Distribution : se préparer à la reprise

Les bons indicateurs frémissent enfin. Les transactions sur le marché de l’immobilier redémarrent, suite à la baisse des taux. Quant à la maison neuve, elle sort du marasme. Après des mois de crise, les acteurs des différents marchés espèrent un rebond qui se profile, à échéances variables. Mais il reste difficile de parier sur une relance forte.

Réservé aux abonnés
chantier participatif
chantier participatif

Anticiper, prévoir ou même imaginer une sortie de crise n’a jamais été aussi complexe. « Le contexte national, international et géopolitique peut basculer à tout moment », rappelle Fabio Rinaldi, président du directoire de BigMat, qui vise un léger rebond pour 2026. « Le marché n’est toujours pas bon avec un premier semestre en retrait de 7,1 %, après -14,4 % fin juin 2024. Malgré tout, BigMat résiste mieux, avec un fléchissement de 4,5 %, grâce aux actions mises en place très tôt avant la crise, explique-t-il. Nous commençons à voir des signes de reprise. Mais il ne faut pas oublier que le marché a perdu un cinquième de son activité depuis le mois de juillet 2023. Nous tablons tout de même sur un meilleur second semestre, autour de -5 %, car le logement est un besoin primaire. Le redémarrage va être lent, progressif et sur des rythmes plus mesurés. » Si 2026 rime aussi avec redémarrage pour Tout Faire Matériaux, son directeur général, Charles-Gaël Chaloyard, pointe « un niveau incroyable d’incertitudes, MaPrimeRénov’ en étant un exemple criant. La reprise va donc être molle au regard des niveaux très bas dans lesquels tous les marchés ont plongé ».

Valoriser les standards

Du côté du marché de la décoration, la distribution professionnelle « ne devrait pas renouer avec une croissance avant 2028, selon nos indicateurs internes (DécoData) et au regard de la conjoncture macroéconomique », jauge Philippe Poujol, président de la Fédération nationale de la décoration (FND). Et d’insister : « Les élections municipales de 2026, les incertitudes qui entourent le projet de loi de finances et la perspective de la présidentielle en 2027 vont continuer de peser. Ces échéances freinent les décisions dans la construction et placent les projets de rénovation en situation d’insécurité. La décoration, qui intervient en bout de chaîne de ces activités, en subit mécaniquement les effets. » Reste que tous les intervenants se préparent pour répondre à la demande.

« Tout fonder sur la croissance me semble un mauvais raisonnement », avance le directeur général de Tout Faire, s’appuyant sur le credo « la performance est en nous ». Le groupement a déjà fait 2 % de mieux que le marché en 2024 ainsi qu’au premier semestre 2025 : « Les éléments de progression sont en interne, et nous nous y attelons. »

Après avoir diversifié l’offre avec une gamme consacrée aux paysagistes, « nous allons améliorer nos points faibles au niveau de la performance commerciale. En tant qu’intermédiaires, nous devons apporter plus de valeur ajoutée au marché, et transformer nos méthodes d’activité. Il faut vraiment s’intéresser à la chaîne de valeur, et être davantage des commerçants. » La solution passe par l’amélioration des magasins, « avec des showrooms pédagogiques où les produits sont mis en valeur, et agréables à visiter aussi pour les particuliers. Les vendeurs doivent délivrer un conseil de qualité par rapport à un projet pour pousser des produits à valeur ajoutée. Il faut apporter de la satisfaction aux clients et aux artisans, plutôt que de prendre simplement leurs commandes. »

Capacité d’adaptation

Pour la FND, anticiper la sortie de crise passe par une consolidation des forces de la filière. « Tout d’abord, il faut maintenir et valoriser les standards professionnels qui font la réputation de nos adhérents auprès des artisans et des entreprises », reprend Philippe Poujol, qui estime qu’il faut faire plus encore.

Il développe : « La profession devrait également savoir élargir son socle de clientèle en développant des offres “expert grand public” à destination des particuliers exigeants, sans pour autant cannibaliser la relation de confiance avec les professionnels. » Cela passe par la nécessité de préserver la technicité « qui nous distingue », tout en inventant de nouveaux services et parcours clients. À ce sujet, la filière dispose d’un outil stratégique pour accompagner le rebond à venir : l’entrée en vigueur du nouveau code NACE 46.83-J, effectif au 1er janvier 2026, et dédié à la distribution professionnelle de produits de décoration. « Ce changement de nomenclature constitue une étape structurante : il va améliorer la représentation de notre secteur auprès des pouvoirs publics, tout en apportant une meilleure lisibilité statistique », selon Philippe Poujol.

De son côté, BigMat mise sur l’agilité acquise par plus de quarante ans de métier, et d’autres crises déjà traversées. « Nous avons la capacité de percevoir les mois à venir. Au même titre que dès l’automne 2023 nous avons anticipé en donnant à nos adhérents les leviers pour traverser la tempête avec pour objectif d’être tous là à la sortie, nous saurons nous adapter lors du redémarrage, affirme Fabio Rinaldi. Selon la demande, nous avons la capacité de reconstituer nos stocks. Nous n’avons pas eu de plan de réduction des effectifs massif, et nos équipes, toujours présentes et formées, sauront répondre en cas de reprise. Maintenant, nous allons rester vigilants sur la gestion des encours et la situation de nos clients. »

Digitalisation et IA

Chez Tout Faire, l’intelligence artificielle (IA) a fait l’objet d’investissements importants, « notamment sur la sécurité pour ne plus avoir des personnes dans les magasins qui perdent leur temps derrière des caméras de surveillance. Nous pousserons aussi sur la partie commerciale. Mais au-delà de l’IA, notre challenge est de casser des habitudes délétères et de conserver des équipes en alerte, et innovantes », pour continuer de nager au-dessus du marché.

La FND prépare également ses adhérents aux mutations à venir « en matière de logistique, de digitalisation et de ressources humaines. À travers nos groupes de travail thématiques, nous explorons les grands axes d’évolution du négoce décoration : l’intelligence artificielle, la transformation des points de vente, la data, la RSE, autant de leviers pour mieux anticiper les attentes du marché ». En outre, la digitalisation de la relation client et chantier, « lorsqu’elle s’avère pertinente, jouera un rôle de levier pour absorber la reprise à coûts maîtrisés », augure Philippe Poujol. « Enfin, la montée en compétences des équipes constituera un facteur clé. Il s’agira de renforcer l’attractivité des métiers de la distribution et d’accompagner la professionnalisation des parcours. » Reste à tenir le cap en regardant vers l’horizon d’une reprise à date différée… et en espérant un peu de stabilité.

Avis d'expert : Loïc Vandromme, directeur général d'Hexaom

« En dépit d'un redémarrage, nous restons dans une situation anormalement basse. En 2025, le marché annuel devrait terminer autour de 70 000 maisons vendues. Il était de 50 000 en 2024, contre 120 000 sur les 15 dernières. S'il se stabilise autour de 80 000 en 2026, ce serait une bonne chose. Après un effondrement de nos volumes à 3 000 maisons vendues en 2024 et 4 500 en 2025, nous espérons revenir à notre rythme de croisière de 6 000 par des prises de marché et parce que le secteur s'est concentré. Mais l'élargissement du prêt à taux zéro n'a aucune incidence.

Le premier levier a été la baisse des taux de 1 % en redonnant un peu de pouvoir d'achat aux ménages, sachant qu'une grande partie ne pourra pas accéder à la propriété. Ensuite, il y a eu un effet de report des projets pendant deux ans. Beaucoup ont espéré une baisse du coût des terrains, mais ce n'était pas une crise de la demande. Même avec peu de volume, les prix du foncier se sont maintenus. Enfin, dans un contexte global anxiogène, l'immobilier reste une valeur refuge. Cependant, cette crise dure a eu un bénéfice : la mise en exergue que l'immobilier est une chaîne, et que nous avons besoin de tous les logements aussi pour créer un appel d'air dans le locatif. Si la ZAN n'empêche pas de démolir pour reconstruire donc, sans artificialiser les sols au sens de la loi, il faut assouplir le contexte réglementaire et encadrer les prix du foncier pour mettre de l'argent dans des bâtiments plus jolis et plus performants énergétiquement. Le logement est une préoccupation première des Français. Il a besoin de stabilité, de justesse, de pragmatisme et de solutions équilibrées pour tous. »

Avis d'expert : Julia Bachet, directrice générale de Vousfinancer

La crise en 2024 a été violente, avec 500 000 transactions immobilières en moins et une activité du crédit divisée par deux. Nous en sommes sortis avec une détente dès juin 2024. La dynamique reste insuffisante pour compenser deux années de chute, mais le marché des transactions est haussier, le neuf retrouve un peu de couleurs. Grâce aux baisses de taux indicateurs de la Banque centrale européenne, les banques ont reconstitué leur stock de liquidités. Après ne plus avoir prêté pendant deux ans pour certaines, elles ont réengagé la pompe à crédits. À côté de notre activité de courtage qui a bondi de 50 % depuis début 2025, nous misons sur l'accompagnement de la rénovation à l'achat. Grâce à tous les prêts bonifiés par les banques quand il y a amélioration du diagnostic de performance énergétique (DPE), le coût du crédit peut être inférieur sur un montant emprunté supérieur. Sous conditions, en achetant un bien étiqueté F et en engageant des travaux tout de suite, avec un faible écart de mensualité (de l'ordre de 30 €), l'acquéreur bénéficie d'un logement moins énergivore et d'une facture mensuelle allégée, tout en le valorisant en cas de revente. Ce message est porté auprès de nos agences, afin qu'elles diffusent cette pédagogie à leurs partenaires agents immobiliers pour inciter les primo-accédants à effectuer des travaux. Nous avons aussi travaillé sur un enjeu sociétal important, l'accompagnement des personnes de 60 ans et plus, déjà propriétaires. Nous proposons plusieurs solutions de financement pour valoriser leur patrimoine et le rendre liquide, afin de réaliser des travaux qui favorisent le maintien à domicile.

Abonnés
Top 100 de la distribution bâtiment et bricolage
Retrouvez le classement annuel du Top 100
Je découvre le classementOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !