Jurisprudence

Vente du Stade de France : le recours d’un candidat rejeté par le tribunal administratif

La mise en concurrence pour le rachat du Stade de France (Seine-Saint-Denis) lancée par l'Etat n’est pas une procédure de passation d’un contrat de la commande publique et ne peut donc pas faire l’objet d’un référé précontractuel, a estimé le tribunal administratif de Montreuil le 15 mai 2024. Le recours de la société Poulmaire Gestion Fiduciaire pour contester le rejet de l’offre du groupement auquel elle appartenait (avec ASM Global, NGE et Dubrac TP) est donc irrecevable.

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Le Stade de France à Saint-Denis (93).
Marchés publics

L’Etat a lancé en mars 2023 deux procédures de mise en concurrence en parallèle pour la gestion du Stade de France à compter du 1er juillet 2025 : une pour le renouvellement de la concession, détenue depuis 1995 par le consortium Vinci-Bouygues, et une pour la vente sous forme de cession avec charges (maintien de l'usage du stade et socle de travaux de mise aux normes notamment) de l’enceinte. Elles prennent toutes les deux la forme d’un appel d’offres et ont été publiées au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP). Mais malgré leurs similitudes, ces procédures n’obéissent pas au même régime juridique notamment en matière de contentieux. C’est ce qu’a jugé le tribunal administratif (TA) de Montreuil dans une ordonnance du 15 mai (TA Montreuil, 15 mai 2024, n° 2404859).

La compétence du juge en question 

La société Poulmaire Gestion Fiduciaire, membre d’un groupement baptisé « Stade de France – notre bien commun » également composé d’ASM Global, NGE et Dubrac TP contestait le rejet de son offre remise en vue du rachat du Stade de France. Elle avait saisi le juge administratif d’un référé précontractuel. Toutefois le TA l’a informée que sa requête était susceptible d’être irrecevable : en premier lieu une opération de vente immobilière pourrait relever de la compétence du juge judiciaire ; en second lieu, si le juge administratif était tout de même compétent, l'action en référé précontractuel est conditionnée à la présence d'un contrat de la commande publique.

L'Etat ne souhaite plus vendre

Selon des informations du journal L’Equipe, en rejetant l’offre du groupement « Stade de France - notre bien commun », l’Etat aurait renoncé à vendre l’enceinte. Seul candidat à cette procédure, le groupement « n’aurait pas répondu à toutes les attentes juridiques désirées par les services de l’Etat » et notamment Fin Infra, la Mission d’appui au financement des infrastructures rattachée à Bercy. C’est donc la voie d’une nouvelle concession qui semble privilégiée pour l’avenir du Stade de France. Deux offres ont été remises pour son attribution : celle de l’actuel concessionnaire, le consortium Vinci-Bouygues, et celle de l'entreprise GL Events.

Les ventes des biens immobiliers de l'Etat relèvent de la juridiction administrative

Le principe est bien établi : s’agissant d’une vente portant sur le domaine privé d’une personne publique, c’est le juge judiciaire qui est compétent. Le juge administratif ne peut intervenir que si le contrat de vente porte sur l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses exorbitantes du droit commun. C’est ce que rappelle le TA, une décision du Tribunal des conflits de 2016 à l'appui (TC, 4 juillet 2016, n° 4052, publiée au Bulletin).

Mais ce principe ne s’applique pas à l’Etat, conformément à l’article L. 3231-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que les litiges relatifs aux cessions des biens immobiliers de l’Etat sont portés devant la juridiction administrative. Citant à nouveau le Tribunal des conflits (TC, 6 juin 2011, n° 3806, Bull.), l’ordonnance indique que cet article a pour effet « de soustraire à la compétence de l’autorité judiciaire ceux relatifs aux contrats de vente de biens immobiliers dépendant du domaine privé de l’Etat et à leur exécution ». Dès lors, service public ou non, clause exorbitante ou non, le juge administratif est compétent.

L'absence de déclassement du bien est sans incidence sur la compétence du juge

Le tribunal relève que la cession du Stade de France n’est actuellement pas juridiquement possible, l’enceinte étant toujours classée dans le domaine public de l’Etat. Pour rappel, les biens qui relèvent du domaine public de l'Etat sont inaliénables et ne peuvent être cédés qu'à condition de faire l'objet d'un déclassement, c'est-à-dire d'un transfert dans le domaine privé. Toutefois il est noté que « l’impossibilité d’une telle cession en l’absence de déclassement effectif de cet équipement sportif public d’intérêt national ne fait pas obstacle à la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la procédure d’adjudication préalable à cette cession. »

La cession n'est pas une concession

Deuxième question à laquelle répond le TA : le candidat évincé pouvait-il agir en référé précontractuel ? Conformément à l'article L. 551-1 du Code de justice administrative, il faut que la requête porte sur une procédure de passation d’un contrat de la commande publique, comme un marché public (art. L. 1111-1 du Code de la commande publique) ou une concession (art. L. 1121-1 du même code). Le juge va donc rechercher si la cession avec charges envisagée est susceptible d'être requalifiée en l'un de ces deux contrats.

Il observe que la procédure de mise en concurrence a pour objet l’aliénation définitive du stade contre le versement d’un prix, renvoyant ainsi à la définition de la vente telle qu’elle figure dans le Code civil (art. 1582). Il n’est pas prévu que l’enceinte fasse son retour dans le patrimoine de l’Etat à l’issue de la période de mise en œuvre des obligations contractuelles à la charge de l’acquéreur. Lesquelles obligations, qui conditionnent la cession, sont sans incidence sur la nature de l’opération, estime en outre le TA qui en conclut que la vente ne peut pas être requalifiée en concession.

Une appréciation stricte des règles procédurales

Il ne s’agit pas non plus d’un marché public car, selon le juge, l’opération ne vise pas à satisfaire aux besoins de l’Etat en matière de travaux, de services ou de fournitures. Elle peut tout de même « présenter une analogie avec la satisfaction des besoins en financement d’une personne publique », toutefois cette circonstance ne suffit pas à requalifier la vente.

Enfin, il n’existe aucune disposition qui attribue compétence au juge du référé précontractuel pour assurer « le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles l’Etat a entendu se soumettre spontanément pour cette procédure ». Ainsi, même si l’Etat a choisi d’appliquer pour l’opération de vente la procédure applicable aux marchés publics passés par des pouvoirs adjudicateurs, le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour autant.

Tribunal administratif de Montreuil, 15 mai 2024, n° 2404859

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