Chez Socotec, l’IA générative (IAg) est désormais considérée comme un enjeu stratégique. Raphaël Leclercq, directeur de la data et de l’IA pour le groupe et également professeur en IA à l’ENS Paris-Saclay, voit dans les algorithmes les solutions d'IA du quotidien pour toutes les équipes du groupe ou presque. Conséquence de cette vision, le groupe connu pour le contrôle technique, mais aussi pour les essais, l’inspection et la certification développe de nombreux outils en ce sens.
Le premier, Sofia, a été lauréat de l’appel à projet « Ponts connectés » lancé après la catastrophe de Gênes pour connaître l’état de ces ouvrages en France. La solution, primée à plusieurs reprises, dont lors de l’édition 2024 de Tech Show for Construction, facilite les missions des inspecteurs puisque les photos des défauts constatés sont automatiquement classées et comparées avec la base de données du groupe qui compte 150 000 images de défauts, labélisées, structurées et rattachées à un ouvrage.
Les experts ont également étoffés leurs travaux avec des bases d’images disponibles en open data. Résultat : chaque défaut est mesuré, évalué pour permettre ensuite aux algorithmes d’établir une note de criticité de l’ouvrage global. « L’inspecteur peut toujours corriger cette note, car il reste l’expert sachant. Sa correction alimente alors le modèle pour améliorer sa précision », ajoute Raphaël Leclercq.
Transposer la technologie au nucléaire
Après deux ans de tests et d’essais, Sofia a atteint le stade du Proof of concept (POC) et va connaître de nouvelles améliorations avant d’être déployé au sein du groupe. « Le projet est de refondre le logiciel d’inspection de nos experts pour y ajouter cette brique d’intelligence artificielle. Le processus devrait se dérouler début 2026 au plus tard», précise l’expert data et IA. Chez Socotec, les équipes prévoient de capitaliser sur cette expérience pour transposer la technologie à d’autres types d’actifs comme le nucléaire.
Inspection par la voix
Depuis janvier 2024, le groupe dispose également de son propre Data IA hub, qui vise à massifier les investissements dans l’IA afin à la fois de transférer ces technologies aux différents métiers, mais aussi dans les différents pays où Socotec est présent. Après l’inspection augmentée par l’IA, le groupe a mis en place pour Eau de Paris une solution d’inspection par la voix. « Une personne prononce en moyenne 160 mots/minute, mais en tape 20 sur un smartphone dans le même temps », détaille Raphaël Leclercq. C’est bien pour accélérer les visites et améliorer leur efficacité que cet outil a été développé. Il est opérationnel depuis février dernier.
BlueGen rend accessible les contenus à forte valeur ajoutée
Autre initiative stratégique, le groupe met à disposition de ses 10 000 collaborateurs la plateforme d’IA générative BlueGen, qui vise à aider les experts en rendant facilement accessibles l’ensemble des documents produits. « Leur travail est d’analyser la réglementation, les situations et de produire des contenus à forte valeur ajoutée. L'IA aura pour rôle de les assister », reprend le responsable. Comment traduire la RE 2020 pour un immeuble de grande hauteur (IGH) ? En électrotechnique, lors d’un essai de charge, faut-il prendre en compte le poids de la palette ? A ces questions précises, BlueGen répond en citant sa source parmi toute la documentation disponible. L’outil donne ainsi des précisions complémentaires utiles tout en réduisant les risques d’hallucination [les réponses à la fois fausses et plausibles que peut produire l’IAg, NDLR].
Autre usage prévu : le travail sur l’historique des plus de 200 000 clients du groupe, permet de répondre très facilement à leurs demandes en disposant des données précises et bien structurées. Les collaborateurs peuvent interagir avec l’outil en langage naturel.
D’autres outils sont aussi en cours de développement, comme la détection de situation de presque accident sur les chantiers, l’extraction de données à partir de documents et de plans ou la robotique. Sur ce dernier point, le groupe travaille avec EDF pour mettre au point un robot capable de mesurer la radioactivité à proximité des centrales nucléaires.
Accompagnement au changement
Sur les 10 000 collaborateurs qui ont accès à BlueGen, 3000 s’en servent régulièrement. L’enjeu est parallèle réside dans l’accompagnement au changement afin que tous les salariés utilisent l’IA comme un outil bureautique classique. Pour diffuser ces connaissances, le groupe crée des prompts par métiers grâce à la mobilisation et l’investissement de personnes formées et accompagnées spécifiquement. Et bien sûr de nombreux modules de formation sont également mis en place.
