La répartition entre la valorisation et l'enfouissement repose sur une équation économique relativement simple si on fait fi de la problématique distance. Pour un collecteur de déchets, si le coût de tri additionné aux coûts des filières de recyclage (qui peuvent être négatifs comme dans le cas des métaux) est inférieur au coût du centre d'enfouissement, il a intérêt à trier. Mais il faut que la différence soit motivante soit au moins 15 à 20%.
La rareté des ressources favorable au tri
Les matières premières sont reparties à la hausse après avoir plongé début 2008. L'effet sur les matières premières secondaires, tant celles destinées à la valorisation matière qu'à la valorisation énergétique, a été similaire. Ainsi les métaux se revendent à nouveau très bien, le bois destiné à l'alimentation des chaudières a une valeur positive intéressante, et le plastique comme le PVC blanc peut être racheté à un prix très motivant pour celui qui extrait ces déchets du mélange qu'il reçoit. La rareté des ressources, qui touchent même aujourd'hui les granulats, entraînera dans les prochaines années une augmentation des prix qui sera très favorable au tri mais malheureusement aura un impact négatif sur les coûts de construction.
Augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)
Si on observe les régions en France où la valorisation occupe une place importante, on trouve une forte corrélation entre le niveau de prix des solutions d'élimination et la propension à la valorisation. En Rhône Alpes le prix élevé a permis à des acteurs économiques de se positionner sur la valorisation en investissant dans des outils de tri mécanisés tout en restant rentables. Dans d'autres zones il est impossible de faire des opérations de tri, c'est le cas notamment de la Mayenne ou de la Picardie où la capacité d'enfouissement est telle que les prix sont parmi les plus bas de France. De là à conclure qu'il faille augmenter le prix de la décharge pour augmenter la valorisation il n'y a qu'un pas, mais l'affaire est un peu plus compliquée à mettre en œuvre que cela. Tout d'abord le déchet ultime existe vraiment et c'est notamment le cas des putrescibles que l'on retrouve dans les ordures ménagères. Ces déchets ont toute leur place dans des outils d'élimination (même si on souhaite la diminuer fortement à l'avenir) ou par fermentation, ils vont générer des biogaz que l'on pourra brûler et turbiner. D'ailleurs cela sera un élément de modulation de l'augmentation de la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes) sur les Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux (I.S.D.N.D), prévue dans la loi de finances. Celle-ci va effectivement augmenter progressivement pour atteindre très progressivement 40€/tonne au maximum en 2015 au lieu de 15 aujourd'hui. Cependant les I.S.D.N.D qui valoriseront leur biogaz à 75% tomberont à 20€/t. Autrement dit l'augmentation des prix d'I.S.D.N.D ne sera pas si importante que cela, surtout si on considère que les opérateurs auront la possibilité de rogner sur les marges pour ne pas répercuter cette augmentation.
Le tri reste un problème
Le choix d'augmenter la TGAP de manière douce est défendable car il faut que tout le système puisse s'adapter et notamment les collectivités qui ne peuvent pas supporter une augmentation brutale de ces charges. Des mesures radicales comme au Royaume Uni où la TGAP va passer de 48£/tonne cette année à 80£/tonne dans trois ans ou encore comme au Luxembourg où les décharges sont à 175€/tonne.
Dans le cas de la France, si de telles mesures étaient prises, on aurait de toute manière du mal à trier en amont car la majorité des plateformes existantes ne sont plus ou moins que des stations de transfert de déchets où, au-delà du manque de formation des trieurs, le peu d'espace ne permet pas d'organiser le tri de manière efficiente. De plus, les investissements pour abaisser les coûts de tri, qui constituent le dernier paramètre sur lequel on peut jouer sont lourds et en période de crise, ceux-ci sont difficiles même avec les aides publiques.
Des stratégies à court et long terme
En définitive la question est complexe mais ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas se fixer d'objectifs ambitieux. Tout d'abord, il est peut être nécessaire de distinguer les déchets des ménages qui sont peu valorisables, sauf ceux qui ont fait l'objet d'un tri en amont, des déchets des entreprises. Ces derniers sont valorisables en très grande majorité et il est avantageux pour l'entreprise de participer à l'effort de tri, celui-ci permettant d'atteindre un coût global inférieur à l'enfouissement. Ce prix d'enfouissement est d'ailleurs la principale clef et l'attitude des opérateurs vis-à-vis de la manière dont ils gèrent leur patrimoine influencera de manière forte les taux de valorisation. Alors que certains ont stratégiquement choisi de jouer le long terme et de muter progressivement vers un autre mode de gestion, d'autres préfèrent jouer la carte du court terme en courant après les tonnages en les faisant même bouger sur des distances inacceptables. Il est d'ailleurs étonnant que cette différence d'attitude ne se retrouve pas dans la manière de communiquer sur les performances environnementales de l'entreprise, mais tout le monde ne doit pas avoir la même compréhension du respect de l'environnement.
Jean-Yves Burgy, gérant de Recovering, société d'expertise et de conseil dans le montage et le développement de filières de valorisation des matériaux.