Après la progression, la stagnation. Entre 2023 et 2024, deux promoteurs immobiliers avaient rejoint le club fermé des opérateurs ayant validé scientifiquement leur plan visant à baisser leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), appelée également trajectoire carbone. Depuis, peu de nouveautés… malgré les bonnes intentions de certains acteurs à la traîne sur le sujet.
Comme l’an dernier, donc, sept des 20 principaux promoteurs immobiliers de France ont élaboré un plan qui a été par la suite certifié par l’organisation Science based targets initiatives (SBTi), la référence mondiale en matière de validation des objectifs de lutte contre le changement climatique des entreprises, de la construction mais aussi d’autres secteurs émissifs comme l’énergie, la finance ou le textile.
Il s’agit de Nexity, Bouygues Immobilier, Icade, Kaufman & Broad, Eiffage Immobilier, Linkcity, en tant que filiale de Bouygues Construction, et Adim. Cette entité de Vinci Construction, 2e de notre dernier classement dans la catégorie tertiaire, se démarque de la concurrence : sa stratégie est compatible avec une limitation du réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Les premiers cités, eux, font des efforts pour ne pas dépasser 1,5°C.
Adim voit grand pour le béton « bas carbone »
Les périmètres de ces acteurs cotés en bourse ne sont pas les mêmes. Difficile de comparer, donc. Toutefois, les objectifs communiqués donnent une idée des paliers à franchir.
Commençons par Nexity. Le leader du marché compte diminuer de 47% « les émissions absolues de CO2 liées aux scopes* 1 et 2 en 2030 » et de 42% « les émissions de CO2 par m² liées au cycle de vie des bâtiments livrés en 2030 (scope 3 lié aux activités de promotion), soit un niveau 10% meilleur que la RE2020 ». L’année de référence choisie est 2019.
Les trois périmètres d’un bilan carbone
- Le scope 1 représente les émissions directes de GES produites par l’entreprise, via sa flotte de véhicules par exemple.
- Le scope 2 correspond aux émissions indirectes liées aux consommations énergétiques, à travers l’achat pour son propre usage d’électricité, de chaleur, de froid…
- Le scope 3 est lié aux émissions indirectes qui ne sont pas sous le contrôle de l’entreprise (approvisionnements, traitement des déchets…).
Sur la même période, Kaufman & Broad compte « réduire ses émissions absolues de GES de scope 1, 2 et 3 de 46,2% », rapelle le groupe dirigé par Nordine Hachemi, tandis qu’Icade vise -46% sur les deux premiers scopes et -30% sur le troisième, en amont et en aval. Des objectifs détaillés avant la rapide hausse des taux entre mi-2022 et mi-2023 qui fragilise encore le secteur, sans parler de la fin du Pinel qui soutenait l’activité de certains opérateurs.
De son côté, Bouygues Immobilier a choisi 2021 comme année de référence. Le 3e de notre dernier classement des promoteurs table sur une réduction de 42% de ses émissions d’ici 2030 sur les activités des scopes 1 et 2, et de 28% sur celles du scope 3.
Pour y parvenir, il mise entre autres sur le biosourcé. Un partenariat a récemment été mis en place avec CCB GreenTech pour le bois. Bouygues Immobilier annonce que plus de 10% de ses m² livrés en 2030 seront biosourcés. Cette donnée est indisponible pour l’année en cours. A fin 2024, tous ses projets comprenaient, dans sa structure, ses peintures ou ses isolants, au moins un matériau issu du vivant.
Son partenariat avec le vendéen avec Hoffmann Green Cement Technologies lui a permis, dès 2022, de sécuriser ses approvisionnements en béton « bas carbone », sans clinker. Environ 6% de ses programmes livrés en 2024 en ont. Comme en 2023. Malgré cette stagnation, le promoteur vise toujours 80% d’ici 2030.
Eiffage Immobilier souhaite atteindre le même pourcentage à cet horizon, tandis qu’Adim se montre plus ambitieux, déclarant vouloir utiliser du béton décarboné dans 90% de ses chantiers en 2030.
Altarea n’a pas la certification
Bien parti pour devenir le premier promoteur de France au regard de ses derniers résultats semestriels, Altarea a bâti une trajectoire carbone, mais celle-ci n’est pas validée par le SBTi. Diversifié dans la gestion d’actifs et le photovoltaïque notamment, le groupe coté est pourtant scruté par les investisseurs, au fait de la prise en compte progressive par les acteurs économiques des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ses communications trimestrielles font notamment état de la part de chiffre d’affaires aligné sur la taxonomie européenne, dans le cadre de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, communément appelée CSRD pour « Corporate sustainability reporting directive ».
Altarea estime que d’ici 2030, « son intensité surfacique moyenne sera comprise entre 900 kgCO2e/m² et 1000 kgCO2e/m², en raison notamment de la montée en puissance de la très exigeante réglementation RE2020 », dont les seuils 2025 et 2028 sont redoutés par d’autres opérateurs, en particulier ceux de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) qui milite pour revoir à la baisse ses objectifs.
Compte tenu de sa cible d’intensité surfacique et espérant retrouver dans cinq ans un niveau d’activité au moins équivalent à celui de 2019, le groupe pense que ses émissions seront comprises entre 850 et 950 milliers de tonnes de CO2, soit respectivement -46% et -39% par rapport à l’année de référence choisie par la plupart de ses concurrents.
Bassac, un autre groupe coté dont les marques françaises Marignan et Les Nouveaux Constructeurs se sont distinguées au premier semestre, et Pichet ne communiquent pas sur le sujet. Et GreenCity Immobilier n’a pas encore de trajectoire carbone. Le promoteur basé à Toulouse assure pourtant depuis l’an dernier qu’elle est en cours de construction...
Pour bâtir leur plan, les opérateurs se font accompagner par des organismes français, qui ne sont habilités pour valider scientifiquement les stratégies mises en place. Le réseau Procivis, spécialiste du logement, a sollicité le certificateur de bâtiments Prestaterre, tandis qu’Emerige a dessiné sa trajectoire carbone avec le bureau d’études Pouget Consultants.
Tous deux issus de la finance, Crédit Agricole Immobilier et Sogeprom ont frappé à la porte du cabinet de conseil Carbone 4. La filiale de Crédit Agricole compte « réduire de 30% l’intensité carbone de [ses] constructions » entre 2021 et 2030. Celle de Société Générale annonce deux objectifs entre 2019 et 2030. En résidentiel : -40% d’émissions de GES par « m² habitable ». En tertiaire : -20%.
Pierreval, qui n’avait pas de stratégie jusque l’an dernier, en a finalement une, mais ne la détaille pas. De son côté, Demathieu Bard Immobilier a mis sur pied sa trajectoire via la plateforme Sweep. La filiale du constructeur éponyme vise désormais une certification auprès du SBTi.
GA Smart Building a progressé
Hors top 20, le promoteur et constructeur hors-site GA Smart Building fait partie de ces rares acteurs nationaux qui ont progressé depuis l’an dernier, le SBTi ayant validé son plan. De son côté, LP Promotion est accompagné par Carbone 4. Son plan non certifié vise une réduction de 30% de « l’intensité carbone de [ses] constructions (kg eq CO2/m²) entre 2021 et 2030 ».
Citons également Lamotte qui n’a pas de trajectoire carbone mais assure être engagé. Le promoteur national compte notamment utiliser le levier du réemploi pour réduire son empreinte. Les produits réutilisés dans ses opérations après avoir servi dans d’autres chantiers représentaient 5% de ses m² livrés l’an dernier. Cette part devra doubler d’ici 2030. Concernant le bois, celui-ci pesait 10% en 2024 et devrait afficher 15% cette année. Un objectif de 60% est annoncé à horizon 2030.
Enfin, WO2 ne dispose pas non plus de trajectoire carbone mais se déclare hors-catégorie avec ses bureaux et autres bâtiments non résidentiels en bois massif : « 100% des opérations immobilières sont ou seront alignées à la trajectoire Crrem ». Une référence au « Carbon risk real estate monitor », un outil développé par un consortium européen et financé par l’Union européenne. Le 10e promoteur national dans la catégorie tertiaire travaille le sujet avec le bureau d’études Artelia.