Le jugement est attendu dans un bon mois. Mais au vu des conclusions présentées par la rapporteure publique lors de l’audience au tribunal administratif, ce jeudi 5 décembre, la Ville de Marseille risque de devoir modifier, voire résilier, l’accord-cadre d’une durée de dix ans signé avec la Spem en avril 2023 pour construire et réhabiliter 188 écoles prévu dans le plan Ecoles, volet du plan « Marseille en grand » décidé par le président de la République pour remettre à niveau la cité phocéenne.
Le collectif de trois parents d’élèves qui a déposé le recours juste après l’adoption, en février 2023, de la délibération du conseil municipal autorisant la signature de l’accord-cadre, ne remet pas en question le plan Ecoles et la création de la société publique locale d'aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) Spem. Il regrette simplement que la Ville ait conclu un marché de partenariat, « même s’il est public » avec la Spem, confiant ainsi l’avenir des écoles à un prestataire extérieur. Or, selon le collectif, le plan Ecoles a vocation aussi à favoriser une montée en puissance des services municipaux, ce que la sous-traitance de l’entretien ne permet pas.
Missions d’une SPLA-IN
Mais surtout, s’appuyant sur l’article L. 327-3 du Code de l’urbanisme, qui définit les missions d’une SPLA-IN, les requérants considèrent que l’accord-cadre est entaché d’un vice. « Dans le contrat, il est écrit que la Spem peut réaliser tous types d’opérations nécessaires à la durabilité et à la conservation des écoles qui lui seront confiées. Cela nous a interpellés car cela revient à lui confier des missions d’entretien et de maintenance des bâtiments et équipements qui lui sont transférés. Or, si nous lisons bien l’article L. 327-3, la Spem, qui est une SPLA-IN, n’en a pas la compétence légale », a expliqué au « Moniteur » Arnaud Dupleix, représentant du collectif.
La rapporteure publique a suivi les requérants sur ce dernier argument, considérant que « l’accord-cadre outrepasse les compétences d’une SPLA-IN en lui confiant la maintenance et l’entretien ». Il appartient maintenant aux juges de vérifier « si une régularisation est envisageable ».
Intérêt général indéniable
Considérant l’« intérêt général indéniable » de la reconstruction de 188 écoles, soit 40 % du parc scolaire, elle propose de laisser un délai de six mois à la Ville afin d’assurer « une continuité de la mise en œuvre du plan et de la rénovation, qui a commencé ». Ce délai permettrait à la commune de « rectifier l’erreur qu’elle a faite » de confier à la Spem des missions incompatibles avec son statut.
De son côté, Mathieu Noël, du cabinet Parme Avocats, défendant la Ville, a considéré qu’il « est très difficile d’affirmer que les prestations de maintenance sont étrangères à la construction ou à la réhabilitation. Il s’agit, ni plus ni moins, de demander à la Spem de garantir le bon état. La théorie du complément normal me semble applicable », a-t-il argumenté, ajoutant que « les activités de maintenance sont inférieures à 3 % du volume global des opérations. On peut donc parler de caractère accessoire ». Pour le collectif, l’évaluation est surprenante, car, selon lui, les élus ont voté une enveloppe de plus de 300 millions d’euros, soit 20 % du montant global…
Nouveau directeur général
L’avocat de la Ville a, par ailleurs, mis en avant « l’importance suprême de l’accord-cadre ». Mettant en balance « la gravité supposée du vice et l’intérêt général supérieur du plan Ecoles », il a demandé de « poursuivre l’accord-cadre dans les termes dans lesquels il est rédigé ». Il a également plaidé pour un allongement du délai à un an. « La modification de l’accord-cadre impose de modifier l’ensemble des marchés conclus en aval. Quelque 86 opérations sont lancées, six mois seraient trop courts ».
C’est un nouveau rebondissement qui risque de retarder la mise à niveau du patrimoine scolaire marseillais. D’autant que dans un communiqué commun, paru le 5 décembre, la Ville et la préfecture ont annoncé la nomination du nouveau directeur général de la Spem. Nicolas Andreatta prend la suite de Vincent Bourjaillat. Nommé en septembre 2022, ce dernier a su constituer une équipe solide et lancer, en phase travaux ou en études, trois des sept vagues d’opérations programmées dans l’accord-cadre. Décrit comme « spécialiste de la maîtrise d’ouvrage de projets complexes en phase opérationnelle », Nicolas Andreatta occupait, jusqu’à ce jour, le poste de directeur des projets immobiliers à CentraleSupélec.
Pour un proche du dossier, il n’y pas péril en la demeure car, in fine, le plan Ecoles, volet du plan « Marseille en grand », n’est pas menacé. Ce programme chiffré à plus d'un milliard d’euros est justement soutenu par l’Etat par 400 millions d’euros de subventions et de 650 millions d’euros de garanties bancaires. D’ailleurs, 200 millions d’euros de prêts accordés par la Banque du conseil de l’Europe viennent d’être garantis. Décaissés au fur et à mesure des projets, ils vont servir à financer une soixantaine d’écoles correspondant à deux des sept vagues.