Urbanisme : le pouvoir d'injonction du juge administratif est limité

Lorsque les juridictions annulent une décision de refus de délivrance d'une autorisation d'urbanisme, elles n'accordent pas pour autant directement ladite autorisation. Ce qui n'est pas le cas dans d'autres contentieux administratifs. Le ministère de la Cohésion des territoires en explique les raisons.

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Code de l'urbanisme

Dans la plupart des contentieux administratifs, il est possible de demander au juge qui annule une décision de refus, d'accorder la décision positive correspondante. Sauf en urbanisme. Lorsqu'elles censurent le refus de délivrance d'une autorisation d'urbanisme, les juridictions ne peuvent octroyer directement l'autorisation. Le pétitionnaire a simplement le droit de voir sa demande de nouveau examinée par le service instructeur. Un sénateur, Jean-Claude Carle (Haute-Savoie - LR), souhaite savoir s'il est envisagé, dans le cadre des réformes visant à raccourcir les délais de délivrance des autorisations d'urbanisme, de revoir le pouvoir d'injonction du juge administratif.

Les propositions du rapport du Duport

La réduction des délais d'instruction des permis de construire est une volonté des différents gouvernements qui se sont succédé. Le rapport du préfet Duport du 3 avril 2015 en est l'illustration, puisqu'il préconise notamment de ramener ces délais en deçà de cinq mois. Dans sa réponse au sénateur Carle, le ministère de la Cohésion des territoires rappelle que "la possibilité pour le juge de délivrer directement l'autorisation de construire en cas d'annulation d'un refus avait été étudiée dans le cadre des travaux menés par le préfet Duport, missionné par le gouvernement en 2013". Mais cette proposition n'avait pas été retenue car, "selon le rapport Duport (page 9), une telle réforme aurait risqué de rester sans effet, le juge étant rarement en capacité, après une invalidation, de reprendre lui-même l'instruction d'une autorisation d'urbanisme".

Les juridictions n'ont pas la capacité pour instruire les dossiers

Le gouvernement insiste sur le fait que "les juridictions ne disposent pas nécessairement des moyens techniques de l'administration pour instruire des dossiers par nature complexes" et que "la délivrance des autorisations de construire est une des compétences essentielles des collectivités locales". Enfin, il souligne que "l'intégralité des acteurs de la construction demande une accélération des procédures contentieuses en urbanisme, [et qu'il] semble donc inopportun d'alourdir la tâche des juridictions alors que les délais de jugement s'améliorent".

Se fondant sur une jurisprudence de 2012, le ministre explique que si le juge ne peut accorder une autorisation de construire à la suite de l'annulation d'un refus, "il peut néanmoins aller au-delà d'une simple injonction à l'administration de réinstruire l'autorisation pour lui enjoindre de délivrer cette autorisation lorsque l'annulation implique nécessairement une telle mesure (CE, 7 novembre 2012, nº 334424)". Dans cette affaire, l'annulation du refus d'un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation avait été prononcée au motif que celui-ci doit être regardé comme nécessaire à l'exploitation agricole au sens de de l'article NC2 du règlement du plan d'occupation des sol (POS) de la commune.

Motivation d'une décision de refus

Enfin, ajoute le ministère, la loi "Macron" du 6 août 2015 pour la croissance a repris une proposition du rapport Duport. Elle impose que "la motivation d'une décision de refus d'une autorisation de construire indique l'intégralité des motifs justifiant le rejet ou l'opposition, et notamment l'ensemble des absences de conformité aux règles applicables". "Ce dispositif, inséré à l'article L. 424-3 du Code de l'urbanisme, permet d'éviter que l'administration conserve des motifs de refus en réserve pour les opposer ensuite à la nouvelle demande qui fait généralement suite au refus annulé", conclut l'exécutif.

QE n° 04276, réponse à Jean-Claude Carle (Haute-Savoie - LR), JO Sénat du 2 août 2018

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