnes comme un porte-grue », mais insiste sur l’importance du suivi des pratiques après la formation : « Sans sensibilisation continue, le chauffeur retombe vite dans ses anciennes habitudes. »

Multimodal

Pour les distributeurs, il s’agit également de trouver l’équilibre entre engagement client et optimisation de plan de transport. Si les négoces se trouvent souvent dans l’urgence, ils peuvent anticiper les demandes au maximum. « La promesse d’une livraison à J+1 a un coût pour le négoce, il ne faut pas se leurrer, concède Xavier Calamy. Mais en optimisant avec certains outils, nous n’augmentons pas le stress des salariés. De plus, les clients peuvent entendre d’attendre deux ou trois jours, mais ils se montrent très sensibles au respect du délai. »

Enfin, le multimodal apparaît comme une option supplémentaire de décarbonation, comme l’expérimente Berto. « À l’occasion des JO 2024, quand les routes étaient bloquées, nous avons commencé à travailler sur le transport fluvial », raconte Guillaume Gaillard. De même, « l’exploitation du rail permettrait de décarboner massivement, mais, pour le moment, le fret ne couvre que 2 % de nos trajets », regrette Olivier Brize, qui souhaiterait que les infrastructures suivent.

Le choix du meilleur carburant

Pour faire rouler ses camions, DSC privilégie l'électrique et le B100, « appelé à alimenter 53 % de sa flotte d'ici à 2030 ». Depuis 2023, SGDB procède au rétrofit de ses véhicules de livraison, du diesel au B100. Ce produit à base d'huile de colza pourrait assurer une autonomie jusqu'à 800 km pour ses porteurs de 12 t, selon un communiqué du groupe. DSC a muni ses plates-formes logistiques de cuves de 20 000 l pour livrer ses clients Cedeo et Clim+ sur chantier dans le Grand Est. « Pour atteindre le zéro net, il n'y aura que l'électrique », soutient Xavier Calamy (SIG France). Même si son autonomie évolue vite, il restera réservé aux grosses agglomérations, comme le gaz naturel comprimé. Berto considère le HVO et le B100 comme des carburants « quick win », qui ne demandent pas de changement d'habitudes, avec un bon maillage de pompe. L'hydrogène contraint davantage, mais l'expérimentation d'un premier camion par Point.P montre que la conduite sans bruit s'avère très agréable pour le conducteur.

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