Tri des déchets sur chantier ou en aval : quelles solutions ?

Face à l'hétérogénéité des sources des déchets : construction ou déconstruction, acteurs entreprises ou particuliers, taille des chantiers, une réponse unique peut difficilement être apportée à l'optimisation de la valorisation des déchets. Etat des lieux des filières.

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Dépose des matériaux et valorisation de plusieurs lots de déchets comme le plâtre, le bois, les métaux dans le cadre de la déconstruction de la tour Veritas à la Défense.

Le tri et la valorisation des déchets de chantiers sont devenus un enjeu majeur pour le secteur du bâtiment. Si de nouveaux objectifs réglementaires sont fixés au niveau européen (voir encadré), le Grenelle 2 pour la France devrait entraîner de nombreux changements. Avec l'ambition de diminuer de 15% les déchets enfouis ou incinérés d'ici à 2012, il est notamment prévu de ne pas renouveler les capacités de stockage et de doubler la T.G.A.P. (Taxe générale sur les activités polluantes) sur les Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux (I.S.D.N.D) qui devrait passer en 2015 à environ 40€/t. D'autres mesures sont envisagées, comme la mise en œuvre de Plan Départementaux de Gestion de Déchets du B.T.P. favorisant l'utilisation de matériaux recyclés.

Au-delà de la réglementation de nombreux acteurs économiques s'engagent de manière volontaire. La prise de conscience globale des problèmes environnementaux actuels et futurs induit une multiplication des programmes H.Q.E. (ou autre tel L.E.E.D. ou B.R.E.E.A.M.) portés par les maîtres d'ouvrage publics et privés. Le niveau de performance TP de la cible 3 « Chantiers à faible nuisance » gestion des déchets de chantiers est de plus en plus recherché. Dans le cadre d'un chantier certifié il faudra prouver que l'on a suivi la traçabilité des déchets au niveau de la filière utilisée.Certains industriels se sont engagés volontairement dans des démarches de recyclage et de valorisation de leurs déchets générés soit lors de la pose soit lors de la fin de vie de leurs produits. Citons les filières dont le modèle technico-économique est déjà éprouvé. Dans le cas du PVC rigide, la société Veka contribue très fortement au développement de la filière de recyclage des châssis de fenêtres. Dans le cas des déchets de plâtre, Placoplatre a structuré un réseau de plus de 70 collecteurs qui, après un tri poussé et une massification des déchets conformes au cahier des charges, les expédient sur les ateliers de recyclage attenant à ses usines. La filière bois, quant à elle, est en pleine évolution tirée à la fois par la valorisation matière mais aussi et surtout par la valorisation énergétique.

Le contexte est donc favorable à la valorisation. Cependant, on estime que plus de 80 % des déchets non dangereux du bâtiment (10 millions de tonnes) seraient encore enfouis. Le changement sera probablement très lent.

Trier, oui. Mais, où et comment ?

Il faut tout d'abord s'intéresser aux origines du déchet. 65% des déchets du bâtiment proviennent de la démolition, 28% de la réhabilitation et seulement 7% de la construction neuve. Ensuite il faut analyser la typologie des acteurs qui est extrêmement hétérogène : entreprises, artisans, voire même les particuliers bricoleurs qui poseraient presque autant de plaques de plâtre que les entreprises plaquistes.

Il faut aussi s'intéresser à la taille des chantiers. La plupart d'entre eux sont petits, voire très petits, les gros chantiers ne représentent qu'une part marginale. Face à l'hétérogénéité du problème, une seule réponse à l'optimisation de la valorisation n'est probablement pas possible. Il faut donc traiter au cas par cas et voir quelle est a priori la meilleure solution.

Le cas des gros chantiers

Concernant les gros chantiers, si la place le permet, il est probablement intéressant de pratiquer le tri in situ pour maximiser le taux de valorisation. Dans le cadre de la construction, il y a en général un lot déchets qui peut être géré en compte prorata. Même si ce mode de gestion provoque souvent des mécontentements (les coûts étant imputés aux entreprises par des clefs de répartition qui ne reflètent pas le coût du déchet), il a la vertu de confier l'organisation de la logistique à une entreprise de collecte spécialisée qui va proposer une solution adaptée en fonction des déchets prévisionnels. De la simple mise à disposition de bennes à la gestion d'une mini déchetterie sur chantier, toutes les solutions sont possibles. La rotation des bennes et leur acheminement vers une plateforme de traitement de déchets sont optimisés, les coûts logistiques sont alors réduits ainsi que les impacts environnementaux. D'autre part la traçabilité des déchets est beaucoup plus simple et la délivrance d'un bordereau de suivi de déchets a minima, voire d'un certificat de recyclage peut être demandé.

A l'inverse, si chaque entreprise a la charge de ses déchets, tout cela devient beaucoup plus compliqué surtout si le maître d'ouvrage exige les justificatifs dans le cadre d'une opération H.Q.E. Ce fût le cas lors de la construction du lycée Kyoto à Poitiers où les différents corps de métiers devaient gérer leurs propres déchets (en ce qui concerne le plâtre, près de 40 tonnes de déchets ont été triés sur site, mis dans des bennes dédiées puis expédiées vers l'usine Placoplatre à Cherves Richemont (16).

Pour la démolition ou de la réhabilitation de grands bâtiments, le tri sur chantier ne peut se faire que si la déconstruction ou le curage du bâtiment est effectué au préalable. Plusieurs opérateurs sont capables aujourd'hui de faire les deux opérations. Dans le cadre de la déconstruction de la tour Veritas à la Défense, les entreprises Occamat Démolition et Prodemo réalisent la dépose des matériaux et valorisent plusieurs lots de déchets comme le plâtre, le bois, les métaux ou encore les néons en gérant leur propre logistique. La structure béton vidée des autres éléments pourra ainsi être abattue puis valorisée. Grâce à cette approche, la déconstruction sélective devient plus économique que la démolition qui n'aurait pas permis la valorisation des matériaux. L'économie peut être même très importante si le déconstructeur a un accès direct aux filières de valorisation mais cela ne reste valable que pour des gros chantiers.

Le cas des petits et très petits chantiers

Pour les petits chantiers de construction, réalisés en général par des entreprises, préconiser le tri sur chantier n'est probablement pas pertinent. Les volumes sont trop faibles pour justifier économiquement de mettre en place des bennes spécifiques et d'ailleurs les impacts écologiques en matière de transport seraient très importants. Par contre, on peut mettre une ou deux bennes selon le schéma classique : benne d'inertes et bennes de déchets non dangereux (DND) en mélange. La problématique est la même en déconstruction ou en petite réhabilitation mais les quantités sont tout de suite un peu plus importantes.

En ce qui concerne les très petits chantiers, réalisés par des particuliers et des artisans, la problématique est intermédiaire car l'opération de collecte et de transport est effectuée par leurs soins. En effet, sauf interdiction formelle et respectée, ces derniers ont accès à la déchetterie des collectivités avec éventuellement un droit d'entrée pour les artisans. Ces installations (environ 4 500 réparties sur tout le territoire) peuvent avoir plusieurs bennes de déchets concernant le secteur du B.T.P. comme une benne de gravats, de bois, de D.E.E.E. (déchets d'équipements électriques et électroniques) ou encore de plâtre et les détenteurs de déchets sont invités à les déposer dans des bennes de manière séparée. Si la place fait défaut, le tout est déposé en mélange dans la benne de D.N.D. qui pourra être triée en aval. Il est souvent question d'interdire l'accès de ces déchetteries aux artisans, car le coût est majoritairement pris en compte par la collectivité. Même si l'analyse est juste, on a du mal à voir comment on pourrait substituer dans des délais raisonnables ce formidable maillage.

Deux types de tri

En analysant la situation de cette manière, on voit que le tri sur chantier ou même en déchetterie de collectivité n'est pas pertinent dans la majorité des cas et qu'il est donc nécessaire d'avoir des installations en aval capables d'organiser ce tri.

Actuellement deux grands types de tri sont pratiqués en aval : le tri au sol avec estimation de la part valorisable qui ne permet pas d'atteindre des taux de valorisation supérieurs à 25 ou 30% en moyenne (certains collecteurs arrivent à pousser le tri jusqu'à 40% si le coût de décharge est important ou si le cours des matières premières est intéressant) et le tri sur chaîne mécanisée qui obtient un taux de valorisation entre 60% et 90% dans le meilleur des cas.

Vers des super plateformes

Ce qui est nécessaire à présent, ce sont donc des super plateformes de tri avec de la place pour recevoir, trier et stocker les matières en attendant leur expédition et dotées des meilleures techniques de mécanisation. Et c'est là que le bât blesse. Monter une telle structure demande un investissement important : 750 K€ a minima pour la chaîne de tri, auxquels il fait ajouter le bâtiment, le terrain et tous les engins de manutention nécessaires, soit un total d'environ 1,5 million d'euros. Pour amortir une telle installation, il fait compter sur un volume minimal de 30 à 40 KT de D.N.D du bâtiment. Certains collecteurs de déchets ont investi et leurs outils leur permettent aujourd'hui d'éviter la voie de l'élimination en Installation de Stockage. Or les coûts de décharges vont augmenter de manière importante de par la raréfaction des capacités d'enfouissement. De plus les cours des matières premières secondaires augmentent permettant une évacuation des lots de déchets à moindre coût vers des filières de valorisation. En définitive ces précurseurs tels Serdex (69), Nantet (73), Sermaco (42) mais aussi DSG (76) et Veolia (94) auront non seulement la possibilité de garantir à leurs clients des taux de valorisation importants même s'ils ne trient pas sur les chantiers, mais en plus des tarifs très compétitifs.

Jean-Yves Burgy, gérant de Recovering, société d'expertise et de conseil dans le montage et le développement de filières de valorisation des matériaux.

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